Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du 23 octobre 2013 à 16h20
Commission élargie : finances - défense nationale

Jean-Yves le Drian, ministre de la défense :

Je suis d'accord avec M. Dhuicq sur deux points. D'abord, l'enjeu maritime est majeur pour l'avenir. Il est stratégique et essentiel dans l'Asie-Pacifique. Pour la première fois, la France est présente dans les conversations avec les différents pays de cette région. Je suis allé pour la première fois au sommet de Shangri-la au mois de juin 2012 et j'y suis retourné en juin 2013. La présence de la France y a été appréciée et l'ensemble des acteurs présents a reconnu qu'elle y avait totalement sa place comme partenaire.

Avant moi aucun ministre français de la défense n'avait participé à ces sommets qui réunissent depuis des années les ministres de la défense de la zone.

Par ailleurs, monsieur Dhuicq, avant de faire des déclarations péremptoires sur le renouvellement de la flotte russe, il faudrait avoir des informations sur son état réel, mais si votre commission veut y consacrer un rapport d'information, je suis preneur.

À l'appui de votre accusation de déclassement, monsieur Fromion, vous arguez essentiellement de l'absence de maintien en condition opérationnelle des forces. Mais si les pièces de rechange se font parfois attendre, si certains matériels ne sont pas suffisamment entretenus, c'est que le maintien en condition opérationnelle a servi pendant des années de variable d'ajustement budgétaire, du fait de l'incapacité, pointée par la Cour des comptes, de maîtriser les dépenses du titre 2, en dépit de la déflation des effectifs. C'est pour retrouver des marges de manoeuvre que je veux remettre de l'ordre dans tout cela, et vous reconnaîtrez au moins qu'en prévoyant une augmentation de 5 % dans ce domaine, ce budget inverse la tendance.

Vous m'avez interrogé, madame Gueugneau et monsieur Hillmeyer, sur l'initiative européenne. L'Union européenne assure aujourd'hui la formation de l'armée malienne. Trois bataillons sont d'ores et déjà en cours de formation, et tout me laisse à penser que la mission européenne EUTM Mali de formation militaire sera prolongée de quinze mois. Il y aura à la fin de l'exercice une armée malienne structurée, soutenue par les partenaires européens.

On ne peut que se féliciter de la décision, prise à l'initiative de M. Van Rompuy, de dédier le Conseil européen de décembre aux questions de défense : on revient de loin puisque c'est la première fois depuis cinq ans qu'un Conseil européen sera consacré à ces questions, et seulement la deuxième fois en dix ans. La France entend à cette occasion mettre en avant des initiatives concrètes. Selon moi, seule une démarche pragmatique nous permettra d'avancer dans la construction d'une Europe de la défense à travers des initiatives porteuses d'avenir, sur le plan opérationnel, capacitaire et industriel.

Dans le domaine opérationnel, réduire les délais d'intervention de l'Union européenne en situation de crise serait une première avancée. L'intervention au Mali prouve la nécessité d'accélérer les procédures en ce domaine : entre le moment où les ministres de la défense européens ont décidé de façon unanime de soutenir le Mali et de créer une mission spécifique et le moment où le premier soldat est arrivé à Bamako, il a fallu attendre six mois et sept procédures différentes.

Dans le domaine capacitaire, nous devons progresser vers la mutualisation des forces européennes. Le commandement du transport aérien européen, EATC, basé à Eindhoven, pour l'instant limité à l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et la France, doit être une opportunité pour opérer un saut qualitatif autant que quantitatif en matière de mutualisation de nos capacités de ravitaillement et de transport.

Sur le plan industriel, la décision d'engager un programme de drones appuyé sur un financement dual constituerait déjà une belle avancée.

Enfin le conseil européen de fin d'année devrait être l'occasion de faire le point sur la sécurité européenne.

Nous devons absolument régler la question de la masse salariale, faute de quoi notre crédibilité serait en péril, et cela commence dès ce projet de budget.

Madame Dubois, j'ai dit il y a quelques jours devant le Conseil supérieur de la réserve militaire que les crédits destinés à la réserve ne serviraient plus de variable d'ajustement budgétaire, comme c'était le cas depuis plusieurs années, mais seraient maintenus à hauteur de 70 millions d'euros. Nous voulons par ailleurs fidéliser davantage, notamment en améliorant les partenariats avec les entreprises, et renforcer la réserve citoyenne, qui vise à mobiliser des réseaux d'experts dans des domaines pointus comme la cyberdéfense pour qu'ils puissent contribuer à l'effort de la Nation en faveur de sa sécurité. J'ai enfin décidé d'élargir le recrutement en favorisant le recrutement de réservistes issus de la société civile. Une telle politique devrait suffire à assurer l'attractivité de la réserve sans que nous ayons besoin de passer par une modification statutaire. Je souhaite enfin que la réserve opérationnelle puisse aussi être mobilisée en opération extérieure, ce qui renforcera la place des réserves dans notre défense.

Je maintiens mon affirmation, monsieur Fromion : nous serons la première armée d'Europe à la fin de la période.

S'agissant du gel des crédits, la discussion est en cours et nous en sommes à 1,5 milliard d'euros.

S'agissant du déménagement à Balard, monsieur Léonard, j'ai pris les dispositions nécessaires pour que le calendrier soit respecté : il aura bien lieu comme prévu dans le courant de l'année 2015.

Monsieur de Rugy et monsieur Candelier, je ne puis qu'acter notre désaccord en matière de dissuasion nucléaire. La dissuasion est nécessaire dans la doctrine française de la stricte suffisance : il s'agit de garantir notre sécurité face à des menaces majeures. Aujourd'hui, certaines puissances développent leur arsenal nucléaire ; nul n'ignore par ailleurs les risques de prolifération que font peser des pays comme la Corée du nord, le Pakistan et l'Iran, et d'autres peut-être. Il nous importe de garantir nos intérêts vitaux et d'éviter tout chantage à nos propres intérêts. C'est la raison pour laquelle nous maintenons les deux composantes de la dissuasion.

Sur les 31, 4 milliards d'euros de crédits de la Défense, la dissuasion nucléaire représente environ 3,2 milliards d'euros consolidés, soit entre 11 et 12 % du budget. Mais cette part fluctue en fonction des programmes. Or le missile Air-Sol Moyenne Portée-Amélioré, l'ASMP-A, vient d'être mis en oeuvre. La modernisation des sous-marins nucléaires de deuxième génération se poursuit et la loi de programmation prévoit l'engagement des études nécessaires pour la mise en oeuvre de sous-marins nucléaires de troisième génération.

Le débat sur la dissuasion a eu lieu au moment de l'élaboration du Livre blanc, monsieur de Rugy, mais c'est au Président de la République de trancher, et il a fait le choix du maintien de la doctrine de la stricte suffisance et des deux composantes, dont la complémentarité est un élément nécessaire de notre capacité de réaction face à un péril extrême.

Les mesures d'accompagnement des restructurations seront publiées quand la loi de programmation aura été votée. Je rappelle que 17 000 personnels militaires seront recrutés en 2014. Nous présenterons un bilan du financement des restructurations en cours. Je déplore que le dispositif antérieur n'ait pas été entièrement mobilisé. Tirant les leçons du passé, nous ferons en sorte que les 150 millions d'euros dévolus à ce programme dans la loi de programmation militaire soient effectivement utilisés en faveur des sites concernés.

S'agissant des ouvriers d'État, vous vous trompez, monsieur Candelier : j'ai pris la décision, communiquée aux organisations syndicales, de titulariser trois cents opérateurs de maintenance aéronautique et de recruter 104 ouvriers d'État dans des spécialités particulières. J'ai ainsi satisfait une revendication historique, une telle décision n'ayant pas été prise depuis plus de dix ans.

Les 150 jours de préparation opérationnelle comprenaient la préparation et l'entraînement pour les OPEX ; désormais, pour des raisons de clarté, les OPEX sont exclues du calcul, et c'est pourquoi on passe de 150 à 85 jours.

Enfin, monsieur de Rugy, la composante aérienne représente 7 % des 3,5 milliards d'euros affectés à la dissuasion nucléaire.

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