Merci beaucoup, mesdames et messieurs les députés, pour la qualité de vos interventions, de vos questions, de vos préoccupations. Je suis heureux de cette nouvelle procédure, qui permet de se parler un peu plus sérieusement qu'en d'autres occasions plus réductrices. Je suis d'ailleurs assez malheureux qu'elles le soient, car l'une des causes de nos difficultés scolaires est la façon dont nous parlons de l'école et travaillons sur le sujet. L'agenda médiatique a du mal à s'approprier les débats publics sur l'école, car nous ne sommes ni dans le fait divers, ni dans l'émotion, même si certains voudraient y ramener le débat sur l'école – comme l'a montré la question des rythmes scolaires, mais j'y reviendrai.
C'est une caractéristique même du débat sur l'école auquel j'ai directement participé ces dernières années– je pense aux trois dernières grandes lois – que de ne pas mobiliser suffisamment la représentation nationale et l'esprit public, sur un sujet pourtant important. Vous savez que j'ai souhaité créer par la loi l'Institut des hautes études de l'éducation nationale, afin de sensibiliser les décideurs de toute nature – des hauts fonctionnaires, des chefs d'entreprise… – au débat de fond sur l'école. Au-delà même de certaines différences politiques qui sont tout à fait respectables et doivent faire progresser le débat, les spécialistes nous ont permis, depuis une quinzaine d'années, de créer un consensus sur des objectifs très simples : la priorité au primaire, la formation des enseignants, et même le temps scolaire. Il nous faut partager ces objectifs, sans quoi le débat sur l'école se fait sur le dos des élèves. Je vous remercie donc très sincèrement, car je trouve que cette occasion d'échanger entre nous et de partager ces interrogations est un progrès. Il faut parler d'école le plus possible, et avec la sérénité nécessaire.
Un certain nombre de questions ont été posées, dont certaines se recoupent. Je vais essayer de les regrouper dans ma réponse.
Yves Durand, et d'autres après lui, ont évoqué les écoles supérieures du professorat et de l'éducation, les ESPE. Un comité de suivi se met en place avec l'ensemble des acteurs, qui va permettre d'évaluer et de suivre le travail de ces écoles, en dehors des missions traditionnelles de l'inspection générale. J'ai demandé au recteur Filâtre de bien vouloir le présider : il associera, outre les personnalités qualifiées et les universités, les représentants des personnels et l'ensemble de ceux qui concourent à la vie des écoles supérieures du professorat et de l'éducation.
Dans cette affaire, nous mobilisons toutes les forces. Vous vous interrogez, à juste titre, sur la formation des chefs d'établissements. Globalement, nous avons à peu près conservé notre réseau des maîtres formateurs, même si les choses ne se sont pas améliorées. Mais il faut, bien entendu, les réinvestir dans les écoles. Étant donné, par ailleurs, les exigences et les objectifs, évoqués tout à l'heure, de formation intégrée, de formation en alternance et de professionnalisation accrue, nous avons besoin de mobiliser davantage de personnels.
Certaines écoles me disent avoir des difficultés dans des domaines particuliers : le numérique, la laïcité, ou encore l'accueil des enfants en situation de handicap. Nous jouons sur deux registres : d'abord, je mobilise des équipes nationales qui passeront le temps nécessaire – ce sont parfois des modules de neuf heures – car il faut une cohérence nationale : on ne va pas enseigner différemment ces questions dans un établissement et dans l'autre. Nous prendrons le temps nécessaire pour que ces écoles puissent former leur propre personnel. Avec la direction générale de l'enseignement scolaire et toutes les bonnes volontés, très nombreuses dans l'éducation nationale et ailleurs, nous sommes en train de mobiliser les réseaux, les personnels, les qualifications pour soutenir ceux qui sont le plus en difficulté, y compris sur les questions de santé scolaire – j'y travaillais hier.
Deuxièmement, je veux que l'on s'appuie davantage sur le numérique en formation continue. Comme vous le savez, nous avons lancé ce chantier cette année pour la formation des maîtres. Lors d'un récent déplacement à Grenoble, la directrice et les professeurs des écoles me disaient que cela marchait déjà. On met souvent les coûts en avant, ce qui est naturel, mais il faut considérer aussi l'efficacité pédagogique. On y a recouru dès cette rentrée pour la formation continue des professeurs des écoles, et je veux que l'on le développe encore.
