Chaque ville compte des entreprises symboliquement importantes : c'est le cas de Goodyear à Amiens. J'ai parlé de la zone industrielle, dans laquelle 20 000 personnes travaillaient dans les années soixante. Des quartiers entiers ont été construits pour accueillir ces salariés de l'industrie : l'office HLM a construit le quartier nord, la chambre de commerce et d'industrie le quartier Étouvie. Ces quartiers étaient modernes et de qualité, et la mixité sociale y était réelle ; ce sont aujourd'hui des quartiers de rénovation urbaine, qui rencontrent des difficultés sociales très importantes, et dont on parle dans les médias nationaux pour de mauvaises raisons... L'attachement des Amiénois à l'industrie est profond ; ils sont fiers de leur passé et pensent qu'ils peuvent avoir un avenir industriel. Le soutien aux travailleurs qui se battent pour leur emploi, la solidarité, sont très forts.
Environ 60 % des salariés de Goodyear habitent dans la métropole ; 40 % habitent dans le bassin d'emploi du grand Amiénois, qui s'étend sur la Somme presque tout entière. Les conséquences de la fermeture de l'usine Goodyear s'étendraient donc bien au-delà de la ville d'Amiens.
J'insiste sur la fierté des travailleurs de cette usine, qui a été moderne, qui a même été la plus productive du groupe. Ils étaient d'ailleurs bien rémunérés. Ensuite, chacun a vu les conditions de travail et l'ambiance se dégrader. Je n'ai pour ma part jamais visité l'usine ; mais je constate que les salariés que je rencontre sont physiquement épuisés, notamment ceux qui travaillent aux « presses », exposés aux poussières de carbone, aux monomères... Les Amiénois vivent tout cela de façon dramatique : c'est pour eux le symbole des difficultés de l'industrie française.