Intervention de Carole Delga

Réunion du 17 octobre 2012 à 9h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCarole Delga, Rapporteure spéciale :

La jeunesse est la priorité du quinquennat qui s'ouvre pour le Gouvernement et le Président de la République.

Le ministre de l'Éducation nationale Vincent Peillon a rappelé l'enjeu : « refonder l'école de la République pour refonder la République par l'école ».

Cette refondation est une nécessité pour les élèves, afin de lutter contre l'échec scolaire, mais aussi pour les personnels de l'éducation nationale, dont les effectifs ont fortement diminué sous la précédente législature.

Pour ce qui concerne les élèves, les résultats ne sont en effet pas au niveau des objectifs fixés par la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école du 23 avril 2005, à savoir une maîtrise par 100 % d'entre eux des différents savoirs constituant le socle commun. En 2012, seuls 77 % des élèves de troisième maîtrisent les compétences de base en français et 88 % en mathématiques. Par ailleurs, l'écart grandit entre les « bons » et les « mauvais » élèves ; les évaluations montrent en effet que ces derniers représentent 40 % des effectifs en fin de troisième.

Cette situation n'est pas étrangère à l'affaiblissement de l'institution et des structures de l'éducation nationale pendant les cinq dernières années. Entre 2007 et 2012, la mission interministérielle Enseignement scolaire – MIES – a perdu près de 79 200 postes, dont 68 800 postes de personnels enseignants. Les structures administratives, notamment dans les académies, ont perdu de nombreux emplois.

Enfin, l'école républicaine a aussi été affaiblie au niveau symbolique. Son image a souffert du manque d'attention portée aux enseignants. Il faut inverser le mouvement, et c'est tout l'objet des consultations actuelles sur le thème de la refondation de l'école. Nous devons respecter nos enseignants, revaloriser la promotion sociale pour l'accession aux métiers de l'enseignement, rétablir une formation initiale et favoriser la formation continue.

Le budget qui est présenté est donc un budget de refondation. Ainsi, pour la première fois depuis cinq ans, les taux d'encadrement ne diminueront pas.

De plus, les crédits demandés pour 2013 progressent de 1,7 milliard d'euros par rapport à 2012, soit 293 millions d'euros supplémentaires si l'on met de côté la revalorisation du taux de cotisation à destination du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

Par ailleurs, les six programmes qui composent la mission « Enseignement scolaire » connaissent une progression de leurs crédits, mais cette progression est plus marquée pour le programme « Enseignement scolaire public du premier degré » en raison d'un engagement fort en faveur du primaire.

Enfin, l'effort se poursuivra en 2014, avec des crédits prévus à hauteur de 46,09 milliards d'euros – soit 400 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2013 –, puis en 2015 – avec une progression de 480 millions d'euros par rapport à 2014.

Je tiens tout d'abord à souligner l'évolution soutenue des effectifs dès la rentrée 2012. Le plafond d'emplois de la mission devrait ainsi s'élever à 955 434 équivalents temps plein travaillés, soit une augmentation de 2 081 ETPT.

Ces moyens vont permettre non seulement de remplacer les 22 100 enseignants qui doivent partir en retraite d'ici à la rentrée 2013, ainsi que les départs prévus en 2014, mais aussi de créer des emplois pour restaurer l'année de formation initiale des enseignants à partir de la rentrée 2013. Cela représente près de 43 000 recrutements pour 2013, rendus possibles par l'organisation de deux concours dans l'année.

Sur l'ensemble du quinquennat qui s'ouvre, ce sont 60 000 emplois supplémentaires en faveur de l'éducation qui seront créés, dont 55 000 pour l'enseignement scolaire et 5 000 pour l'enseignement supérieur.

Quant au nombre de postes supplémentaires créés entre la rentrée 2012 et l'année 2013, il s'élève déjà à près de 13 000, dont 4 326 emplois pour la seule rentrée 2012 : 1 000 postes d'enseignants dans le premier degré, 1 500 dans le second degré et 226 dans l'enseignement privé ; 100 conseillers principaux d'éducation et 1 500 auxiliaires de vie scolaire, le tout pour un coût total de 88,7 millions d'euros, voté dans le cadre de la loi de finances rectificative d'août 2012. S'y ajoutent 2 000 postes d'assistant d'éducation et 500 postes d'assistants chargés de la prévention et de la sécurité.

Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2013 prévoit la création nette de 8 781 postes, dont 8 281 pour les enseignants : 3 344 enseignants stagiaires supplémentaires dans le premier degré, 3 679 dans le second degré, 751 dans le privé, 49 conseillers principaux d'éducation et 458 emplois au titre de la couverture des décharges de service pour les stagiaires. De cette façon, des remplaçants seront à nouveau disponibles pour permettre la formation des enseignants stagiaires.

En outre, des personnels non enseignants seront également recrutés : 350 auxiliaires de vie scolaire individuels supplémentaires destinés à mieux prendre en charge les enfants handicapés, 100 emplois administratifs qui permettront notamment de mieux assurer les fonctions support au niveau des académies, et 50 emplois médico-sociaux.

Lors de la rentrée 2013 seront également créées les écoles supérieures de professorat et d'éducation. À ce jour, en effet, 70 % des nouveaux enseignants n'ont jamais rencontré d'élève avant de donner leur premier cours ! La France est le seul pays en Europe à ne plus former ainsi ses professeurs.

Enfin, il faut mentionner la création des emplois d'avenir professeurs qui visent à sécuriser le parcours de jeunes étudiants se destinant aux métiers du professorat. En 2013, 6 000 étudiants sont concernés, pour un coût de 29,4 millions d'euros : 15,6 millions d'euros pour financer la création de nouvelles bourses de service public et 13,8 millions pour la rémunération proprement dite liée au contrat d'emploi d'avenir professeur. S'y ajouteront les bourses « classiques » sur critères sociaux de l'enseignement supérieur. L'objectif est de garantir aux étudiants retenus dans le dispositif un montant moyen mensuel de l'ordre de 900 euros minimum, afin de favoriser une véritable accession sociale aux métiers de l'enseignement.

L'assistance éducative fait également l'objet d'un effort accru : 115 millions d'euros supplémentaires y sont consacrés, principalement au bénéfice des assistants d'éducation - AED. Le projet de loi de finances permet ainsi l'actualisation de la rémunération des 54 700 AED sur la base du SMIC.

La même revalorisation sur la base du SMIC est appliquée aux auxiliaires de vie scolaire collectifs, mutualisés et individuels. À ce titre, 138 millions d'euros sont consacrés à la rémunération, et à la revalorisation sur la base du SMIC, des contrats aidés du public et des contrats aidés du privé, qui sont essentiellement chargés de l'accompagnement personnalisé des élèves handicapés. Rappelons qu'à la rentrée 2012, 12 000 contrats aidés ont été prorogés afin de mieux prendre en charge ces derniers.

Il faut ajouter à cela, sur les crédits hors titre 2, la création de 2 000 assistants d'éducation et de 500 assistants d'éducation chargés de la prévention et de la sécurité. Ceux-ci seront affectés prioritairement dans les établissements touchés par des actes récurrents de violence. Ils bénéficieront d'une formation spécifique, car s'intégrer à l'équipe d'un établissement public d'enseignement ne s'improvise pas.

J'en viens aux principales évolutions budgétaires par programme. Tous connaissent une hausse de leurs crédits, à l'exception du programme 139 « Enseignement privé » dont les crédits restent stables, comme c'était déjà le cas depuis cinq ans. Il bénéficie toutefois de 876 emplois supplémentaires et de la revalorisation triennale du forfait d'externat.

Dans le programme 140, qui concerne l'enseignement public du premier degré, les crédits sont en forte hausse sur deux actions. Pour la première, l'enseignement pré-élémentaire, la progression est de 3,91 %. C'était nécessaire dans la mesure où le taux de scolarisation des moins de trois ans a été presque divisé par trois, passant de 34,5 % en 2000 à 13,6 % en 2010. Ce phénomène touche principalement les zones en proie à des difficultés sociales. Or si nous voulons améliorer l'existence des classes moyennes ou modestes, nous devons avant tout nous préoccuper de la scolarisation de leurs enfants. En outre, c'est l'enseignement primaire qui fournit aux élèves les éléments fondamentaux qui détermineront le reste de leur scolarité. Réduire les moyens dont il bénéficie revient donc à faire prospérer le décrochage scolaire.

La formation des personnels enseignants est la deuxième action du programme qui connaît une augmentation de ses crédits – à hauteur de 9 % –, liée à la refonte de la formation des enseignants et à la création des futures écoles du professorat.

En 2013, 3 344 emplois seront ainsi créés sur ce programme. Le but est de disposer de plus de maîtres qu'il n'y a de classes, afin de développer de nouveaux moyens de lutte contre les difficultés scolaires, en particulier grâce au soutien personnalisé.

