Mon sentiment était partagé, je crois. Le fait que M. Taylor m'ait offert un livre relatant sa campagne pour l'investiture républicaine à l'élection présidentielle américaine et qu'il ait prononcé un vrai discours de politique générale m'a paru curieux – mais encore une fois, peu importe. C'est un industriel, et il avait objectivement intérêt à reprendre cette usine ; cela correspondait à une stratégie du groupe Titan, au niveau mondial. Il m'a donc semblé intéressant de l'écouter, ce que nous avons fait, puis nous avons essayé de lui démontrer l'intérêt que ce site présentait pour lui, et il en est convenu.
Ce qui m'a fait douter de son engagement réel, c'est le montant des investissements qu'il entendait réaliser – il était en effet question de 4 millions d'euros, quand il était évident que des dizaines de millions d'euros étaient nécessaires – et la durée pour laquelle il acceptait de s'engager.
Est-ce que Goodyear n'a joué la carte Titan que pour pouvoir licencier 800 salariés, ou bien y avait-il vraiment un projet de reprise ? Ni ce jour-là ni par la suite, je n'ai eu de réponse à ces questions. Ceux qui ont suivi les négociations nationales à la fin de l'année 2012 n'ont pas non plus reçu de réponses satisfaisantes.
J'ai souhaité que ce projet réussisse : il permettait de conserver quelque 500 emplois, et le marché agraire pourrait se développer, surtout si l'on prend en considération le rôle de la Picardie dans le domaine agro-alimentaire : la région, la collectivité voulaient s'engager et développer une véritable filière. Dans l'Oise, notamment, d'autres entreprises auraient pu travailler avec cette usine pour développer des produits destinés au monde agricole. Il pouvait y avoir là une stratégie. J'étais donc au départ plutôt optimiste, parce que les informations que je recevais à la fin de l'année 2012, de la part du préfet notamment, car nous étions tenus à l'écart des négociations, me laissaient espérer une issue positive. J'ai donc été surpris de la rupture des négociations et des déclarations de Goodyear et de Titan à la fin du mois de janvier 2013.
Par la suite, nous avons continué à agir, notamment avec des parlementaires, pour trouver des repreneurs : je reste convaincu qu'il y a une place à Amiens pour la fabrication de pneumatiques, notamment pour le monde agricole. Nous sommes une région industrielle et une région agricole, au coeur de l'Europe, et cela doit permettre de construire un avenir.
Quant aux pneus de tourisme, compte tenu des dégâts dus au manque d'investissements pendant des décennies, je suis plus dubitatif, ou en tout cas moins optimiste.
Vous savez que notre région a également souffert de la fermeture de Continental, dans le département voisin : cette usine faisait des bénéfices, mais elle a été fermée pour des raisons de stratégie européenne de l'entreprise… Les élus picards nourrissent donc des doutes sur les déclarations de certains chefs d'entreprise.