Intervention de Denys Robiliard

Séance en hémicycle du 22 octobre 2013 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenys Robiliard :

Monsieur le président, mesdames les ministres, ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 s’inscrit dans la continuité du PLFSS pour 2013 : il ne prévoit pas de déremboursement, et les problèmes de financement de la Sécurité sociale doivent être résolus sans diminution des droits des assurés. Ce n’est pas rien de le constater au vu des pratiques précédentes.

Je vais centrer mon propos sur les dispositions relatives à la branche accidents du travail et maladies professionnelles.

S’agissant tout d’abord de l’équilibre général, le solde de la branche ATMP pour l’ensemble des régimes obligatoires de base de la Sécurité sociale a été négatif de 600 millions d’euros en 2012. Or cette branche est bâtie par construction sur une tarification du risque et intègre la sinistralité, elle a donc vocation à l’équilibre. J’espère donc que tant en 2013 qu’en 2014, nous pourrons constater un retour à l’équilibre.

Notre rapporteur a constaté d’autre part que le PLFSS que nous discutons n’apporte pas de modification sensible au régime et se borne, en son article 53, à tirer les conséquences légales d’une décision du Conseil constitutionnel du 6 mai 2011 ayant affirmé le droit des marins au bénéfice de la législation sur la faute inexcusable.

Notre rapporteur a donc préféré mettre en avant l’impact de l’instauration de la pénibilité dans le régime de retraite sur les CARSAT. Il y voit une mise en danger de la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles et même une atteinte au dialogue social. Le dispositif de la pénibilité a reçu l’assentiment des organisations syndicales de salariés. Par conséquent, sous couvert de défense du dialogue social, c’est donc à la défense des seules thèses patronales que s’est livré notre rapporteur.

Enfin, notre rapporteur considère que le régime ATMP ne devrait pas évoluer. Il loue le compromis que constitue la loi du 9 avril 1898. Il loue le caractère subsidiaire de l’indemnisation relativement à la réinsertion professionnelle de l’accidenté et rappelle à ce propos l’exposé des motifs de la loi du 30 octobre 1946. Il se félicite également du taux actuel d’accidents du travail qui s’est révélé historiquement bas en 2012, mais qui reste quand même de 35 pour mille, soit 3,5 %, ce qui ne saurait en soi nous satisfaire.

Surtout, son rapport explique la cause de cette baisse du taux : « À court terme, il convient de relever l’effet de la conjoncture économique. Un examen rétrospectif des évolutions annuelles des effectifs salariés et du nombre d’accidents avec arrêt permet de distinguer les périodes de croissance et de décroissance des effectifs : en période de croissance, le nombre d’accidents tend à augmenter 1,25 fois plus que le nombre de salariés alors qu’en période de décroissance, il diminue tendanciellement 2,6 fois plus que le nombre de salariés. » Autrement dit, c’est parce que l’économie va mal que le nombre d’accidents est en baisse, rapporté au millier de salariés, et non pas parce que les choses vont mieux. Cela est sans doute dû au fait que les premiers emplois atteints sont ceux pourvus en intérim, et que le taux d’accidents du travail dans les entreprises intérimaires est supérieur.

Tout doit être fait pour prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles, et l’on ne saurait se satisfaire durablement du régime actuel. Le fameux compromis de 1898 a été établi sur la base d’une réparation automatique, mais seulement partielle, des accidents du travail. Pouvons-nous encore nous satisfaire de ce régime aujourd’hui, alors que les accidents de la route, par exemple, sont complètement indemnisés de façon automatique depuis la loi du 5 juillet 1985, dite loi Badinter ? Le fait générateur de la responsabilité est l’implication du véhicule terrestre à moteur.

Ajoutons que les critères de la faute inexcusable ont considérablement évolué. La définition classique en avait été posée par la Cour de cassation en 1941. La définition contemporaine a été posée, pour les maladies professionnelles, dans un arrêt portant sur l’amiante du 28 février 2002 ; et pour les accidents du travail dans un arrêt du 11 avril 2002.

Aujourd’hui, avec la conscience du risque qu’a l’employeur et l’obligation de résultat en matière de sécurité, il y a automaticité de l’obligation de réparation intégrale du préjudice, qui a été confirmée par une décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010.

Notre régime oblige à intenter un procès pour être automatiquement indemnisé. Peut-être pourrait-on faire l’économie du procès en réformant la notion de faute inexcusable. Il s’agit évidemment de considérations prospectives, puisque ce n’est pas l’objet du présent projet. Mais on peut y penser à terme s’agissant de la branche ATMP.

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