On déplore souvent la diminution du nombre de postes affectés aux RASED, les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté. Certes, les maîtres E, les maîtres G ou les psychologues scolaires sont en mesure de répondre à certaines formes d'échec scolaire, mais cela implique de retirer l'élève de la classe, ce qui a un côté stigmatisant. Au contraire, le principe « plus de maîtres que de classes » peut permettre une prise en charge individualisée au sein même de la classe.

Dans le programme 141, qui concerne l'enseignement public du second degré, le schéma d'emploi pour 2013 se traduit par la création de 4 112 postes supplémentaires par rapport à 2012. Les 5 646 postes d'enseignants stagiaires créés à la rentrée 2013 bénéficieront d'une formation dans les écoles supérieures du professorat et de l'éducation.

Par ailleurs, les filières technologiques et professionnelles seront réhabilitées. Des actions en ce sens seront proposées dans le cadre de la consultation en cours.

Dans le programme 143 « Enseignement technique agricole », on note la création de 200 postes d'enseignants supplémentaires : 140 pour l'enseignement public et 60 pour l'enseignement privé. Notons que la part du privé dans l'enseignement technique agricole est importante, en raison du rôle joué par les maisons familiales rurales.

Le ministre Stéphane le Foll s'est engagé à recruter 250 professeurs supplémentaires en cinq ans au profit de l'enseignement agricole, dont les résultats en matière d'insertion dans l'emploi sont remarquables : le taux dépasse 90 %. C'est la preuve de l'attachement du Gouvernement à cet enseignement technique de grande qualité, fondé sur l'enseignement scolaire, mais aussi sur l'apprentissage.

S'agissant du programme 214 « Soutien de la politique de l'éducation nationale », après dix ans de baisse continue des effectifs, l'année 2013 marque leur stabilisation. Le programme doit cependant supporter un surcoût important lié à la refonte du système d'information des ressources humaines de l'éducation nationale – SIRHEN. Alors que le coût initial du projet, essentiel au bon fonctionnement de l'administration, avait été évalué à 80 millions d'euros, puis réactualisé en 2011 à 120 millions d'euros, le coût final présenté par le projet annuel de performances pour 2013 sera de 200 millions d'euros. Il y a donc eu manifestement une sous-évaluation au départ.

Le programme 214 bénéficie également d'une dotation spéciale de 10 millions d'euros au titre des technologies de l'information et de la communication. Cette dotation, qui a vocation à prendre de l'ampleur dans les prochaines années, vise la mise en oeuvre d'une politique de développement des usages du numérique dans les établissements scolaires, mais également d'une formation pour le personnel enseignant. L'univers numérique doit en effet être un complément du magistère de l'école, et non un concurrent.

Enfin, pour le programme 230 « Vie de l'élève », on note une forte progression des crédits de l'action consacrée à l'inclusion scolaire des élèves handicapés. L'école républicaine doit en effet accueillir tous les enfants, et donc mettre en place les moyens nécessaires pour accompagner les élèves souffrant d'un handicap. Non seulement nous leur montrerons ainsi que la nation française est attentive à leur sort, mais nous favoriserons leurs échanges avec les autres enfants, lesquels sauront que la différence est aussi un atout.

En conclusion, le budget 2013, ainsi que les réformes déjà opérées depuis la rentrée 2012, constituent la première pierre de l'immense chantier du redressement de l'éducation nationale pour favoriser la réussite éducative.

Le Gouvernement s'est par ailleurs engagé dans de nombreuses concertations qui aboutiront prochainement.

Il s'agira d'abord de repenser les dispositifs en faveur de l'éducation prioritaire en réformant le mode d'allocation des moyens en fonction des difficultés rencontrées par les établissements et non simplement de leur taille. Dans ce cadre, les trop nombreux dispositifs visant à lutter contre l'échec scolaire seront repensés, à l'instar du programme Éclair – Écoles, collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite.

En outre, un grand chantier sera mis en oeuvre pour l'école numérique afin d'adapter les moyens des écoles aux nouveaux modes d'enseignement.

On peut enfin penser à la réforme des rythmes scolaires, avec le retour à la semaine de quatre jours et demi, qui s'accompagnera d'une refonte des dispositifs d'aide personnalisée aux élèves et de prise en charge des devoirs.

Ces nombreux éléments seront traités dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation qui sera soumise au Parlement avant la fin de l'année.

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