Intervention de Jean Grellier

Séance en hémicycle du 18 septembre 2013 à 15h00
Redonner des perspectives à l'économie réelle et à l'emploi industriel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Grellier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président des affaires économiques, madame et monsieur les rapporteurs, chers collègues, la proposition de loi que nous examinons s’inscrit dans la réalité économique de notre pays. Elle fait suite à un constat sur les difficultés rencontrées dans le comportement, sans doute très minoritaire, mais significatif, de directions d’entreprises, le plus souvent de groupes importants qui, pour des raisons de stratégies financières et capitalistiques, n’hésitent pas à fermer des sites, notamment industriels, alors qu’ils ont encore une rentabilité économique, sinon des perspectives d’avenir.

Est-il besoin de rappeler les exemples, dont certains très médiatiques, mais d’autres plus sournois et cachés, qui ont abouti à appauvrir significativement l’économie de notre pays, en particulier sa production industrielle, et touché de plein fouet par des pertes d’emploi certains territoires ?

Dans sa première partie, cette proposition de loi vise à encadrer ce genre de décision et à donner les moyens, s’ils peuvent être mobilisés, pour sauver tout ou partie des activités qui présentent une rentabilité et des perspectives, afin de poursuivre une production, une activité, et surtout de sauvegarder les emplois qui en dépendent. Elle répond à une attente mais aussi à des engagements, et s’inscrit, me semble-t-il, dans le cadre de la poursuite de l’intérêt général, économique et social.

La seconde partie de ce texte de loi me paraît également très importante. Certes, elle est plus technique mais revêt également une réorientation très politique. Il s’agit, à mes yeux, de redonner un sens au modèle économique, en rééquilibrant les différentes fonctions de l’entreprise et, en particulier, en régulant a minima l’engagement capitalistique. Il s’agit d’inciter à un respect des fondamentaux de l’économie, non seulement en parvenant à un subtil équilibre entre la rémunération et la gestion des capitaux investis, mais également par une reconnaissance de l’acte de production, qui associe prioritairement les fournisseurs, les ressources humaines intégrées et les clients, tout en définissant les perspectives à privilégier pour assurer la pérennité de l’entreprise. Bien entendu, cela passe par une lutte contre la spéculation aveugle, dont on connaît, à travers les dérives financières constatées au cours des quinze dernières années – on sait ce qu’il en a coûté, tant sur le plan général que, plus spécifiquement, pour notre pays en termes det un recul industriel.

Lors des travaux récents de la commission d’enquête parlementaire sur l’avenir de la sidérurgie et de la métallurgie en France et en Europe, dont vient de parler Mme Bonneton, nous avons pu constater tout ce que ces dérives, souvent exclusivement financières, ont pu coûter à ces grands secteurs industriels fondamentaux, à travers des OPA hostiles plus ou moins justifiées et des changements et mutations capitalistiques successifs cherchant des résultats de court terme. Cela s’est traduit par un affaiblissement de ces grands secteurs économiques, par une perte de souveraineté et surtout par une confusion, voire une absence de stratégie à moyen et long terme, qui conduit à privilégier le rapport à court terme en profitant de la substantielle moelle de l’entreprise, à travers ses productions et ses savoir-faire.

Il est donc nécessaire de disposer d’outils, notamment incitatifs, pour, d’une part, protéger de manière optimale nos secteurs industriels prioritaires et, d’autre part, encourager des engagements capitalistiques de moyen et long terme, de manière à inscrire des stratégies d’entreprise qui assurent des perspectives garantes de leur pérennité, dans le respect des équilibres entre les acteurs partenaires.

Il ne faut en aucun cas décourager les investisseurs potentiels mais leur offrir un cadre leur permettant de s’assurer, eux aussi, d’une certaine vision de l’environnement économique.

Certes, nous en mesurons les difficultés. Les forces financières n’ont pas encore tiré toutes les leçons des déviances qui ont abouti à la grave crise que nous avons connue et qui n’est pas encore terminée. Elles représentent un pouvoir, souvent invisible, mais très efficace, capable de résister aux tentatives de régulation, même a minima.

Mais sur le plan économique, le pouvoir politique ne retrouvera sa crédibilité que s’il est capable d’apporter un nouvel équilibre et une certaine éthique à tout ce qui contribue à la dynamique du marché. D’ailleurs, lors du lancement récent du concept de la « nouvelle France industrielle » et de ses trente-quatre grands projets par le ministre du redressement productif et le Président de la République, ce dernier a défini un nouveau cadre, qui me paraît constituer une base à la construction d’une nouvelle approche plus partenariale de la gestion de l’économie et de la relation à l’entreprise, dans le contexte de ce qu’il a appelé la troisième révolution industrielle.

Cette orientation est aussi la condition de la reconquête industrielle de notre pays, facteur essentiel de l’avenir de notre économie en général et de nos capacités à retrouver une croissance significative, condition essentielle pour recréer des emplois, sans oublier la nécessaire dimension européenne encore à construire.

La proposition de loi que nous débattons, et peut-être plus particulièrement sa seconde partie, est un outil supplémentaire qui s’inscrit dans le prolongement du pacte de compétitivité et des recommandations du rapport Gallois, mais également des effets attendus de la loi bancaire, de la création de la BPI, de l’accord national interprofessionnel et sans doute d’autres textes, votés et à venir, qui donnent de la cohérence aux objectifs poursuivis.

Dans ses articles au Nouvel Observateur, Jacques Julliard proposait que la social-démocratie s’inscrive dans un nouveau concept, celui de « l’économie concertée », à l’opposé d’une économie libérale et ultra-libérale qui a montré ses limites et surtout ses déviances.

Ce texte, à la suite des autres textes votés dont je viens de parler, permet d’accomplir un pas dans cette direction faite d’équilibre et de choix vraiment politiques

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