Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mesdames les présidentes de commissions, mes chers collègues, les hasards du calendrier font qu’au moment où nous débattons de la réponse à apporter à la situation en Syrie, le Président de la République est, avec son homologue allemand, à Oradour-sur-Glane. Si l’histoire de notre pays, et notamment celle de nos relations avec l’Allemagne, n’est plus tragique comme à cette époque, celle du monde l’est malheureusement toujours. D’ailleurs, en 1999, un autre Président de la République se rendait à Oradour-sur-Glane : c’était Jacques Chirac. Et il y évoquait sa décision, prise avec Lionel Jospin, Premier ministre de l’époque, d’intervenir militairement au Kosovo. Autres temps, autres lieux, même histoire tragique – histoire qui est aussi là pour nous rappeler qu’il n’y a pas de fatalité face à l’horreur et à la barbarie.
Avant toute chose, je veux dire, au nom de l’ensemble des députés du groupe écologiste, les sentiments d’indignation et de révolte qui sont les nôtres face à la tragédie que vit le peuple syrien. La répression que subit ce peuple n’a pas commencé le 21 août dernier : cela fait deux ans que la Syrie est plongée dans la guerre civile par la volonté d’un homme, qui malgré le soulèvement populaire du Printemps arabe, s’accroche au pouvoir par tous les moyens. Lancé dans une fuite en avant dans la répression militaire – répression qui a fait plus de 100 000 morts en deux ans –, le régime de Bachar al-Assad a brisé un tabou, celui de l’utilisation des armes chimiques contre son peuple, utilisation bannie par le protocole international de 1925.
Les bombardements de la Ghouta ont fait entrer ce conflit dans la catégorie des « crimes contre l’humanité » comme l’a rappelé le secrétaire général des Nations unies lors de son allocution du 23 août. Aujourd’hui, tous les éléments transmis par les services de renseignements français, recoupés par des organisations non gouvernementales présentes sur place, ne laissent pas de place au doute : la technologie employée, qu’il s’agisse des agents toxiques ou des vecteurs, ne peut être que le fait de l’armée du régime de Bachar al-Assad.
La responsabilité nous incombe désormais de formaliser une réponse internationale à ces attaques innommables. Si un large consensus se dégage autour de l’idée que l’issue de ce conflit ne peut être que politique, les points de vue divergent sur les moyens de la construire. Les groupes parlementaires et chacune et chacun d’entre nous, députés de la République française, peuvent avoir un avis et il peut même exister plusieurs points de vue au sein de chaque groupe. Mais personne ne peut se défausser de sa responsabilité d’apporter une réponse à la question posée.
La question de la méthode est importante. Monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, vous le savez, les écologistes ont toujours été favorables à ce que chaque intervention militaire extérieure soit précédée d’un débat et d’un vote au sein de notre Parlement. Ce n’est pas pour nous une position de circonstance ; c’est une position constante, que nous avons exprimée tout autant lorsque nous étions dans l’opposition que dans la majorité, sur la Libye comme sur le Mali, pour prendre les exemples les plus récents.
Les écologistes voient avec intérêt ce qui se passe aux États-Unis. Alors que ni la Constitution, ni les usages de ce pays n’y obligent le Président, ce dernier a décidé de consulter le Congrès. Celui-ci se prononce sur une résolution, qu’il peut même amender – et il l’a fait. La démocratie américaine en ressort plus forte. La décision qu’elle prendra aussi.
Pour en revenir au fond, reconnaissons que sur le plan diplomatique, tous les efforts entrepris ont été bloqués par le régime de Bachar al-Assad et ses alliés. Soulignons que c’est la France qui a été à l’origine de nombreuses initiatives. Le Président de la République et le ministre des affaires étrangères doivent en être remerciés, car cela rend aujourd’hui la France plus légitime à se poser la question d’une intervention.
À chaque fois qu’une étape a été franchie dans l’escalade de la violence et qu’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU a été déposée, la Russie y a mis son veto. Le blocage imposé par la Russie au sein du Conseil de sécurité de l’ONU soulève d’ailleurs encore une fois la question du droit de veto des cinq membres permanents. Les écologistes ont été violemment critiqués lorsqu’ils ont proposé, en 2012, de réformer ce système hérité de la Seconde guerre mondiale et aujourd’hui à bout de souffle. La question du droit de veto des cinq membres permanents nous revient en effet aujourd’hui en boomerang.
Le système du droit de veto nous place face au cruel dilemme : soit céder à l’impuissance, soit décrédibiliser cette institution internationale. Aujourd’hui, Vladimir Poutine s’est dit prêt, en cas de preuve convaincante du Conseil de sécurité de l’ONU, à agir résolument contre la Syrie. On ne sait ce que valent ces déclarations, mais elles constituent une évolution notable, suite logique de l’évocation d’une intervention militaire, après les bombardements chimiques du 21 août.
Depuis quelques jours, des voix s’élèvent dans l’opposition pour mettre en cause la stratégie diplomatique française. Aussi me paraît-il bon de rappeler quelques faits. Pendant longtemps, le régime dictatorial de Bachar al-Assad – comme auparavant celui de son père Hafez al-Assad – a été vu comme un stabilisateur pour la Syrie et le Moyen-Orient. Il a, de ce fait, bénéficié d’une grande mansuétude de la part de nombreux États, à commencer par la France.
Au début des années 2000, l’implication du régime syrien dans l’assassinat au Liban de dirigeants élus a conduit à l’isolement de Bachar al-Assad sur la scène internationale. Même Jacques Chirac, alors Président de la République, et connu pour sa proximité avec Hafez al-Assad, puis Bachar al-Assad, s’est résigné, au cours de son second mandat, à abandonner tout lien avec ce pays. Nicolas Sarkozy fut le seul d’État occidental à considérer qu’il fallait réhabiliter le régime syrien,