Au mois d'avril dernier, j'avais exprimé les réserves du groupe écologiste sur le Livre Blanc sur la défense, considérant qu'il s'inscrivait trop dans la continuité du précédent. Quant au présent budget, il comporte certains éléments auxquels nous souscrivons, monsieur le ministre.
Permettez-moi d'abord de saluer globalement votre action à la tête du ministère de la défense ainsi que la qualité du travail des soldats français et la force de leur engagement que nous avons encore pu constater au Mali. À cet égard, votre dénonciation du scandale Louvois est bienvenue : les militaires français ne méritent pas de subir pareille aberration plus longtemps, ni même aucun fonctionnaire d'État.
Pour la deuxième année consécutive, vous suivez une trajectoire budgétaire assez raisonnable. Si les dotations sont maintenues en valeur, leur volume traduit une légère baisse. Le plus important est que vous poursuivez le reformatage des armées et un effort de réduction des personnels. Cette année encore, le ministère de la défense sera un des plus affectés, avec le départ, en retraite ou en fin de contrat, de 7 881 militaires qui ne seront pas remplacés.
Je constate avec satisfaction que vous engagez un début de réorganisation des ressources humaines des armées, qui se traduit par une légère réduction de la masse salariale – ce que l'on attend normalement après une réduction des effectifs, alors que c'est l'inverse qui s'était produit les années précédentes. Vous commencez le dépyramidage consistant à réduire de 1 % sur cinq ans le nombre d'officiers de votre ministère. Didier Migaud était précisément venu, l'année dernière, devant notre commission pour nous alerter sur l'insuffisante maîtrise de la masse salariale. En effet, avec 170 généraux pour seulement 15 brigades dans l'armée de terre, il y a de quoi s'interroger.
Après les aspects positifs, j'en viens aux réserves. Les crédits d'équipement en légère augmentation témoignent du maintien de la force nucléaire de dissuasion comme priorité. Je ne vous apprends rien, c'est une analyse que nous ne partageons pas, comme d'ailleurs de plus en plus de hauts responsables politiques et anciens militaires. Je m'étonne de l'absence totale de débat au Parlement à ce sujet alors que les questions ne manquent pas : en quoi la modernisation de notre composante aéroportée, qui devrait nous coûter, cette année encore, plus de 300 millions d'euros, est-elle pertinente, sachant que 90 % de la dissuasion est assurée par les sous-marins ? Quel est le coût réel de la dissuasion nucléaire dans son ensemble ? Le ministère l'estime à environ 3,5 milliards d'euros, mais cette enveloppe ne concerne que le coeur de la dissuasion, non son environnement – vecteurs, essais, cycles de maintien en condition opérationnelle. Au total, la note pourrait s'élever à plus de 4,5 milliards d'euros. Confirmez-vous ce chiffre, monsieur le ministre ?
Par ailleurs, comment garantir que tous les programmes de démantèlement seront provisionnés pour 2014, ce qui ne fut pas, selon la Cour des comptes, le cas l'an dernier pour les chaufferies du Charles de Gaulle et pour partie des SNLE et SLA ? Le ministère de la défense a pourtant l'obligation juridique d'assurer le démantèlement de ses matériels militaires, notamment nucléaires. Alors que la conférence de révision du Traité de non-prolifération, prévue en 2015, se rapproche, comment la France pourra-t-elle avoir une position diplomatique assurée alors que rien n'a été entrepris en matière de démantèlement ?
Enfin, s'agissant du reformatage des armées, il me semble que la trajectoire empruntée aurait pu être nettement plus ambitieuse. Au-delà des considérations budgétaires générales et des contraintes qui pèsent sur les ministères, certains étant beaucoup plus fortement mis à contribution que celui de la défense, il en va de l'efficacité de nos armées. Nous plaidons pour des choix stratégiques plus marqués et en cohérence avec nos priorités diplomatiques. Nous considérons, comme d'ailleurs un certain nombre de militaires, que l'armée française est victime de la priorité trop longtemps donnée à des dépenses d'équipements technologiques de prestige. Nous souhaitons que l'on réoriente les priorités, notamment les moyens opérationnels, de façon à accomplir les opérations extérieures dans de meilleures conditions.