Madame la présidente, mes chers collègues, le programme 174 « « Énergie, climat et après-mines » aura pour priorités en 2013 d'amorcer la transition énergétique, de garantir les droits collectifs des mineurs et la gestion économique et sociale de l'après-mines, et d'amplifier la lutte contre le changement climatique. Le présent projet de loi de finances prévoit de porter les autorisations d'engagement à 681,9 millions d'euros et les crédits de paiement à 687,8 millions d'euros.
À périmètre constant, la baisse des crédits du programme, de l'ordre de 6 % par rapport à 2012, porte sur l'action Gestion économique et sociale de l'après-mines dont les dépenses, en baisse de 45 millions d'euros par rapport à l'année dernière en raison de la diminution progressive du nombre des ayants droit, représentent encore 95 % du total des crédits. La contribution de l'État au titre du budget de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs sera de 528 millions d'euros.
Je réitère mon souhait d'un rattrapage progressif, tant de fois promis, des pensions de mineurs liquidées avant 1982 ; de 17 % inférieures à celles qui ont été liquidées après cette date, elles le seront encore de 15 % environ au terme du rattrapage modeste de 2012. Je regrette que les conventions collectives en vigueur ne permettent pas d'aligner l'ensemble des mineurs et des veuves sur des indemnités égales qui couvrent le coût réel du chauffage et du loyer. Les indemnités des mines d'ardoise sont par ailleurs très inférieures à celles des mines de charbon.
Les crédits destinés à l'action Lutte contre le changement climatique sont augmentés de 5,6 millions d'euros, en vue d'améliorer la qualité de l'air, effort d'autant plus appréciable que la France fait l'objet d'une procédure devant la Cour de justice européenne pour non-respect des valeurs limites relatives aux particules fines dans l'air dans seize zones ou agglomérations. Pour la première fois, des crédits à hauteur de 50 millions d'euros, destinés à couvrir le déséquilibre du dispositif du bonus-malus automobile, ont été inscrits sur cette action.
La subvention à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, ANDRA, à hauteur de 4 millions d'euros représente plus de 60 % des crédits de l'action Politique de l'énergie. Dans le cadre de l'avancement du projet de création d'un stockage géologique réversible pour les déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue à Bure – projet Cigéo –, cette agence est confrontée à deux défis. Elle doit d'une part assurer le lancement du débat public sur le projet Cigéo en 2013. La Commission nationale du débat public ayant été saisie par l'ANDRA le 10 octobre dernier, le débat pourra se dérouler dans un climat apaisé au cours du premier semestre 2013, loin des échéances électorales. Elle devra d'autre part faire face à la réévaluation du plafond d'emplois et des moyens qui lui sont affectés, rendue indispensable par la montée en puissance programmée du projet Cigéo à partir de 2014. L'ANDRA fera des efforts pour 2013, mais dès lors qu'on lui demande des travaux supplémentaires, son plafond devra être revu et non figé comme prévu actuellement.
L'année 2013 sera marquée par le débat national sur la transition énergétique dont les enjeux sont fondamentaux. Il sera organisé autour des quatre grandes questions annoncées dans la feuille de route pour la transition écologique à la suite de la Conférence environnementale des 14 et 15 septembre derniers : comment aller vers l'efficacité et la sobriété énergétiques ? Quelle trajectoire adopter pour atteindre le mix énergétique en 2025 ? Quel type de scénarios à l'horizon 2030 et 2050 envisager pour honorer les engagements climatiques de la France ? Quels choix faire en matière d'énergies renouvelables et de nouvelles technologies de l'énergie et quelle stratégie de développement industriel et commercial développer ? Quels coûts et quel financement de la transition énergétique prévoir ?
Les engagements européens du troisième paquet énergie-climat résumés dans la règle des « trois fois vingt » et les conclusions du Grenelle de l'environnement nous fixent comme objectif de porter la part des énergies renouvelables dans notre consommation d'électricité à 23 % en 2020. Par ailleurs le Président de la République a pris l'engagement de réduire la part du nucléaire à 50 % à l'horizon 2025.
Les énergies renouvelables doivent être développées, les filières éolienne et photovoltaïque confortées, le Fonds chaleur dont l'efficacité est remarquable doit voir sa dotation doublée. Selon les estimations de la Commission de régulation de l'énergie, à l'horizon 2020, le développement des énergies renouvelables représentera une facture annuelle de l'ordre de 7,5 milliards d'euros, dont 2,1 milliards d'euros pour le photovoltaïque, correspondant à une puissance installée de près de 7 750 mégawatts ; 2,6 milliards d'euros pour l'éolien en mer, correspondant à une puissance installée de 6 000 mégawatts ; 1,6 milliard d'euros environ pour la biomasse et le biogaz, correspondant à des parcs installés de 1 900 et 600 mégawatts respectivement ; près de 1,1 milliard d'euros pour l'éolien terrestre, correspondant à une puissance installée de 19 000 mégawatts.