Au-delà de ce comité de suivi, je vous incite d'ailleurs à venir voir vous-mêmes dans les établissements et au ministère comment les choses se passent : c'est nous aider que de venir ! Il ne s'agit pas de monter les uns contre les autres, mais au contraire d'être capable de partager des objectifs et de réfléchir ensemble à la formation continue à mettre en place. Cela concerne un million de fonctionnaires, dont 300 000 doivent être formés d'ici dix ans. Il nous faut également choisir au mieux les directeurs des ESPE, qui ont actuellement des administrateurs provisoires. Les trente personnes qui vont être désignés seront investies d'une responsabilité considérable.
La formation continue est peut-être ma préoccupation majeure. Lisez – ce sera, de toute manière, un agrément pour vous tous – le dernier livre d'Antoine Prost sur l'école. Il y est indiqué clairement que le problème essentiel qui se pose non seulement, bien sûr, au ministre, mais à l'ensemble de l'éducation nationale, c'est que des réformes sont faites, qui ne sont pas toutes sottes – je pense notamment aux cycles et au socle –, mais que les enseignants qui les mettent en oeuvre ne sont jamais accompagnés dans cette tâche. Nous changeons les programmes, car c'est nécessaire, mais nous ne nous posons pas assez la question des moyens à consacrer pour accompagner les enseignants qui les mettront en oeuvre. Il en est allé de même pour les cycles et pour le socle.
Je m'adresse à l'opposition avec une sincère amitié, car je sais ce que signifie la recherche d'arguments lorsqu'on se trouve dans l'opposition ! Vous me réclamez davantage de formation continue, mais n'oubliez jamais que cela représente des postes ! Lorsque l'on sort un enseignant de sa salle de classe pour qu'il suive une formation, il faut le remplacer... Vous me parlez avec beaucoup de gentillesse des décharges pour les directeurs d'école. Mais, sauf à ne jamais avoir exercé de responsabilités dans ce domaine, comment oublier que cela représente aussi des postes ? Il en va de même de vos nombreuses observations, dont je ne vous tiens pas rigueur. Notre réflexion collective doit être cohérente.
Le président Carrez a dit en aparté, pensant que je ne l'écoutais pas, que le défaut de l'éducation nationale était son manque de continuité. Lorsqu'il y a de bonnes mesures, je ne les critique pas, et même je les maintiens. Je poursuis ainsi le travail qui a été commencé sur le handicap. Ceux qui aiment l'école tiennent à la continuité. Vous l'avez noté s'agissant de la réforme des rythmes scolaires. Vous avez cité Xavier Darcos, vous auriez pu également parler de Luc Ferry. Luc Chatel est, quant à lui, plus en retrait pour différentes raisons… Les ministres successifs ne désavouent pas les grandes réformes de structure, et la ville de Périgueux avait d'ailleurs décidé de conserver les quatre jours et demi d'école. L'Académie de médecine, les parlementaires, bref, tout le monde, connaissent la façon dont nous devons nous orienter. Je reviendrai sur les modalités d'application, car j'ai bien compris que vous attendez des réponses sur ce point.
J'insisterai sur un sujet majeur, celui des directeurs d'école, parce que cela me permettra d'aborder la question des personnels. Vous avez eu raison de faire référence à la Cour des comptes, et vous vous doutez que j'ai eu des multiples échanges avec le président Migaud, notamment, qui vous a précédé dans le poste que vous occupez, monsieur le président de la commission des finances. Je veux vous dire que votre analyse n'est pas juste : nous n'opposons pas le quantitatif et le qualitatif. La formation initiale, les nouveaux programmes, la présence de plus de maîtres que de classes, l'accueil des moins de trois ans : tout cela, c'est du qualitatif ! Vous reconnaissez d'ailleurs vous-mêmes qu'il faut des créations de postes pour les zones rurales. Prenez garde aux contractions !
Toute création de poste se justifie, si elle permet des réformes, mais ces réformes doivent produire des effets. On m'a cependant posé des questions surprenantes. On m'a ainsi demandé quelle était l'évaluation des résultats, ou quelles étaient les propositions du Conseil supérieur des programmes, qui a été installé il y a dix jours seulement ! S'il n'est installé que depuis dix jours, c'est parce qu'il fallait que sa composition soit démocratique et que l'opposition y soit représentée : c'est un progrès pour notre pays ! Il y a donc un temps pour le débat parlementaire, et nous avons pris ce temps puisque je n'ai hâté aucune procédure. J'entends les interrogations : « On ne peut pas réformer l'éducation nationale ! », « Combien de temps le ministre de l'éducation nationale va-t-il rester ? » Cela devient un jeu morbide pour la France et pour les élèves que de ne penser qu'à cela ! Nous allons bel et bien réformer l'éducation nationale. Nous allons nous donner le temps de le faire et d'évaluer les réformes. Les points de vue idéologiques ou contradictoires ne m'intéressent pas. Nous prendrons en considération toutes les propositions que l'on nous fera pour améliorer les écoles, les programmes, le temps scolaire et éducatif. Un comité de suivi pour la mise en place du temps éducatif, réunissant les fédérations de parents d'élèves, les syndicats et les associations d'élus, a été mis en place. Arrêtez de vous plaindre hypocritement de l'absence de consultation ! C'est d'ailleurs souvent la consultation qui a été source de problèmes !
Je reviens aux directeurs d'école et aux personnels. La fonction de directeur d'école est pour moi un souci majeur. Le problème est ancien, car cela relève de la tradition de l'école. Il existe également des propositions contradictoires émanant des associations de directeurs d'école et des syndicats. C'est, parmi les treize groupes de travail que nous avons mis en place, l'un des sujets sur lesquels nous ferons des propositions. Je crois vraiment que certaines personnes sont sincères lorsqu'elles font des remarques, mais je n'accepte pas les critiques de ceux qui ont supprimé, ces dernières années, tous les contrats aidés permettant d'assister les directeurs d'école, alors qu'en une seule rentrée la gauche a recréé 10 000 contrats pour décharger ces derniers de leurs tâches administratives, devenues très lourdes.
Nous nous préoccupons également des professeurs des écoles, qui n'ont pas bénéficié, ces dernières années, d'indemnités équivalentes à celles que Lionel Jospin avait accordées aux professeurs du secondaire. Nous avons comblé cette lacune. Ainsi, les professeurs des écoles percevront, dès cette année, une indemnité de 400 euros, ce qui atteste, quand on connaît la différence importante entre le primaire et le secondaire, de la qualité et de l'engagement de ces enseignants. Il y avait aussi la question du taux de passage à la hors classe, très différent, vous le savez, entre les professeurs du primaire – 3 % – et du secondaire – 7 %. Nous avons signé un protocole qui figure dans le budget, et qui prévoit un rattrapage. Nous discutons avec les directeurs d'école et respectons autant que nous le pouvons, considérant nos moyens, leur fonction et leur travail, car c'est fondamental.
Les blocages sont liés en grande partie aux débats que nous avons régulièrement sur le statut des enseignants. Certains considèrent que les enseignants ne travaillent pas assez. Or la Cour des comptes, elle-même, a reconnu qu'ils travaillaient souvent, en moyenne, plus de quarante heures par semaine. Cessons donc ces discours ! Il ne faut pas s'attaquer à leur statut. Nous avons consacré, cette année, 800 millions d'euros à la revalorisation des stagiaires, titulaires du master 1 et non du master 2. Ils gagnent ainsi un an et leur mi-temps est rémunéré comme un plein-temps. Il s'agit donc bien d'une revalorisation salariale !
Nous devons respecter le métier d'enseignant. Pour cela, nous avons tout mis sur la table dans treize groupes de travail qui concernent tous les métiers : c'est une méthode qui n'avait jamais été employée ! Alors que tout le monde pensait que c'était impossible, nous avons modifié tous les concours de recrutement qui incluent la professionnalisation. Nous avons pu le faire parce que nous avons obtenu un accord. C'est ce qui se passe actuellement pour tous les métiers de l'éducation nationale. On réclame la réforme, mais quand on passe aux actes, on est embarrassé ! Nous procédons à cette réforme avec notre méthode, la seule possible pour l'éducation nationale, à savoir le respect des personnels. Il faut parler de leur fonction avec eux. Les enseignants font preuve d'un dévouement considérable à la chose publique et à nos enfants. Cela mérite que l'on prenne le temps d'entrer dans le détail de leurs tâches, qui ont évolué. Je parlerai, à ce titre, et cela a été évoqué par l'un d'entre vous que je remercie, du numérique. Nous devons, en la matière, apporter une aide à la formation, au changement des pédagogies, à tout ce qui accompagne ce métier.
