Actuellement, nous ne pouvons faire autrement. Mais on peut tout à fait imaginer qu'un « coup de pouce » favorise le recours préférentiel aux effacements.
S'agissant des interconnexions, notre estimation s'établit aujourd'hui à 10 000 MW. Les besoins en termes d'interconnexions dépendent de nombreux facteurs : des décisions qui seront prises en matière de politique intérieure française – amplitude de la transition énergétique, échéance du redéploiement des moyens de production – mais aussi par les pays voisins. Les électrons ne s'arrêtent pas aux frontières ! C'est encore plus vrai pour les petits pays comme la Belgique, par exemple, qui sont traversés par des flux sur lesquels ils n'ont aucune prise. Plus nous introduirons de fluidité, plus nous serons à l'abri d'incidents. Pour optimiser les différents mix électriques résultant des décisions des plus grands pays européens, nous avons intérêt à éviter les zones de congestion. En Espagne et dans le nord de l'Allemagne, les éoliennes sont aujourd'hui arrêtées un certain nombre de jours parce qu'on ne dispose pas de la capacité de transit vers les zones voisines, alors même que le coût marginal de l'électricité qu'elles produisent est faible et son impact en C02 nul.
Notre estimation, à prendre avec prudence, est de l'ordre de grandeur d'un doublement de la capacité d'interconnexion d'ici à 2025. Cela équivaut à ajouter une dizaine de milliers de MW, soit une dizaine de France-Espagne ou de Savoie-Piémont en plus. L'interconnexion France-Espagne a coûté, pour la partie française, 350 millions d'euros – avant subventions européennes. L'enjeu est d'environ 3,5 milliards sur douze ans, soit 300 millions par an. Sachant que nous investissons 1,3 milliard par an, cela représente à peu près 20% de nos investissements. Ce n'est pas négligeable, mais ce n'est pas non plus incommensurable. Néanmoins, cette opération devra être financée par un endettement supplémentaire et – surtout – suppose des conditions d'acceptation par le public meilleures que celles d'aujourd'hui. Je vous invite à cet égard à vous reporter à la page 26 du document, qui compare les durées d'instruction et de construction des lignes en Europe. La durée médiane s'établit pour la France à six ans et demi. Certes, elle est inférieure à celle constatée en Allemagne ou en Suède ; mais je préférerais que le délai soit comparable à ce qu'il est au Danemark, en Finlande ou en Autriche, pays qui n'ont pas la réputation de négliger la protection de l'environnement ou la vie de leurs concitoyens. La relative brièveté de ce délai tient pour une part aux procédures « à cliquet » en vigueur dans ces pays : chacune des étapes de réalisation d'un ouvrage – justification économique, définition de fuseau, tracé – fait bien sûr l'objet d'une décision susceptible de recours, mais en l'absence de recours, dès lors que le délai est purgé, l'étape est considérée comme définitivement franchie. Ce n'est pas le cas en France, où le dernier recours contre un projet peut annuler dix ou quinze ans de discussions, comme cela a été le cas en Provence. Je tenais à appeler votre attention sur ce sujet. Si l'on pouvait par exemple annuler le tracé tout en restant dans le fuseau d'impact, il serait plus facile à l'ensemble des acteurs de converger vers une solution.
Sachant que les réseaux de transport d'électricité ont vocation à occuper longtemps le paysage, nous avons intérêt à entretenir de bonnes relations avec les riverains. Il nous faut donc concilier les impératifs de concertation et d'information des populations avec celui de la perception de l'utilité publique. Siégeant au conseil d'administration de Réseau ferré de France (RFF), j'ai pu constater que si les projets d'infrastructures ferroviaires avaient leurs adversaires, tout comme les réseaux de transport d'électricité, ils avaient aussi leurs partisans, car la population perçoit bien leur utilité. Cela s'avère hélas plus difficile pour une nouvelle ligne électrique… Nous pouvons par exemple expliquer que cela concourt au maillage, ou que la transition énergétique ne pourra s'opérer que par un renforcement du réseau, idée qui commence à être admise – voire soutenue – en Allemagne, mais sans doute moins en France. Le projet de règlement européen sur les infrastructures pose le diagnostic, mais ne propose pas de solutions définitives.
Je m'adresse maintenant à M. Grellier. Dans l'idéal, l'autoconsommation doit être favorisée. Reste qu'elle est plus adaptée au cas du propriétaire d'une résidence située en pleine campagne sur un vaste terrain, qui pourra facilement installer des panneaux solaires, voire des batteries dans sa cave pour stocker de l'électricité, qu'à celui du locataire d'un petit appartement en banlieue parisienne. Nous suivons avec intérêt les expériences du type bâtiment à énergie zéro, qui méritent d'être développées, mais leur généralisation demandera du temps.