Intervention de Laurent Collet-Billon

Réunion du 10 octobre 2012 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement :

S'agissant du nombre de salariés travaillant pour la défense, les chiffres que vous avez avancés me paraissent au-dessus de la vérité. Le nombre des emplois directs et indirects tourne autour de 165 000, mais les PME sont beaucoup plus nombreuses dans les emplois indirects que dans les emplois directs.

Elles bénéficient par ailleurs directement de 5 % à 8 % des études amont selon les années et pèsent, en contrats directs, 3 % du programme 146.

Les crédits liés à l'innovation augmentent de manière continue via le dispositif RAPID et le soutien aux pôles de compétitivité – 53 millions d'euros à l'heure actuelle. Je souhaite que la tendance se confirme. C'est le meilleur moyen de soutenir les PME. S'agissant de l'exportation, les PME doivent s'organiser pour avoir des représentations pertinentes à l'international sans attendre que les grands groupes les défendent. Elles ne sauraient compter sur la charité des grands intégrateurs. Elles commencent d'ailleurs à s'organiser. Leur présence sur place est nécessaire pour négocier des partenariats et des clauses de compensation avec les industriels locaux et pour toucher des royalties sur les définitions des équipements qui pourraient être réalisés à l'étranger.

Nous travaillons actuellement à un small business act à la française, en proposant de recourir à une instruction ministérielle. Nous finalisons le dispositif qui sera très prochainement proposé au ministre.

Les technologies de rupture à développer sont notamment liées à la robotique. Elles profiteront tout d'abord, dans l'aérien, aux drones de combat : j'ai déjà évoqué dans le cadre d'une coopération entre Dassault et des partenaires européens le démonstrateur nEUROn. Nous lançons également une coopération entre Dassault et BAE. Il ne faut pas omettre non plus des projets très poussés dans le domaine de la robotique terrestre : utilisation de robots pour l'ouverture des itinéraires ou déminage. Les activités de la DARPA – Defense Advanced Research Projects Agency –, l'agence américaine pour les projets de recherche avancée de défense, portent du reste sur la robotique terrestre, la poursuite de la robotique aérienne et la furtivité.

Il faut également suivre l'évolution des nanotechnologies, qui permettront peut-être de trouver des matériaux de substitution pour la protection du combattant ou des blindés ou le stockage de l'énergie, question de plus en plus aiguë : ainsi le système FELIN, doté de moyens optroniques et de communication individuelle, exige du fantassin qu'il embarque ses propres sources d'énergie. Nous travaillons en partenariat avec le CEA qui intervient massivement sur ces technologies.

S'agissant des drones, le ministre de la défense ne manquera pas de faire connaître ses options en matière de drones MALE. Si nous voulons doter nos forces très rapidement de moyens opérationnels, la seule source, ce sont les États-Unis, avec tous les inconvénients que vous avez mentionnés en matière de maîtrise des logiciels et de certains capteurs. C'est pourquoi nous travaillons sur la possibilité de distinguer la chaîne de pilotage de la chaîne de mission, de manière à doter ces drones de capteurs ou d'armements européens. Nous avons entamé à cette fin des discussions informelles avec l'industriel américain General Atomics, qui ne produit ni les capteurs ni les armements. Toutefois, la période électorale aux États-Unis ne favorise pas un aboutissement immédiat de cette démarche. Le Royaume-Uni et l'Italie possèdent déjà des drones de General Atomics. L'Allemagne a déposé en janvier 2012 une demande de FMS – Foreign Military Sale – pour l'acquisition de Predator. L'Allemagne et la France ont du reste engagé une réflexion, en cohérence avec nos travaux avec le Royaume-Uni, sur la possibilité d'entreprendre en commun une démarche d'européanisation des équipements et, progressivement, du drone. À plus long terme, c'est-à-dire au-delà de 2020, le calendrier dépendra de nos capacités budgétaires et des priorités que nous aurons définies.

Les crédits dépensés dans le cadre du programme Talarion se sont élevés à quelque 30 millions d'euros. L'opération a été arrêtée parce qu'elle conduisait à un objet trop volumineux qui ne correspondait pas aux besoins de l'armée française. La première partie du travail sur Talarion portait sur la création d'un porteur. Or cette opération, qui aurait été intégralement réalisée en Allemagne, nous aurait conduits jusqu'en 2017. Se posait aussi la question de la participation de notre industrie à la réalisation des capteurs. Nous n'avons donc pas poursuivi cette opération. Cela n'a d'ailleurs laissé aucune séquelle dans les relations entre l'Allemagne et la France.

S'agissant des 750 millions d'euros consacrés annuellement à la recherche, s'il convient d'en retrancher 50 millions qui sont consacrés au dispositif RAPID et au soutien aux pôles de compétitivité, il faut en revanche y adjoindre les subventions à l'ONERA, le centre français de recherche aérospatiale, et les crédits du programme 191 de recherche duale de la mission « Recherche », dont une partie – quelque 30 millions d'euros – va au CEA et le reste – 160 millions – au CNES. Vers 2015, une partie importante sera consacrée aux études amont liées à la dissuasion, ce qui aura un effet d'éviction sur le reste. D'autres actions de soutien, notamment à des bureaux d'études de Thales, dans le domaine de la détection aéroportée et de la guerre électronique aéroportée, seront également très significatives, dans la mesure où contrairement à nos attentes il n'y a que peu de perspectives de développement associé à l'exportation du Rafale et ce soutien des bureaux d'études est fondamental pour l'évolution du Rafale pour nos besoins. Nous avons il y a peu testé la qualité du premier avion doté d'une antenne active : c'est une modernisation très importante du système d'arme du Rafale. Nous ne devons pas non plus omettre les recherches sur les missiles. Enfin, l'achèvement de la phase 1 de nEUROn permettra d'effectuer un vol d'ici à la fin de 2012. Ces opérations sont, je le répète, très lourdes et donc couteuses.

En termes de maturité technologique, 15 % des études amont correspondent au plus bas niveau – c'est peu –, environ 50 % à l'adaptation des technologies aux besoins militaires et le reste aux démonstrateurs.

Toutefois, les crédits consacrés aux études amont sont très inférieurs au montant qui y est consacré outre-atlantique. Avec la France et le Royaume-Uni, qui y consacrent en les budgets les plus importants, la recherche de défense en Europe reste néanmoins très loin derrière les Etats-Unis. Il faut savoir en outre que, si le budget des États-Unis baisse sur les dix années à venir, le montant consacré à la R & D, en revanche, ne baisse pas. En particulier les budgets alloués à la Defense advanced research project agency (DARPA), qui s'occupe des technologies de très bas niveau de maturité. Or ses orientations sont très claires : la furtivité, la robotique et les missiles hypersoniques. Si nous voulons rester un acteur important de la défense, nous devrons nous interroger, aux plans français et européen, sur nos orientations en la matière. Cette interrogation peut évidemment inclure l'utilisation éventuelle de fonds structurels européens à des fins de défense : cela impliquerait d'élargir à la défense le spectre d'utilisation de fonds aujourd'hui essentiellement dédiés à la sécurité. Ce serait une évolution majeure.

Enfin, s'agissant du programme ANL, nous attendons que le ministre indique de manière officielle sa position.

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