Vous m'avez interrogé sur le handicap. Chacun doit rendre compte de son action, mais cela s'est beaucoup perdu. C'est la première rentrée que j'ai pu préparer pleinement. Je remercie profondément, à cette occasion, les ministres qui m'y ont aidé : George Pau-Langevin et Marie-Arlette Carlotti. Je ne parlerai pas du budget supplémentaire de 2012 et des créations de postes d'auxiliaire de vie scolaire, mais de leur titularisation, de leur pérennisation, très grande réforme qui permettra de continuer à intégrer les élèves en situation de handicap. Un amendement vous sera d'ailleurs proposé sur ce point. Cela concernera 30 000 personnes dès cette année. Les contrats seront de six ans et la formation sera assurée. C'est, en effet, essentiel : à quoi cela rimerait-il de se gargariser de l'intégration des enfants en situation de handicap et de précariser, sans les former, les personnels qui les accueillent ? Nous avons réglé cette question. Vous avez d'ailleurs soulevé, les uns et les autres, soulevé ce point fondamental. Nous poursuivrons, bien entendu, ces politiques, qui doivent faire l'objet d'un consensus national : la volonté d'intégrer les enfants en situation de handicap émane de la majorité précédente, nous la mettons en oeuvre en l'approfondissant.
J'en viens à la question des internats. Je crois à cette politique, à laquelle 150 millions d'euros sont affectés. Nous changeons toutefois de stratégie, car je souhaite la présence d'internats sur les territoires qui connaissent le plus de difficultés. Ils doivent cibler prioritairement le collège, être moins chers et plus nombreux. Je répondrai à Mme Pompili, qui n'incite pas les lycéens à manifester dans la rue, plus sage en cela que certains de ses camarades de parti (Sourires), que nous ne faisons pas fi de ce qui a été engagé. S'il est prévu dans le budget de l'éducation nationale une augmentation des crédits pour les internats, c'est bien parce que nous ne voulons rien interrompre brutalement. Les acteurs – les collectivités locales – et les bénéficiaires – les élèves – ne doivent pas être désemparés. Nous contractualisons donc cette politique de l'internat avec les régions, et je consulte les conseillers généraux. C'est fondamental pour nos lycées professionnels, et vous connaissez, madame Buffet, le travail que nous accomplissons en la matière.
L'enseignement professionnel devient, dans notre pays, un enseignement d'excellence. Une famille, qui se posait des questions sur le choix d'un lycée pour leur enfant, m'a très récemment interrogé. En dépit d'une certaine réticence, elle était très tentée de l'inscrire dans un lycée professionnel. En effet, les enseignants y font preuve d'un grand engagement, les moyens mis par les régions sont considérables, les apprentissages et les activités sont tout à fait remarquables, les débouchés réels, les pédagogies souvent bien plus novatrices que dans l'enseignement général. Je ne nie pas, cela dit, que nous rencontrions encore des difficultés. La semaine dernière, nous avons défini les branches. Nous avons renforcé les stages en DUT et en BTS, car les élèves qui veulent poursuivre leurs études auront besoin de davantage de temps pour se préparer à l'enseignement supérieur. Nous avons repris la discussion sur les contrôles en cours de formation, source de difficultés pour certains. Nous avons également beaucoup agi en matière d'orientation. Nous avons peu évoqué l'orientation aujourd'hui, et c'est pourtant l'une des questions centrales du système éducatif français. Je citerai, entre autres aspects : les expérimentations sur l'orientation choisie, le dernier mot revenant aux parents, les formations proposées par le service public territorialisé de l'orientation, la mise en place du parcours d'orientation et d'information pour tous les élèves à partir de la sixième. Ces leviers considérables détermineront l'avenir des lycées professionnels.
