Je serai brève, afin de permettre l'instauration d'un véritable échange entre nous.
Je partage votre analyse de base sur Rio +20 : il n'a pas été assez ambitieux, n'est pas allé suffisamment loin. Les progrès attendus n'ont pas eu lieu, mais il ne s'agissait pas véritablement d'une conférence sur le changement climatique, dans la mesure où chaque grande cause de notre planète y a été abordée.
La question est désormais de savoir comment aller plus loin, s'agissant notamment de l'accès à l'énergie durable pour tous. Comment aller au-delà de l'analyse basée sur le PIB traditionnel ? Comment nous éloigner progressivement des carburants fossiles ? Il y a plusieurs étapes à franchir et je pense que certains pays vont essayer d'aller plus loin.
Au mois de septembre, le Commissaire européen chargé de l'environnement, Janez Potočnik, verra ce que l'Europe peut faire s'agissant de la question climatique, et comment il est possible d'aller plus loin dans le processus post Rio.
Je partage votre point de vue s'agissant du fait que nous avons tendance à marquer le pas en matière de lutte contre le changement climatique : nous n'allons pas assez loin pour obtenir une transformation efficace, tant d'un point de vue financier, que du point de vue des ressources et de l'énergie.
Lors des deux dernières années nous avons présenté une « Feuille de route vers une économie compétitive à faible intensité de carbone à l'horizon 2050 » et également une « Feuille de route pour l'énergie à l'horizon 2050 », ainsi qu'une proposition financière et budgétaire pour la communauté européenne. Elles mettent le climat au centre de toutes les questions, comme par exemple les questions agricoles. Il s'agit selon moi d'un pas important pour une façon nouvelle de voir les choses. Les ressources étant rares en Europe, nous devons faire de notre mieux : chaque euro dépensé l'est là où nous avons la meilleure valeur ajoutée.
Nous avons également formulé des propositions très ambitieuses en ce qui concerne la directive efficacité énergétique. Vous avez parfaitement raison, l'Europe doit améliorer ses performances de 20 %. Sans cette directive, la performance n'aurait été que de 9 % d'ici à 2020 ; après discussion au Parlement européen, nous sommes parvenus à fixer un objectif de 17 %. La Commission européenne n'a pas le pouvoir d'aller plus loin, je le regrette ; c'est au Parlement européen et aux Conseil qu'il incombe d'en décider.
Il n'en demeure pas moins que nous continuons à travailler, avec les outils mis à notre disposition. Je suis ainsi parvenue, par exemple, à faire passer une proposition relative aux véhicules légers, au terme d'une excellence coopération avec le Commissaire Barnier. Je sais combien les intérêts de la France sont importants dans ce secteur. En Europe, 12 % des émissions sont imputables aux voitures privées. Il n'est pas aisé d'amener nos industries à innover davantage en vue de fabriquer des voitures plus propres. Pour ce faire, la Commission européenne passera notamment par des normes communes.
Quels sont mes objectifs en matière d'énergies renouvelables ? Il faut se projeter au-delà de 2020, jusqu'à 2030. Nous avons beaucoup à faire aujourd'hui, notamment affronter la crise économique, mais ne négligeons pas pour autant la crise climatique et la crise des ressources. Tous les commissaires européens ont en tête que cet enjeu est le second par ordre d'importance. Nous avons déjà conduit des études sur la situation prévisible en 2050, en particulier dans les secteurs de l'agriculture et des transports.
S'agissant des questions budgétaires, la France joue un rôle crucial dans le domaine de la politique agricole commune (PAC). Pour le premier pilier, nous avons proposé que les prochaines négociations budgétaires relatives à la PAC soient l'occasion d'acter le principe suivant : les agriculteurs bénéficiaires d'un soutien européen devraient donner quelque chose à l'Europe en contrepartie, en rendant leur activité plus soucieuse de l'environnement. Pour le deuxième pilier, nous devons aider les exploitants agricoles à s'adapter aux défis climatiques du futur – inondations au nord, sécheresse au sud – par le biais des nouvelles technologies, de plus en plus respectueuses de l'écologie et de moins en moins énergivores. C'est maintenant aux États membres et aux parlements nationaux de décider de la suite à donner à ces propositions extrêmement claires. Je me tourne par conséquent vers l'Assemblée nationale nouvellement élue pour lui demander de contribuer à une politique agricole européenne ambitieuse et durable.
La Commission européenne se penche aussi sur le système d'échange de quotas d'émissions afin d'évaluer son fonctionnement, d'en tirer un bilan et de décider d'éventuelles modifications pour l'avenir. Je connais le débat français sur l'ajustement du dispositif et la taxe carbone aux frontières. Tant que le système communautaire d'échange de quotas d'émission (SCEQE) fonctionne correctement et nous permet de plafonner les émissions, c'est plutôt positif. La Chine prépare un mécanisme similaire, la Californie s'engage dans ce sens, la Corée du Sud vient d'adopter un texte législatif et l'Australie y réfléchit. Nous travaillons très étroitement avec l'Australie et la Chine pour voir si leurs dispositifs pourraient être liés au nôtre. Quand elle a démarré, l'Europe était presque seule ; certaines économies, parmi les plus importantes, s'y mettent aujourd'hui.
Les négociations internationales sur le climat avancent trop lentement ; la situation des participants à ces conférences n'est vraiment pas enviable, c'est très frustrant. À Durban, pour la première fois depuis quinze ans, tous les pays étaient tombés d'accord pour que les économies émergentes prennent les mêmes engagements juridiques que les économies développées. Ce n'est pas un acquis mineur mais au contraire un principe extrêmement important pour l'Europe, qu'il convient de défendre.
C'est dans ce même esprit que nous voulons inclure l'aviation dans le SCEQE. Je sais que certains n'adhèrent pas à cette idée, considérant que le partage des responsabilités serait inéquitable, que les pays en voie de développement seraient les seuls touchés. Tous les pays seront pourtant obligés de participer à l'effort. La Chine ou l'Inde doivent également y contribuer, sur une base volontaire.
Même si le rythme des négociations internationales est trop lent, il serait dangereux, pour l'Europe, d'utiliser cela comme excuse pour ne pas aller de l'avant. Il est en effet dans notre intérêt de devenir plus efficaces dans l'utilisation de nos énergies et de nos ressources, d'être moins dépendants des importations de pétrole, qui nous ont coûté 315 milliards d'euros l'an dernier, soit un déficit commercial gigantesque. Les pays qui, dans le futur, se montreront les plus efficaces dans l'utilisation de leurs ressources, seront aussi ceux qui gagneront le plus de parts de marché. Il n'y a donc pas de contradiction entre résolution de la crise du chômage et conduite d'une politique de l'environnement censée, susceptible de créer des emplois, d'améliorer l'environnement économique pour les citoyens et les entreprises, et de garantir notre indépendance énergétique.