Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a cinquante ans aujourd’hui, le prix Nobel d’économie Kenneth Arrow traitait pour la première fois d’économie de la santé. Il aura fallu un demi-siècle pour mieux appréhender les dépenses de santé, auxquelles la France consacre pas moins de 11 % de son PIB, soit 2 500 euros par Français et par an. Face à cette inadéquation croissante entre des besoins évolutifs et des ressources épuisables, il est normal de s’interroger. D’abord, parce que la santé est devenue un choix parmi d’autres pour distribuer les ressources publiques, en compétition avec d’autres domaines qui ont un impact direct sur l’état de santé, comme l’environnement. À quel moment vaut-il mieux investir un euro dans la lutte contre la pollution plutôt que dans les soins de santé, en termes d’impact sanitaire ? Et que dire des perspectives en matière de médecine préventive ?
Maîtriser les dépenses de santé, donc, pour ne pas fragiliser plus avant notre modèle social. Mais comment ? La droite a fait ses choix pendant dix ans : effritement de la prise en charge des soins par l’assurance maladie, mesures de déremboursement, franchises médicales, idéologie de l’hôpital-entreprise. Nous, la majorité progressiste, nous faisons un tout autre choix, avec un tout autre résultat. Un tout autre choix, puisque la maîtrise des dépenses ne repose plus sur des mesures de désengagement de l’assurance maladie : pas de déremboursement, pas de nouvelles franchises – et vous n’avez pas souhaité, madame la ministre, de nouvelles taxes comportementales. La maîtrise durable des dépenses d’assurance maladie repose exclusivement sur des gains d’efficience, portant essentiellement sur le prix des médicaments, sur des actions de maîtrise médicalisée des dépenses, sur le renforcement de la pertinence de certaines prises en charge.
Un tout autre résultat, disais-je, puisqu’après une réduction d’un milliard d’euros des déficits du budget de la Sécurité sociale en 2013, le Gouvernement prévoit une baisse de 3,4 milliards d’euros en 2014. Ce volet financement est assorti d’un changement de dynamique, en ville comme à l’hôpital. Nous avons de nombreuses raisons de nous réjouir du système de santé français. Des professionnels de qualité, formés dans d’excellentes conditions, dévoués totalement à leur exercice ; une offre de soins diversifiée, qui repose sur un binôme hôpital public et médecine de ville, que les Français plébiscitent ; une recherche publique reconnue à travers le monde, et un environnement propice à accueillir les industries de santé, favorisant l’innovation et l’emploi ; des patients devenus usagers, qui se sentent partie prenante du système de soin ; enfin, un financement solidaire dans son principe, comme l’a voulu le Conseil national de la Résistance, et qui engage fortement le budget de l’État.
Mais les imperfections demeurent, trop nombreuses. Leur persistance est désormais vécue comme un échec, voire comme un renoncement à un idéal d’universalité et de solidarité, auxquels les Français sont légitimement attachés. Pour tenir compte de cette situation, vous avez présenté, madame la ministre, avec Geneviève Fioraso, les grandes lignes de la stratégie nationale de santé, qui va engager la politique sanitaire de la France pour les prochaines années. Le principe est à la fois novateur et simple : il s’agit de repenser l’organisation de l’offre de soins à partir d’objectifs de santé publique.
Le présent PLFSS en esquisse déjà un certain nombre de contours, avant la loi annoncée pour 2014. Je citerai, sans être exhaustif, la rémunération d’équipes de santé, le financement de coopérations entre professionnels de santé, le déploiement de la télémédecine, la rénovation en profondeur de la stratégie de soutien à l’investissement en établissements de santé, de nouveaux moyens en faveur des personnes âgées et handicapées, la simplification de l’accès à l’innovation en santé pour les hôpitaux.
Pour ce qui est du mode de financement des hôpitaux, vous poursuivez, et la majorité vous soutient, la sortie progressive du tout T2A, et introduisez une modulation des tarifs en fonction des volumes d’actes réalisés. Je défendrai, au travers d’un amendement, la prise en compte de la pertinence des soins dans cette régulation prix-volumes, car ce n’est pas parce qu’un acte est réalisé plus fréquemment d’une année sur l’autre qu’il n’est pas justifié ; par ailleurs, changer trop brutalement les règles de fonctionnement de la tarification à l’hôpital risquerait de créer trouble et anxiété chez un secteur hospitalier trop souvent amené, par le passé, à se réadapter sous la contrainte.
En ce qui concerne le financement de la protection sociale, je suis très sensible à l’annonce que vous avez faite de stopper net l’effritement de la prise en charge des soins par l’assurance maladie obligatoire. Vous connaissez mon engagement à faire mieux rembourser des soins onéreux, comme les prothèses optiques, dentaires ou auditives, des soins indispensables au bien-être et à l’autonomie des personnes, mais auxquels les Français renoncent bien trop souvent. Je suis également sensible à la révision annoncée des contrats dits responsables des complémentaires, contrats qui devront à l’avenir être aussi plus visibles, mieux lisibles pour les usagers, trop souvent perdus dans une jungle d’offres dans laquelle les professionnels de santé eux-mêmes peuvent se perdre.
Enfin, et dans un tout autre registre, je défendrai demain un amendement qui fait suite au rapport que je vous ai remis, madame la ministre, sur la filière du sang. Cet amendement soutient l’idée qu’une filière industrielle de production de médicaments dérivés du sang, lorsqu’elle respecte les règles éthiques s’imposant à la filière et auxquelles les Français sont profondément attachés, lorsqu’elle fait appel à la générosité de millions de donneurs de sang bénévole, se doit d’être valorisée, en l’occurrence d’être exonérée d’une partie de la contribution fiscale qui s’impose aux laboratoires pharmaceutiques.