La semaine dernière, nous avons inauguré à Oyonnax, avec Arnaud Montebourg, le campus des métiers et des qualifications. C'est le modèle absolu ! Dans le domaine de la plasturgie, on trouve sur le même lieu : l'internat, le centre d'apprentissage, le lycée professionnel et le lycée général, le GRETA, le centre de transfert de technologie et deux cents entreprises. Je citerai encore : la formation continue pour les entreprises, le transfert de technologie et innovation pour les PME-PMI de la plasturgie, la possibilité pour l'enfant issu de l'éducation prioritaire d'entrer d'abord dans un centre d'apprentissage et de naviguer ensuite vers le BTS, la licence professionnelle et le diplôme d'ingénieur du fait de la présence d'une école d'ingénieur. C'est une réussite absolue ! Les chefs d'entreprise sont absolument ravis. La plasturgie française redevient d'ailleurs leader. Aucun élève n'est mis à la porte et toute formation débouche sur un emploi. À cela s'ajoute une vraie mixité sociale et scolaire, puisqu'il est possible de quitter le lycée général pour intégrer un lycée professionnel ou vice-versa, et il est également possible de poursuivre des études supérieures. L'apprentissage est adapté à chacun. La formation continue est assurée sur place. Les adultes – 1 800 places leur sont réservées – peuvent y suivre une formation continue. Je consacrerai tous les moyens nécessaires à ce dispositif. Le Premier ministre, vous le savez, s'est rendu, lors de la rentrée scolaire, dans un lycée professionnel. Nous présenterons, l'an prochain, les réformes relatives au lycée professionnel et à son organisation.
Monsieur Braillard, vous êtes un passionné de la République et vous avez posé une question importante sur la Charte de la laïcité, question qui rejoint celle de Mme Buffet. Nous sommes à la fin du mois d'octobre et les instructions ont été données. Je cite souvent les « devoirs envers Dieu ». Il y a, en effet, en ce moment, de nombreux donneurs de leçons en matière de laïcité qui ignorent tout de son histoire. Les « devoirs envers Dieu » ont fait partie des programmes jusqu'en 1923. La laïcité n'est pas quelque chose d'imposé. Ce n'est pas une guerre civile, c'est une pacification, qui passe d'abord par la conviction. Il faut savoir ce qu'a été la querelle des crucifix ! Nous ne voulons brutaliser personne. Cette Charte a été acceptée par tous. Pourquoi en faire un sujet de dissensus ? Quelqu'un a tenté de le faire – en vain ! Nous avançons, pour notre part, avec tout le monde, car notre laïcité est tolérante et nous voulons réconcilier les Français. « Liberté, égalité, fraternité » est bien d'actualité ! Vous avez souhaité que le drapeau européen figure à côté du drapeau français, ce dont je vous remercie, car cela prouve que l'Assemblée nationale sait prendre ses responsabilités. Ces deux drapeaux seront apposés sur toutes les façades des établissements. Les enseignants auront, avec la Charte et la Déclaration des droits, des instruments pour mettre en oeuvre, l'an prochain, l'enseignement moral et civique tel qu'il sera proposé par le Conseil supérieur des programmes.
S'agissant des 100 millions d'euros, nous avons des projets à faire valoir. Nous y travaillons. Tel que nous l'avons défini, le parcours artistique et culturel qui accompagnera les enfants sera à la fois scolaire et périscolaire, voire extrascolaire. J'ajouterai, pour votre information, que les projets éducatifs territoriaux sont trop faibles dans le domaine de l'enseignement scientifique. Mais lorsque l'INSEE souligne que ce ne seront plus 20 %, mais 80 % des enfants qui bénéficieront de ces activités, cela signifie qu'hier de nombreux enfants n'y accédaient jamais ! Je sais que l'entreprise est difficile, mais c'est un tel progrès ! Nous atteignons les 30 à 35 % pour les activités sportives comme pour les activités culturelles. Il faut considérer les choses dans leur totalité.
Quant à la question d'argent, on m'explique que Marcq-en-Baroeul, qui n'est pas la commune la plus pauvre du département du Nord, n'a pas les moyens de mettre en oeuvre la réforme des rythmes, alors que Denain, la commune la plus pauvre du même département, l'a déjà fait. Il me semble donc que l'argent n'est pas totalement discriminant. Il y a quelque chose – Luc Ferry l'a rappelé, et c'est même là-dessus que s'achèvent les Fondements de la métaphysique des moeurs de Kant– qui s'appelle la bonne volonté, et qui compte beaucoup. C'est aussi un exemple pour nos enfants.
