La seconde question a trait à la responsabilité de Bachar al-Assad. Sa responsabilité est engagée pour huit raisons fondamentales et cumulatives, que je vais décliner.
Première raison, le régime de Bachar al-Assad a en stock plus de mille tonnes d’agents chimiques et il a déployé les vecteurs nécessaires à leur utilisation. Il les a utilisés, rappelez-vous, lors des événements d’avril à Saraqeb et Jobar. Nous avions pu indiquer alors, grâce à des échantillons communiqués ensuite aux Nations unies, qu’il s’agissait de gaz sarin.
Deuxièmement, nous avons des éléments qui montrent que des préparatifs spécifiques ont été conduits par le régime dans les jours précédant le 21 août. Par préparatifs spécifiques, j’entends des éléments destinés à une intervention chimique.
Troisièmement, la reconstitution de la séquence militaire de l’attaque du 21 août, que le Premier ministre a communiquée à vos représentants lundi soir, montre que les nombreux tirs sont partis des quartiers contrôlés par le régime vers les quartiers de la Ghouta est, aux mains de l’opposition.
Quatrièmement, la séquence opérationnelle et la complexité de l’attaque, dont à mon avis on ne parle pas assez, révèlent une opération militaire parfaitement coordonnée, conformément aux tactiques de l’état-major syrien. Avant l’attaque chimique, il y a eu une préparation aérienne et d’artillerie. Parallèlement à ces actions militaires était conduite l’attaque chimique, à partir de trois heures du matin. Ensuite, sur les mêmes sites, une offensive terrestre a été lancée, à partir de six heures. Puis, toujours au même endroit, il y eut à nouveau des bombardements aériens et d’artillerie intenses. Donc, il y a là une cohérence technique, un exercice militaire de grande ampleur et bien coordonné.
Cinquièmement, le régime a tout fait ensuite pour détruire les preuves de son implication dans cette opération, soit en bombardant les sites déjà touchés, soit en provoquant des incendies pour éliminer les traces et faire évaporer les gaz.
Sixièmement, l’ampleur de l’attaque chimique est telle et les cibles si nombreuses que seul le régime avait les moyens de s’engager dans une telle intervention.
Septièmement, ni nous, ni nos partenaires, ni nos services respectifs, n’avons jamais eu la moindre preuve de possession – et encore moins d’emploi – d’agents chimiques par l’opposition syrienne, a fortiori dans de telles quantités.
Huitièmement, l’attaque menée a un grand sens stratégique pour le régime de Damas, puisqu’il était soumis à une offensive imminente de l’opposition dans des quartiers sensibles, notamment à Ghouta est et Ghouta ouest, où se trouvent les deux aéroports de Damas.
Oui, mesdames et messieurs les députés, c’est une attaque massive, qui a tué des centaines de civils, et qui a été engagée par un régime poursuivant son oeuvre de terreur et de liquidation de son peuple – comme Bachar al-Assad l’a dit dans une interview récente.
J’en viens aux objectifs politico-militaires de l’intervention. M. Borloo a fait référence à un concept tactique de zones d’exclusion aérienne, voire de corridor humanitaire. Je voudrais lui dire que, pour prendre une telle initiative, il faut disposer d’une très grande quantité d’avions, dans la durée. Cela reviendrait à s’engager dans une action de guerre sur le long terme, sans pour autant régler le problème de l’utilisation de l’arme chimique. Cela marquerait le début d’un conflit et d’une guerre de longue durée. Je me permets de lui faire cette observation d’ordre strictement militaire. Je le dis sans aucune agressivité, avec la seule volonté d’éclairer la représentation nationale.
Je voudrais également lui dire que nous partageons sa préoccupation concernant le Liban. Aujourd’hui, ce pays subit de plein fouet les conséquences de la crise syrienne, à la fois sur le plan humanitaire et sécuritaire, comme en témoignent l’afflux des réfugiés et la multiplication des incidents sécuritaires à l’intérieur du pays ou aux frontières, à Tripoli et dans la vallée de la Bekaa. Nous aussi, nous sommes très attachés à la souveraineté du Liban. Nous soutenons la politique de distanciation – c’est le terme utilisé par le Président Sleiman – et appelons toutes les forces politiques à s’y conformer.