Intervention de Jean-Pierre Barbier

Séance en hémicycle du 22 octobre 2013 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Barbier :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour débattre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, prérogative essentielle du Parlement.

Il nous appartient d’être à la hauteur de cette grande ambition et de prendre nos responsabilités pour permettre à la solidarité nationale de s’exercer pleinement, tout en veillant à sauvegarder les équilibres financiers. Car une solidarité durable ne peut être financée à crédit ou alimentée par un excès de prélèvements sur l’activité et sur l’emploi.

Si je devais résumer votre projet de budget, madame la ministre, je dirais qu’il porte dans les mots une ambition démesurée pour une réalité malheureusement bien plus modeste.

Ce PLFSS manque d’audace et cède à la facilité en faisant, une fois encore, peser l’essentiel des mesures d’économies sur le médicament, qui représente 15 % des dépenses de santé mais qui participe à hauteur de 56 % aux économies.

L’industrie pharmaceutique est plus que jamais la variable d’ajustement de l’assurance maladie. Comme l’année dernière, votre discours repose sur une communication stigmatisante sur le médicament et sur tous les acteurs de la chaîne, de l’industriel jusqu’au pharmacien d’officine.

Vous fragilisez l’avenir de ce secteur industriel qui représente plus de 100 000 emplois directs. Vous serez responsable de ce naufrage et des suppressions d’emplois à venir. À force de tirer sur la corde, madame la ministre, celle-ci finira par céder et notre industrie pharmaceutique perdra pied face à une concurrence mondiale de plus en plus forte.

Votre stratégie fragilise aussi les 22 000 officines et leurs 120 000 salariés. Ils sont pourtant des acteurs incontournables du système de soins et participent à un réseau de proximité fort qui a beaucoup oeuvré pour le développement des génériques. Et aujourd’hui, comme seul remerciement, vous voulez porter un nouveau coup à leur marge constituée en grande partie grâce à cette substitution, substitution que vous poussez au-delà des limites du raisonnable avec les médicaments biosimilaires.

Madame la ministre, votre PLFSS cède à la facilité en continuant d’augmenter les prélèvements sur les Français.

Le PLFSS allonge une liste de nouvelles charges devenue insupportable pour nos concitoyens : je pense particulièrement à la mesure contenue à l’article 8 qui vise à taxer les placements de PEL ou PEA, instruments privilégiés de l’épargne des classes moyennes, peut-être « aisées », me direz-vous – il faudra un jour nous en donner votre définition.

Il y a l’aspect comptable : 600 millions d’euros de prélèvements supplémentaires. Et il y a l’aspect moral et psychologique : la rétroactivité à partir de 1997 au taux unique de 15,5 %. Par ce dispositif, vous portez un coup de poignard dans la confiance des Français vis-à-vis de l’épargne longue. Vous contribuez à alimenter le ras-le-bol fiscal, ce qui est destructeur pour notre économie.

Enfin, le PLFSS cède à la facilité en n’engageant aucune réforme de structure. J’en veux pour preuve votre mesure relative à la mise en place d’un mécanisme de financement dérogatoire des hôpitaux ayant une faible activité.

Nous sommes tous ici sensibles aux enjeux de l’offre de soins. Néanmoins, gardons-nous des fausses bonnes idées, souvent démagogiques et complètement inadaptées à la réalité de nos finances publiques et à l’objectif visant à permettre à nos concitoyens d’être bien soignés. En matière de santé publique, la proximité n’est pas toujours l’alliée de l’efficacité et de la sécurité pour le patient. Là encore, le PLFSS n’est pas à la hauteur. J’aurais aimé, comme beaucoup de mes collègues, que l’on travaille sur la carte hospitalière, l’offre de soins, les déserts médicaux et la spécialisation des établissements.

Le Gouvernement succombe aussi à la facilité lorsqu’à l’article 36, il reporte de 2016 à 2018 la facturation individuelle des établissements de santé à l’assurance maladie, laquelle aurait permis de mieux suivre les dépenses hospitalières, de responsabiliser les praticiens hospitaliers et de construire de meilleurs parcours de soins.

Il y a là clairement deux poids, deux mesures : on autorise une fois de plus aux établissements publics une souplesse que l’on refuse aux médecins, infirmiers, kinésithérapeutes ou pharmaciens libéraux, dont les prescriptions sont pistées. Les outils informatiques adaptés existent dans le monde libéral ; pourquoi cette réticence à les étendre à l’hôpital ? Il ne s’agit pas d’opposer médecine publique et libérale, mais de mieux encadrer les dépenses de santé. Imposons un minimum de contraintes au milieu hospitalier quand on sait les économies que cela peut générer, comme l’a relevé la Cour des comptes : quelque 5 milliards d’euros.

Au final, ce PLFSS 2014 est des plus fades : sans ambition, sans vision, sans saveur autre que le goût immodéré de la gauche pour les impôts, les taxes, l’essorage continu du contribuable et des entreprises. N’oublions pas non plus pour terminer les nouvelles mesures portant atteinte à la famille : la baisse du quotient familial et la division par deux de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant pour 12 % des bénéficiaires !

L’indigestion n’est plus loin et ce n’est certainement pas l’ordonnance du Gouvernement et de sa majorité parlementaire qui permettront de guérir notre système de santé et notre pays.

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