L'état actuel des technologies qui ne permettent pas le stockage de quantités importantes d'électricité, le problème de l'intermittence de ces énergies, ainsi que leurs coûts, rendent illusoire leur croissance fulgurante à moyen terme. Elles ne permettront pas à elles seules la réduction de la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50 % en 2025. Nous ne pourrons donc pas nous passer d'une politique volontariste d'économies d'énergie. À cet égard, l'efficacité thermique représente un enjeu capital, une rénovation du résidentiel et du tertiaire étant nécessaire et une politique d'économies à travers des aides à l'isolation thermique devant être mise en place.
L'évolution de la Contribution au service public de l'électricité, CSPE, est préoccupante. Si les augmentations de son montant votées en loi de finances permettront une réduction du déficit – actuellement de l'ordre de 4,5 milliards d'euros –, le problème de la prise en charge des coûts de gestion de l'activité des obligations d'achat – 118 millions d'euros – et des coûts du portage cumulé du déficit – 957 millions d'euros –, supportés par EDF, n'est pas réglé. Les commissaires aux comptes ont fait des observations à EDF en juin dernier et menacent d'émettre des réserves lors de l'arrêté des comptes 2012, ce qui entraînerait un risque pour la note de solvabilité d'EDF, et donc des effets sur les taux d'emprunt du groupe.
Quelle sera l'évolution des tarifs de l'électricité au cours des prochaines années ? La modification de notre mix énergétique impliquera de lourds investissements pour les réseaux. Renforcer le réseau sera une priorité et constituera un coût essentiel de la transition. Certaines régions sont déjà sujettes à des problèmes d'approvisionnement en période de pointe, notamment dans l'Ouest de la France. Le remplacement de centrales par des énergies renouvelables impliquera un surcroît d'investissement pour adapter nos réseaux.
Comme je le précisais dans le rapport d'information de mars 2012 sur la situation financière et les perspectives d'EDF et d'Aréva, une décision sera déterminante : la prolongation ou non de la durée d'exploitation des centrales nucléaires au-delà de quarante ans, cette question pesant plus lourd en termes financiers que les incertitudes sur le démantèlement et la gestion des déchets radioactifs. La moyenne d'âge des centrales nucléaires actuelles est d'un peu plus de vingt-six ans ; la plus ancienne, Fessenheim, a été mise en service en 1977, et sera arrêtée fin 2016. Les estimations faites jusqu'à présent reposent sur l'hypothèse de prolongation de la durée de vie du parc nucléaire. Si on l'abandonnait, toutes les centrales devraient être fermées d'ici à 2030 et il faudrait rapidement investir dans de nouvelles centrales ou trouver à très court terme des énergies de remplacement, ce qui impliquerait de porter les tarifs de l'électricité au coût marginal de développement de long terme, et non plus au coût de production, comme c'est le cas actuellement. Le rapport de la Cour des comptes sur les coûts de la filière électronucléaire, présenté en janvier 2012, corrobore mes craintes quant au coût réel de l'énergie nucléaire, plus proche de 50 que de 42 centimes d'euros le kilowattheure.
À la réalisation des investissements de maintenance nécessaires dans le parc nucléaire s'ajouteront les mesures complémentaires de sécurité décidées par l'Autorité de sûreté nucléaire, ASN, à la suite de l'accident de Fukushima, qui ne représentent en elles-mêmes qu'une petite partie des investissements à réaliser. Au total, ils devraient passer de 1 milliard d'euros par an pendant la décennie 2000 à 4,5 milliards d'euros annuels pendant les cinq prochaines années. La fermeture de Fessenheim aura aussi un coût. EDF, qui perd dix ans d'exploitation et les travaux qu'elle a réalisés – un générateur changé en 2011 a ainsi coûté plus de cent millions d'euros –, sera sans doute dans l'obligation de demander une compensation.
Aujourd'hui dépendante du nucléaire, la France se situe à un tournant de son histoire en matière énergétique. Après des années de prédominance du nucléaire dans notre mix énergétique, la nécessité de diversifier nos moyens de production d'électricité se heurte aux choix – ou plutôt aux non-choix – des décennies passées. L'objectif du débat lancé par les pouvoirs publics sur la transition énergétique sera de dresser un tableau clair et transparent des conséquences financières des choix possibles, afin de définir, en toute connaissance de cause, une politique de l'énergie pour les décennies futures, en souhaitant que nos concitoyens s'approprient les décisions à venir.