Intervention de Richard Ferrand

Séance en hémicycle du 22 octobre 2013 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRichard Ferrand :

Monsieur le président, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, il est inexact de dire que nous ne serions inégaux que devant la maladie. Nous sommes d’abord inégaux devant l’accès aux soins. Or le fondement de notre modèle solidaire à vocation égalitaire est d’en offrir et d’en garantir un à chacun. Mais face aux évolutions contemporaines que sont le vieillissement de la population, le développement des maladies chroniques et le progrès technique, la capacité de notre système de santé est mise en question : équilibre financier menacé et menaçant, fonctionnement très cloisonné, prise en charge certes excellente mais concentrée sur des épisodes au détriment du parcours de soins, inégalités territoriales persistantes. En un mot, notre système de santé appelle lui aussi nos bons soins.

Tel est le diagnostic auquel entend répondre la stratégie nationale de santé. Le déploiement des soins de premier recours a été érigé en priorité absolue, en particulier dans les déserts médicaux. Il faut se féliciter du choix de réorganiser notre système de santé autour d’une médecine de parcours, et de la bataille engagée pour combler la fracture territoriale. C’est l’égalité dans les territoires et entre eux qui donne la mesure de la justice sociale et de la continuité du service public, donc des valeurs de la République. À l’heure où d’aucuns se désolent de la dissolution du pouvoir politique dans la mondialisation et l’Union européenne, il n’est pas vain de rappeler qu’en matière de santé la puissance publique nationale a encore tout son rôle à jouer.

Pour conforter le maillage territorial, le pacte « territoire santé » a été une première étape dont le PLFSS constitue un approfondissement et dont la future loi de santé publique devra être l’aboutissement. Ce projet global impliquera davantage de respiration régionale, assortie naturellement d’une réforme des ARS qui ne fonctionnent pas toujours de manière optimale, et c’est un euphémisme. Il faudra en particulier redéfinir leurs missions prioritaires et je présenterai un amendement en ce sens. Réfléchir au mode de gouvernance, en particulier au rôle des élus en leur sein, sera tout aussi indispensable, car la répartition de l’offre de soins sur un territoire est indissociable de la politique d’aménagement du territoire.

Le dispositif de coopération entre professionnels de santé, institué par l’article 51 de la loi HPST, doit monter en puissance. « Renverser l’architecture » de l’article 51, comme le propose le rapport Cordier, semble constituer une piste intéressante.

Nous devons aussi repenser la formation et les compétences des professionnels de santé, jusqu’à la « création de nouveaux métiers de santé », pour reprendre les termes forts employés par Mme la ministre. Il nous faudra concrétiser des transferts de compétences définitifs et, pourquoi pas, accorder une place plus centrale aux infirmiers. Une sensibilisation réelle et en profondeur des futurs médecins aux enjeux de l’égalité territoriale dans l’exercice de leur profession doit être mise en place. Il s’agirait de faire véritablement prendre conscience aux futurs praticiens que leur mission s’inscrit aussi dans une perspective de réduction des inégalités, dans la prise en compte de la précarité, mais également dans la mobilisation optimale des deniers publics.

Redonner un souffle territorial supposera, d’une part, de veiller à ce que les CHU, loin d’assécher des territoires en concentrant l’activité, viennent au contraire les irriguer et, d’autre part, de réformer le modèle économique des centres de santé pour en pérenniser l’activité. Comme le souligne le récent rapport de l’IGAS, les centres de santé revêtent une réelle utilité sanitaire et sociale, en assurant des services précieux dans des zones déficitaires, et en pratiquant le tarif opposable et le tiers payant. En accueillant des populations précaires, le service public – ou son proche parent, le centre de santé – pallie la carence de l’initiative privée. Il faudra donc veiller à la consolidation et au développement de ces structures, sans que cela conduise pour autant à dédouaner les professionnels libéraux.

Ceci nous amène à la deuxième clef de l’accès aux soins : la question financière. Chiffres et études montrent tous une tendance criante au renoncement aux soins parce que, disons-le simplement, trop de nos concitoyens ne gagnent pas assez. La question des inégalités sociales vient souvent s’additionner aux difficultés territoriales, parfois sous la forme d’une double peine – un peu comme l’écotaxe.

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