Intervention de Jacqueline Fraysse

Séance en hémicycle du 22 octobre 2013 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacqueline Fraysse :

Cette année encore, comme déjà l’an dernier, le PLFSS ne rompt pas avec ceux votés lors des deux précédents quinquennats. Dans la continuité du projet de loi sur les retraites, vous refusez toujours d’envisager de nouvelles modalités de financement de la protection sociale, ce qui vous conduit à réduire les budgets.

Cependant, si l’attente était supportable l’an dernier, quelques mois après le retour de la gauche au pouvoir, elle n’est aujourd’hui plus acceptable.

Concernant le financement, tout d’abord, le maintien d’un déficit important de la Sécurité sociale en 2014 montre que la maîtrise comptable des dépenses ne règle rien.

Ce déficit devrait atteindre 13,2 milliards, selon les prévisions du Gouvernement. Notons que s’il est relativement peu élevé au regard de l’ensemble du budget de la Sécurité sociale, puisqu’il en représente environ 3 %, ce qui, au passage, et à la différence de l’État, reste dans les clous du Traité de Lisbonne, il est cependant persistant, puisque depuis douze ans aucun budget de la Sécurité sociale n’a été à l’équilibre.

Plusieurs raisons expliquent cette situation. Tout d’abord, ce budget est systématiquement bâti sur des prévisions de croissance irréalistes, comme nous n’avons pas manqué de le faire remarquer l’an dernier. Le Gouvernement tablait sur une croissance de 0,9 % en 2013. Au final, elle ne devrait pas dépasser 0,1 %, concrétisant nos craintes que la contraction des dépenses publiques que vous avez imposée ne tue la croissance et l’emploi.

Ainsi, le déficit pour cette année 2013 va être accru de 1,7 milliard par rapport à vos prévisions, et ceci bien que les dépenses soient inférieures aux objectifs fixés pour chacune des branches de la Sécurité sociale.

Cette situation vient confirmer ce que nous ne cessons de répéter : le déficit de la Sécurité sociale n’est pas dû à un excès de dépenses, mais bien à une insuffisance de recettes. C’est dû au chômage et aux fermetures d’entreprises qui se poursuivent, aux exonérations de cotisations sociales patronales que vous maintenez sans aucun contrôle, à votre refus persistant de faire contribuer tous les revenus, et notamment ceux des placements financiers, à la protection sociale.

Enfermés dans ce carcan libéral qui ne vous distingue plus des choix opérés par la droite, vous maintenez un ONDAM insuffisant pour répondre aux besoins de santé et un ONDAM hospitalier qui ne risque pas de permettre aux hôpitaux publics de surmonter leurs difficultés actuelles, puisqu’il se situera à 2,3 % alors que les dépenses des hôpitaux devraient augmenter de plus de 3 %.

Lorsque Édouard Couty avait rendu les conclusions de sa mission sur l’avenir de l’hôpital, j’avais salué un travail sérieux, fruit d’une large concertation, et qui prenait le contre-pied de la loi HPST en proposant de revenir sur la généralisation aveugle de la T2A.

M. Couty souhaitait que l’État « fixe les objectifs et rende des arbitrages politiques », ce qui me semble essentiel mais nécessite évidemment de prendre des décisions d’ordre financier. Or, non seulement la réforme de la T2A ne se fait qu’à dose homéopathique mais, cette année encore, le Gouvernement fixe un ONDAM hospitalier inférieur à l’évolution des dépenses des hôpitaux. Avez-vous décidé de tourner le dos aux conclusions de ce rapport qui, pourtant, était consensuel, tout au moins à gauche ?

Certes, ce PLFSS comporte quelques points positifs. On peut ainsi se réjouir de la réforme des modalités de financement de la Haute autorité de santé qui, dorénavant, ne sera plus alimentée par des taxes en provenance des laboratoires pharmaceutiques sur les produits desquels elle est amenée à se prononcer, ce qui lui laissera davantage d’indépendance.

Je me réjouis également de l’amélioration de la protection sociale des femmes médecins ou auxiliaires médicales en cas de grossesse, de l’expérimentation de la délivrance de médicaments à l’unité afin de vérifier si c’est une mesure utile ou encore du renforcement de l’aide au sevrage tabagique à destination des jeunes.

De même, si l’on peut se réjouir de la poursuite des expérimentations sur les nouveaux modes de rémunération alternatifs au paiement à l’acte, qui favorisent le travail collectif et permettent de rémunérer les actes de santé publique et de prévention, il convient de faire remarquer que cette expérimentation dure depuis maintenant cinq ans, puisqu’elle a été demandée en 2008. Il serait peut-être temps, aujourd’hui, de tirer quelques conclusions et d’oser avancer plus résolument, bien sûr sur la base du volontariat, vers d’autres modes de rémunération que le paiement à l’acte.

De même, on peut regretter que la réforme de la tarification à l’activité des établissements de santé prévue à l’article 33 soit cantonnée à certaines cliniques privées, les ex-hôpitaux locaux étant financés jusqu’en 2015 et de façon dérogatoire par une dotation annuelle de financement.

On reste là encore très loin des préconisations du rapport Couty concernant la nécessité d’une profonde réforme du financement des hôpitaux publics et, notamment, des grands établissements comme l’AP-HP, les Hôpitaux civils de Lyon ou l’Assistance publique de Marseille, qui sont également soumis à des contraintes de service publics fortes – certes différentes des établissements situés dans des zones isolées ou peu denses mais tout aussi incompatibles avec un financement par tarification à l’activité.

Il en est de même concernant la tarification au parcours pour les maladies chroniques, qui figure également dans les préconisations du rapport Couty. On peut s’étonner que l’expérimentation prévue à l’article 34 se limite à l’insuffisance rénale chronique et au traitement du cancer par radiothérapie, laissant ainsi de côté la grande majorité des maladies chroniques et notamment le diabète, qui constitue un vrai problème national.

Enfin, dans un autre registre, celui des prestations familiales, le recentrage opéré sur les familles les plus modestes pourrait être considéré comme une mesure positive s’il ne se faisait au détriment des catégories moyennes et du principe d’universalité des prestations sociales.

Plus généralement, et votre décision récente de diminuer la part des employeurs dans le financement de cette branche le prouve, on peut craindre que vous ne prépariez le terrain à la fiscalisation de la branche famille…

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