Intervention de Patricia Adam

Séance en hémicycle du 4 septembre 2013 à 16h00
Déclaration du gouvernement sur la situation en syrie et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées :

Tout d’abord, monsieur le Premier ministre, je tiens à vous féliciter de ce que le Gouvernement poursuive dans la voie d’une pratique volontariste en matière de coopération des pouvoirs législatif et exécutif. Vous avez une nouvelle fois fait le choix de dépasser les obligations constitutionnelles en matière d’information du Parlement. Vous connaissez ma sensibilité à ce propos ; je veux donc vous en remercier.

D’ailleurs, que n’aurions-nous pas entendu si nous n’étions pas réunis aujourd’hui ? Jamais – je peux en témoigner – le Parlement n’a été associé d’aussi près aux prises de décision en matière de relations internationales et de défense. Personne ne pourra dire le contraire ici. De même, en tant que présidente de la commission de la défense, je souligne que, chaque semaine, Jean-Yves Le Drian a été présent pour faire un point sur l’opération Serval au Mali. Tout le monde, y compris les parlementaires UMP, s’en est félicité.

La question principale qui se pose à nous aujourd’hui est celle de savoir ce qui se passe en Syrie, et particulièrement ce qui s’est passé à Ghouta le 21 août. J’ai été extrêmement frappée de constater que, ces derniers jours et encore aujourd’hui dans cet hémicycle, un certain nombre de débats, sans doute légitimes, ont prospéré au sein de la classe politique et ont été abondamment relayés par les médias. J’affirme ici, en tant que responsable politique et députée, que la question de l’utilisation des gaz de combat et de son interdiction formelle est la seule qui nous importe pour 1’instant.

Deux raisons l’expliquent. La première est que, depuis un siècle, les États tentent de maîtriser la violence des conflits qui parfois les opposent. À ce titre, la fabrication, la détention, le commerce, l’utilisation de certaines armes sont interdites. Le code de la défense en porte témoignage : son titre IV traite des « armes soumises à prohibition », au premier rang desquelles figurent les armes chimiques, puis les mines antipersonnel, enfin les mines à sous-munition. Toutes ces armes ont la particularité d’avoir des effets difficiles à maîtriser ; autrement dit, en plus d’être meurtrières, elles touchent très largement les populations civiles et pas seulement les forces combattantes. C’est ce qui se passe en Syrie où, faute de tenir le terrain, le régime Assad détruit volontairement les zones menacées et extermine – le mot n’est pas trop fort – sciemment les populations civiles.

On peut observer cela cyniquement et considérer que les moyens du massacre importent peu. J’invite chacun à beaucoup de prudence : qu’adviendrait-il si des pays comme le nôtre ne se portaient pas garants du respect des traités et des interdictions ? À très court terme, des pays qui se sentent potentiellement menacés par de telles armes pourraient décider de s’en doter et même de les utiliser pour se protéger. C’est ainsi toute une architecture mondiale de sécurité collective qui s’écroulerait. Les conséquences à dix ans seraient incalculables.

La seconde raison est que la Syrie fait partie de notre environnement stratégique proche. Le Livre blanc de la défense a rappelé que la Méditerranée est pour la France une zone d’intérêt stratégique. Contrairement à l’Afghanistan, la Syrie n’est pas un acteur lointain. Il n’est pas possible de laisser prospérer sans rien faire un foyer de troubles et de déstabilisation de toute une région, une région dont nous faisons partie.

Mes chers collègues, dans quelques semaines, nous célébrerons le trentième anniversaire de l’attentat du Drakkar, à Beyrouth, qui a coûté la vie à cinquante-six soldats des 1er et 9e régiments de chasseurs parachutistes. Trente ans plus tard, la France déploie toujours près d’un millier de militaires au Liban, sous casque bleu. Nous savons à qui nous devons la perte douloureuse du Drakkar ; c’est le même acteur régional que nous trouvons au côté de Bachar al-Assad aujourd’hui. Il ne faut pas s’y tromper : ce qui se passe là-bas nous affecte ici. La politique de l’autruche n’est pas possible.

Je terminerai en évoquant un dernier point. Comme d’autres collègues ici présents, je suis membre de la délégation parlementaire au renseignement. Ce sont des renseignements issus des services de renseignement spécialisés français qui nous permettent aujourd’hui d’affirmer qu’il y a eu utilisation de gaz de combat et que cela ne peut être le fait que du seul régime de Bachar al-Assad, ainsi que l’a précisé M. le Premier ministre. Comme vous tous, j’attendrai, bien sûr, les conclusions des contrôleurs de l’ONU. Mais la chose ne fait pour moi aucun doute, grâce au travail de la direction générale de la sécurité extérieure et de la direction du renseignement militaire. Qu’elles en soient ici remerciées, car rien ne remplace une capacité autonome de décision dans la formation de la décision politique, et la France peut s’en féliciter.

En conclusion, monsieur le Premier ministre, je suis personnellement favorable à une intervention appropriée de notre pays, et je réunirai la commission de la défense, avec la présence de Jean-Yves Le Drian, la semaine prochaine.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion