Intervention de Laurent Collet-Billon

Réunion du 10 octobre 2012 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement :

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de me permettre d'intervenir devant la commission de la défense dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2013.

L'été 2012 a été consacré à préparer la transition vers la nouvelle loi de programmation militaire (LPM) tout en essayant de préserver la marge de manoeuvre la plus grande possible dans un cadre budgétaire contraint. Tous nous participons, à des titres divers, à la définition des orientations stratégiques de la défense dans le cadre des travaux engagés par la Commission du Livre Blanc, qui précédera la nouvelle LPM.

En application des mesures arrêtées en 2012, le niveau d'engagement du programme 146 Équipement des forces de la mission « Défense » a été ramené à quelque 7,3 milliards d'euros en fin d'année au lieu des 10,2 milliards prévus.

Parmi les principales commandes de l'année, on peut citer le lancement du programme CONTACT qui vise à équiper les forces armées en postes de radio tactiques de nouvelle génération, s'appuyant sur une technologie innovante de radio logicielle, en remplacement des postes PR4G qui ont connu un très grand succès à l'exportation.

Nous avons également lancé l'adaptation du sous-marin nucléaire lanceur d'engin Le Triomphant au missile M51, dans la suite logique de la mise en service du Terrible avec ce même missile en 2010, et rénové trois avions ravitailleurs KC135, qui auront bientôt quelque cinquante ans. Nous avons en outre commandé cinq systèmes de drones tactiques intérimaires – SDTI – qui viennent compléter la dotation en drones Sperwer, employés aujourd'hui dans l'armée de terre.

Je tiens aussi à souligner un très faible nombre de demandes en Urgence Opérations : trois nouvelles demandes pour moins de quatre millions d'euros cette année. Cela démontre la flexibilité des matériels que nous avons mis en service, flexibilité qui leur permet de s'adapter aux conditions d'emploi sur les différents théâtres d'opérations, tout en attestant la grande rigueur observée par les armées dans le recours à cette procédure. L'approche suivie par les armées et la DGA est prudente dans la mesure où l'achat de matériels très diversifiés pourrait provoquer des difficultés pour le soutien logistique.

Parmi les livraisons importantes prévues cette année, on peut noter, pour la dissuasion, celles des missiles M51 au rythme prévu. Dans le domaine conventionnel, on notera la livraison d'un bâtiment de projection et de commandement – BPC – à la Marine nationale, d'une première FREMM, de six NH90, de quatre Tigre, de 100 VBCI – véhicules blindés de combat et d'infanterie –, de 200 PVP – petits véhicules protégés de 4 036 équipements FELIN – Fantassin à équipements et liaisons intégrés –, de onze Rafale et de deux systèmes de missiles sol-air moyenne-portéeterrestre – SAMPT. Les livraisons se poursuivent donc au rythme prévu. La capacité de renseignement est renforcée par la rénovation d'un Transall Gabriel. Ces avions ont été très précieux dans la période de pré-engagement en Libye, car ils ont permis de recueillir un grand nombre de renseignements électromagnétiques très utiles pour la protection de nos forces. Je tiens aussi à mentionner la livraison de sept nacelles de reconnaissance Reco-NG, qui peuvent être emportées par le Rafale.

Les besoins de paiement du programme 146, hors titre 2, sont estimés pour 2012 à 11,6 milliards d'euros pour des ressources envisagées à hauteur de 9,8 milliards, en escomptant la levée des 480 millions d'euros de réserves et en incluant 936 millions de ressources extra-budgétaires issues de la vente de fréquence. Le report de charge s'élèvera donc à la fin de l'année à 1,7 milliard, soit environ deux mois de paiement, en supposant la levée de la réserve réglementaire. Chacun peut donc noter l'aggravation du report de charge de quelque 200 millions d'euros par rapport à la fin de 2011.

Le niveau d'engagement des études amont a été préservé en 2012 à hauteur de 720 millions d'euros, dont 53 millions pour le dispositif RAPID et le soutien aux pôles de compétitivité, en faveur des PME dans le cadre du soutien à l'innovation. Les besoins de paiement pour les études amont sont estimés à 756 millions d'euros, ce qui correspondrait à un solde de gestion de l'ordre de 85 millions d'euros dans l'hypothèse de la levée des 40 millions de réserves.

La situation budgétaire se tend donc un peu plus à la fin de l'année 2012. C'était prévisible.

Grâce à Chorus, qui commence à être performant, les intérêts moratoires s'élèvent à ce jour à seulement 5,6 millions d'euros.

Concernant la maîtrise des coûts et des délais dans la conduite des opérations d'armement, en 2011, la hausse moyenne des devis des opérations d'armement dans les indicateurs transmis à la Commission de la défense de l'Assemblée nationale est restée négative – moins 0,07 %. Quant à la moyenne des délais de réalisation, elle se situe à + 1,7 mois pour un plafond de 2,25 mois fixé dans le projet annuel de performance. Les objectifs ont donc été tenus.

Les effectifs de la DGA s'élèvent à 10 500 ETPE – équivalent temps plein employés. Nous aurons donc réduit en 2012 nos effectifs de 4 % par rapport à 2011, ce qui permettra d'alléger presque d'autant notre masse salariale. Ils seront moins de 10 000d'ici 2014. Les redéploiements de la DGA seront achevés à la fin de l'année, avec la fermeture administrative du Laboratoire de recherches balistiques et aérodynamiques – LRBA – de Vernon, celle de l'Établissement technique – ETAS – d'Angers et celle du Groupe d'études sous-marines de l'Atlantique – GESMA – de Brest. Ces fermetures n'entraînent aucune perte de compétence technique irrémédiable. À la fin de l'année 2013, si nous continuons sur notre lancée, la DGA aura atteint le format fixé par la RGPP. La DGA n'aura plus alors de marge d'optimisation sans abandon de capacité.

Nous nous sommes progressivement délestés de l'intégralité des activités de soutien général administratif et sommes dorénavant entièrement dépendants des organismes de soutien du ministère de la défense.

Au plan industriel en 2012, la seule opération a été la création d'une coentreprise commerciale entre Thales et Safran dans la filière optronique.

En termes de coopération, la relation franco-britannique demeure un pilier fort de notre stratégie de coopération. Nous avons engagé plusieurs programmes dont la lutte contre les mines navales et nous bouclons celui qui nous permettra d'évaluer le drone tactique Watchkeeper en 2013. Cette évaluation s'inscrit dans le cadre de la préparation du remplacement du système Sperwer vers 2017.

Nous entamons également un programme de démonstrations technologiques et opérationnelles de drones de combat qui viendront compléter, après 2030, la flotte d'avions de combat qui fera suite au programme nEUROn. Le nEUROn, premier démonstrateur de drone de combat, a été assemblé à Istres. Il est produit par la société Dassault Aviation en coopération avec des industriels européens.

Nous avons également entrepris des recherches de nouvelles coopérations avec l'Italie et l'Allemagne. Sous l'impulsion de M. le ministre de la défense, des initiatives sont prises dans le cadre du Triangle de Weimar ou de Weimar Plus.

Les perspectives à l'exportation sont maussades. Nous n'atteindrons pas le chiffre de l'an dernier non seulement parce que le marché se rétrécit mais également du fait que les Américains, qui préparent avec beaucoup d'activisme le repli de leur budget de la défense, sont présents sur tous les marchés, notamment en Asie.

Le budget pour 2013 est un budget de transition, qui s'inscrit dans l'attente des orientations du Livre blanc et de la nouvelle LPM. À l'instar de l'ensemble de la mission « Défense », le budget de l'équipement des forces est stabilisé en valeur, grâce à des recettes extrabudgétaires, de l'ordre du milliard, qui proviennent de la vente de fréquences à des opérateurs de télécommunications. Ces recettes seront toutefois épuisées à la fin de 2013 et il n'y a aucune perspective de vente de fréquences supplémentaires. Cette stabilisation marque une inflexion dans la trajectoire budgétaire des opérations d'armement, qui s'écarte désormais nettement de la référence de la précédente LPM. L'absence de recettes extrabudgétaires conjuguée à la montée en puissance de l'agrégat nucléaire, dans la perspective du renouvellement des composantes de la dissuasion à l'horizon 2030, peut conduire à des restrictions dans les programmes dits à effets majeurs, c'est-à-dire les programmes classiques.

Dans l'hypothèse actuelle, le report de charges à la fin de 2013 atteindra 1,9 milliard d'euros. Les besoins d'engagement sont de 12,3 milliards. Les capacités de paiements pour les études amont passeront en 2013, sur décision personnelle du ministre, à 750 millions d'euros, ce qui représente une hausse de 10 % par rapport à 2012.

S'agissant des commandes, nous prévoyons la réalisation du programme d'avion multirôles de ravitaillement en vol et de transport – MRTT –, la commande de 4 400 postes de radio tactiques CONTACT, le premier système de drone MALE intermédiaire et la réalisation du missile moyenne portée – MMP – de combat terrestre, qui succédera au Milan. La rénovation de l'Atlantique 2 est également prévue, ainsi que l'acquisition par un contrat de service de bâtiments de soutien et d'assistance hauturiers – BSAH – pour la marine, la préparation de l'arrêt technique majeur n° 2 à l'horizon 2015 du porte-avions Charles-De-Gaulle, comprenant le renouvellement du combustible du coeur nucléaire et la refonte du système de combat pour l'adapter aux conditions modernes et, enfin, quelque 220 armements air-sol modulaires (AASM).

Les livraisons se poursuivront sur le même rythme qu'en 2012, avec notamment onze Rafale, quatre Tigre, quatre-vingt-trois VBCI, 4 036 FELIN. L'année 2013 verra également l'arrivée du premier A400M et la livraison de douze NH90 dont 8 à l'armée de terre. Cet hélicoptère est actuellement évalué à la section technique de l'armée de terre à Valence : les opérationnels le jugent remarquable.

Certains des programmes en cours sont très lourds. Ils ont été établis sur une prévision de croissance très forte des ressources attribuées aux programmes classiques, prévision qui ne sera pas tenue. Il faudra donc recadrer les contrats en réajustant les priorités en matière d'équipement des forces.

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