Les 100 millions que l'on évoquait doivent servir à mener des actions de réussite éducative. Il y a aujourd'hui des problèmes de financement. J'aurai les discussions nécessaires avec Valérie Fourneyron, dans la suite, d'ailleurs, de ce qu'était le fonds jeunesse. Nous n'en avons pas parlé aujourd'hui, mais les 380 plateformes de suivi et d'appui aux décrocheurs ont été une réussite, je l'ai toujours dit. Nous allons plus loin, et j'ai signé hier avec Michel Sapin et les régions un accord permettant de faire bénéficier les 18-25 ans de nos dispositifs et des places libres en lycée professionnel, en synergie avec les collectivités locales.
J'en viens à la gestion des ressources humaines. Il est paru un livre terrible sur la souffrance des enseignants. Nous sommes en train d'avancer sur cette question. Je n'ai jamais considéré que la Cour des comptes nous adressait un reproche, j'ai toujours pensé que les moyens devaient servir à mettre en place des réformes qualitatives. Je me souviens des discours de Benoist Apparu et d'autres, et je n'ai jamais nié les problèmes. La question des conditions de travail des enseignants français et des personnels qui les entourent est déterminante, et elle est au coeur du programme de refondation.
La refondation est pédagogique, nous l'avons toujours dit. Nous travaillons sur les programmes, le numérique, la formation des enseignants. Nous avons besoin d'enseignants respectés, accompagnés dans leurs tâches et, bien entendu, mieux gérés.
C'est lié à un élément sur lequel je reviens puisque Marie-George Buffet l'a évoqué, et qui, vous en êtes convenus, va au-delà de nos clivages politiques puisque le président Carrez l'a souligné aussi, mais qui est déterminant : la pérennisation des équipes, en particulier dans l'éducation prioritaire. J'espère que notre réponse sera à la hauteur de l'enjeu. Leur donner des moyens, du temps pour travailler en équipe, reconnaître le travail particulier qui est le leur en les faisant bénéficier d'une formation continue – plutôt que de les aider à partir plus vite, solution que l'on a pu, paradoxalement, envisager pour accélérer les carrières –, faire qu'ils aient davantage de plaisir à travailler, eux qui font souvent des choses remarquables, c'est – comme tout ce qui concerne les directeurs d'école – fondamental.
J'en viens à la question des rythmes. D'abord, je suis conscient plus que personne que j'ai exigé des enseignants du primaire et des directeurs d'école des efforts très particuliers. J'ai demandé aux professeurs de revenir le mercredi matin, et ils ont fait un effort qui mérite reconnaissance et estime. D'après les exemples que nous avons, lorsque cela se passe bien, dans l'immense majorité des cas, c'est qu'il y a eu concertation. Ce n'est pas à moi, en effet, que l'on peut reprocher un manque de concertation. La concertation nationale a duré très longtemps, et les élus ont demandé une certaine liberté sur le plan local. Ce n'était pas facile pour un ministre de l'éducation nationale, car c'est une fonction où on a plutôt l'habitude de trancher. Ceux qui veulent travailler le samedi peuvent le faire. Les syndicats ne demandaient pas cela, les enseignants non plus : ils demandaient une journée de classe homogène. Aujourd'hui, vous voulez que cela concerne une heure et demie et pas trois quarts d'heure ; c'est possible, parce c'est ce qu'ont demandé les élus après des mois de consultation. Nous avons donc des situations disparates.
Là où il y a concertation, ce que je recommande à toutes les collectivités locales, entre l'équipe municipale et les associations, qui sont utiles là où elles existent, qui sont même indispensables – nous pouvons d'ailleurs vivifier le tissu associatif grâce à cette réforme –, n'omettez pas d'avoir des discussions approfondies avec les enseignants. Certains ont pensé que l'on pouvait imposer aux enseignants tels horaires ou telle organisation. Cela n'a jamais été ma logique et cela produit certains effets que nous avons pu voir ici ou là.
Les enseignants, il faut leur faire cette confiance, et je reviendrai sur la question des maternelles, qui préoccupe beaucoup de gens. Les enseignants sont là dans l'intérêt des élèves, ils les connaissent, ils ont été formés pour cela. Il faut donc leur parler – ce qui est nouveau dans notre pays –, les respecter, écouter leur point de vue sur la pause méridienne, sur la différence entre les différents niveaux, sur le type d'activités que l'on peut faire après la pause. Cela donne de très bons résultats.
Il y a un comité de suivi, où tout le monde est représenté, et nous donnerons une évaluation sérieuse au mois de décembre, avec, en plus, des éléments pour avancer. Mais, globalement, sur les 4 000 communes concernées, cela se passe plutôt bien. Certains d'entre vous me font d'ailleurs remarquer, quand je viens à l'Assemblée, que l'on n'entend parler que de ce qui ne va pas, mais que chez eux, dans leur département, dans leur ville, cela se passe très bien. Il y a encore quelques difficultés, mais qui peut penser que l'on peut organiser de nouvelles activités pour tant d'enfants et tirer un bilan après seulement trois semaines ou un mois ? Regardez ce qui s'est passé à Paris : il a fallu quinze jours pour mettre en place les ateliers, avec un choix pour tous les élèves, et ils n'ont commencé en réalité à fonctionner que la troisième semaine de septembre. Dix jours après, certains parlaient d'échec et de fatigue avec des propos très péremptoires. La fatigue, on en parlait déjà l'année dernière, c'est la raison pour laquelle nous avons modifié les vacances. Il faut faire preuve de responsabilité sur des questions aussi difficiles.
De plus, confondre temps scolaire et temps périscolaire quand on est représentant de la nation ou ministre, comme cela a même été le cas récemment dans une émission, ce n'est pas un progrès. Moi, je suis responsable des trois heures de la matinée, du « lire-écrire-compter », de la réforme des programmes, pas de ce qui se passe après le temps scolaire. Je suis prêt à aider, nous mettons même des moyens, mais cela ne concerne pas la scolarité obligatoire, et l'organisation, comme hier, relève des communes. D'ailleurs, elles tiennent à la gérer elles-mêmes, et c'est tant mieux.
Cela dit, il y a une contradiction à laquelle nous devons faire attention. On ne peut pas à la fois vouloir alléger la journée de classe pour que les enfants respirent mieux parce que le temps scolaire français est trop dense, trop dur, et les « bourrer d'activités » pendant trois quarts d'heure au point qu'ils sont ensuite fatigués. Cela doit être aussi du temps pour se détendre, pour respirer autrement, et chacun doit en être conscient. On peut organiser des activités auxquelles les enfants n'avaient pas droit, mais il faut aussi veiller à préserver un temps de respiration. Quand on sait qu'en cours préparatoire les enfants ne peuvent pas être vigilants plus de quatre heures et demie, cela veut bien dire qu'il ne faut pas prévoir d'activités intenses et fatigantes pendant l'heure et demie ou les trois quarts d'heure qui restent. Sinon, nous serions en contradiction avec l'objectif de la grande réforme que nous sommes en train de faire. Nous essayons d'aller vers la norme internationale. Nous sommes totalement « hors des clous » pour le temps scolaire, mais c'est très ancien. Tout doit se mettre en place doucement.
Je ne veux pas de stress pour les enfants, je ne veux pas de stress non plus pour les adultes. Je vais finir par croire que vous êtes vraiment très angoissés, et cela peut faire tache d'huile. On nous a demandé de l'épanouissement, de la bienveillance, mais ce doit être le cas pour tout le monde, y compris pour les élus locaux. Vous me parlez des zones rurales. Je suis allé dans une classe unique du plateau de Millevaches il y a quelque temps, cela s'y passe très bien. Comme il y a la nature tout autour, les enfants vont se promener un peu plus longtemps à l'heure du déjeuner, regarder un certain nombre de choses. Il y a une association qui s'occupe des oiseaux, qui peut venir en parler. Il y a des ressources numériques formidables, et ils peuvent écouter de la musique. Et ils pourront apprendre à lire, écrire et compter au moment où ils seront le plus vigilants.
Les élus doivent prendre le temps de former les meilleurs projets et d'organiser la concertation. Vous auriez d'ailleurs pu la commencer l'année dernière. C'est l'éternel problème français. On a repoussé la réforme d'un an, mais beaucoup n'en ont pas profité pour travailler sur le projet éducatif de territoire. Ils se sont dit qu'ils verraient bien l'année prochaine. Certains se disent même, si j'en crois M. Verchère, qu'on verrait après l'élection… Il faut avancer au meilleur rythme, dans l'intérêt des élèves. De ce point de vue, il n'y a pas de doute à avoir, de procès à instruire. Nous ne faiblirons d'ailleurs pas, nous allons avancer sur cette réforme parce que tel est l'intérêt des élèves.