Intervention de Francis Vercamer

Séance en hémicycle du 22 octobre 2013 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrancis Vercamer :

Nous abordons aujourd’hui l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 dans un contexte d’inquiétude générale pour le dynamisme économique de notre pays et l’équilibre de nos finances publiques. Alors même que les Français sont particulièrement attachés à leur protection sociale, ils perçoivent clairement que la Sécurité sociale est à la croisée des chemins et qu’elle doit faire face à des défis d’ampleur.

Une récente enquête mettait ainsi en évidence que huit Français sur dix sont inquiets pour l’avenir de notre système de santé, 59 % pensant par ailleurs que l’État dépense trop en matière de santé. Selon une autre étude, sept Français sur dix estiment que l’argent public consacré à la politique de protection sociale et de santé est utilisé de manière inefficace. L’inquiétude manifestée par nos concitoyens suppose une réponse forte de l’exécutif, qui trouve normalement sa traduction opérationnelle dans ce PLFSS.

Disons-le d’emblée : d’une telle réponse, ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale est totalement dépourvu. Pour le groupe UDI, ce projet de loi se contente au contraire d’expédier les affaires courantes de la Sécurité sociale. Composé de mesures éparses, disparates, sans logique d’ensemble, il n’est décidément pas à la hauteur des enjeux. Comme l’année dernière, il ne fixe pas de cap. Il ne traduit la mise en oeuvre d’aucune réforme structurelle majeure qui démontrerait que ce gouvernement a pris la dimension des défis que les différentes branches doivent relever.

Cette absence incompréhensible de réformes s’accompagne, comme l’année dernière, d’une mise sous perfusion fiscale de notre protection sociale. Il faut bien vous reconnaître une forme de cohérence. Face aux nécessités de transformation parfois radicales qui traversent notre système de protection sociale, vous avez une réponse systématique : l’alourdissement de la fiscalité.

Sur le plan des recettes, ce PLFSS s’inscrit en effet dans la continuité de celui pour 2013, qui alourdissait déjà les cotisations sur les emplois à domicile et sur les auto-entrepreneurs, qui élargissait le périmètre de la taxe sur les salaires au détriment de l’épargne salariale et qui créait un prélèvement sur les indépendants, une taxe sur la bière et une contribution additionnelle sur les retraités.

Vous persévérez cette année en augmentant, sous couvert d’harmonisation, les prélèvements sociaux sur les produits de placement tels que l’assurance vie ou l’épargne logement. L’élargissement de l’assiette des prélèvements sociaux s’appliquant aux exploitants agricoles et le déplafonnement de l’assiette des cotisations d’assurance vieillesse de base des artisans et commerçants affiliés au régime social des indépendants, participent de la même logique.

Pourtant, plus de prélèvements et plus d’impôts ne font ni une politique de santé, ni une politique familiale. En outre, ce poids de la fiscalité constitue un frein chaque jour plus puissant à l’envie d’entreprendre, à la compétitivité des entreprises, à la création d’emplois et à la création in fine de recettes pérennes, issues de l’activité économique, pour notre protection sociale.

C’est d’ailleurs l’un des premiers reproches que nous vous avions faits l’année dernière, et que nous ne pouvons que renouveler. Le Gouvernement ne répond pas à cette question, pourtant essentielle : comment assurer à notre protection sociale des recettes qui ne pèsent pas principalement sur le travail ?

Le groupe centriste, de longue date, avait identifié cet enjeu et formulé une proposition de TVA sociale, portée avec ardeur, notamment, par notre collègue sénateur Jean Arthuis. La précédente majorité avait mis en oeuvre, tardivement il est vrai, une TVA compétitivité que l’actuel gouvernement s’est empressé de détricoter, avant finalement de reconnaître qu’il y avait bien un problème de coût du travail et de tenter de le régler avec le crédit d’impôt compétitivité emploi, qui s’avère d’ailleurs inefficace.

Bref, en présentant les mesures d’ajustement du financement des régimes de retraites, le Premier ministre a finalement annoncé, pour 2014, l’engagement d’une réforme pour que le financement de la protection sociale, en particulier la branche famille, pèse moins sur le travail. Pour autant, nous ne voyons toujours rien venir, y compris dans ce PLFSS, et ce alors même qu’un rapport d’évaluation vient de confirmer que le CICE n’atteint pas sa cible.

Bien au contraire, vous venez d’ajouter ce matin encore un amendement après l’article 45 qui, en cherchant à contourner la censure par le Conseil constitutionnel de l’article 1er de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, illustre votre politique de matraquage fiscal des entreprises : il prévoit de soumettre les prestations complémentaires au forfait fiscal à hauteur de 20 % pour celles qui choisiraient de souscrire un contrat auprès d’un autre assureur que celui recommandé par l’accord professionnel.

Pour sa part, le groupe UDI a fait des propositions concrètes, dans la première partie du projet de loi de finances pour 2014, pour alléger le coût du travail. La majorité les ayant évidemment rejetées, il est urgent que le Gouvernement présente, à son tour, ses propositions.

Aux prélèvements nouveaux et distincts opérés çà et là, au travers des différentes dispositions de ce PLFSS, vous ajoutez quelques tours de passe-passe. Ainsi en est-il de l’article 15, qui affecte une partie des fonds dédiés à la dépendance des personnes âgées au Fonds de solidarité vieillesse. On ne peut que regretter les tentatives d’équilibre financier obtenues en grattant les fonds de tiroirs, au détriment des actions auxquelles ces recettes étaient à l’origine affectées. Il s’agit là d’une facilité comptable qui n’est pas une mesure de gestion saine sur le long terme. Elle inquiète, par ailleurs, les structures spécialisées dans l’accompagnement des personnes âgées.

En fait, cet exemple illustre à quel point, en réalité, c’est la question même des orientations fixées à notre protection sociale qui est posée. Là encore, aucun choix structurel fondamental clair n’est effectué, aucun cap n’est fixé.

Bien sûr, le groupe UDI peut rejoindre le Gouvernement sur un certain nombre de dispositions présentées dans ce texte qui lui semblent aller dans le bon sens. Il en est ainsi, en particulier, des efforts engagés pour favoriser le développement de la télémédecine, que nous appelions nous-mêmes de nos voeux. Il en est de même des mesures favorisant les coopérations entre professionnels de santé, ou l’expérimentation des tarifications dans le parcours de soins.

De même, nous ne pouvons qu’accueillir favorablement l’ambition du Gouvernement de mener une politique de soutien à la modernisation des établissements de santé. Pour autant, ses propositions restent trop partielles et ne dissipent pas les effets démobilisateurs de mesures plus discutables. Ainsi, l’un des axes essentiels de cette politique repose encore une fois sur le médicament : on attend de la baisse du prix du médicament 870 millions d’euros d’économies. Pourtant, ce secteur qui ne contribue qu’à 15 % des dépenses de santé, représente déjà 56 % des économies demandées.

Surtout, on s’interroge sur les motivations et les perspectives d’économies qui justifient la mise en oeuvre soudaine de l’expérimentation de la vente de médicaments à l’unité. Cette expérimentation, qui concerne les antibiotiques, a été décidée sans concertation avec les organisations des professionnels de la filière, en particulier les officines pharmaceutiques. Elle ne précise rien de la manière dont sera assurée la sécurité de l’usager, ni des conditions dans lesquelles, face aux risques, la responsabilité des différents acteurs de la filière pourrait être engagée. En outre, on ne sait rien des économies potentielles attendues d’une telle mesure, ni de l’évaluation de son impact sur l’activité des industriels.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion