Intervention de Laurent Collet-Billon

Réunion du 10 octobre 2012 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement :

Le canon automoteur Caesar est développé par Nexter Systems. Le programme, ouvert en 2004, s'est achevé en 2011 avec la livraison complète des soixante-dix-sept canons commandés par l'armée de terre. Huit d'entre eux ont été déployés en Afghanistan et d'autres au Liban. Le retour opérationnel est excellent. Ce canon a connu un succès certain à l'exportation. D'autres prospects sont envisagés pour des quantités importantes. Nous invitons Nexter Systems à déployer tous ses efforts en cette direction.

L'accord franco-britannique de Lancaster House a permis de lancer différents programmes : systèmes antimines, évaluation du Watchkeeper, première phase des études relatives aux drones de combat, réflexion sur la création potentielle de centres de compétences uniques pour la société MBDA, études amont communes pour plus de 50 millions d'euros par an par pays –, défrichement de nouveaux champs éventuels de coopération,…. Nous avons également passé en revue tous les programmes de missiles futurs, dont l'ANL ou des missiles air-sol en vue de remplacer par un missile entièrement européen les Hellfire, dont sont actuellement dotés nos hélicoptères Tigre et qui pourraient également doter nos futurs drones.

L'évolution des rapports franco-britanniques est réaliste et pragmatique. On ne sent aucun coup de froid. Les Britanniques sont dans une phase attentiste au regard de nos choix budgétaires.

Le programme Scorpion, qui a été reporté à 2014, comprend différentes facettes, dont la numérisation du champ de bataille, indispensable à la structuration de l'armée de terre, qui suppose le développement autour du poste de radio CONTACT de systèmes d'information communs à l'ensemble des armes de l'armée de terre en vue de communiquer aisément avec les sites de l'état-major des armées. Ce programme comporte également un volet véhicules, avec au premier chef la création d'une vétronique et d'un ensemble d'organes mécaniques communs pour les véhicules : le véhicule blindé multi-rôles (VBMR), qui doit rapidement remplacer le véhicule de l'avant blindé (VAB), à bout de souffle – le VBMR offre de plus l'avantage de présenter une protection balistique supérieure à celle du VAB –, et l'engin blindé de reconnaissance et de combat (EBRC), qui sera réalisé sur une base commune avec le VBMR – il sera le principal engin de combat aux alentours de 2020. Le programme Scorpion est donc structurant pour l'armée de terre, en termes d'organisation des forces déployées et de logistique. Le programme Scorpion est nécessaire au passage de l'armée de terre à l'ère moderne, lui permettant de rester une armée de premier plan s'imposant comme leader auprès de ses alliés.

Le rapprochement entre Safran et Thales reposait sur la volonté de ne financer qu'une seule source de technologie en matière d'optronique, les deux sociétés présentant des gammes complémentaires tout en étant parfois en concurrence frontale. La situation s'est crispée autour des savoir-faire de certains établissements des deux sociétés.

Je ne crois pas que ce rapprochement aurait livré la direction du nouveau groupe à des financiers, compte tenu de la persistance d'une très forte mentalité « ingénieur » dans les deux sociétés : les ingénieurs continuent d'avoir la primauté à Safran comme à Thales.

De plus, en cas de rapprochement entre EADS et BAE, il conviendrait également de s'interroger sur l'avenir des différents champions de notre industrie de défense : Thales, Nexter, DCNS, Safran. Les partenariats possibles en Europe sont peu nombreux.

DCNS est le seul fabricant de navires de combat européen qui produise l'intégralité des gammes, navires de surface et sous-marins. La construction des sous-marins nucléaires à Cherbourg a permis de développer une gamme export qui se porte relativement bien. Quant aux FREMM, qui sont d'excellentes frégates, elles ne présentent, à l'exportation, qu'un seul inconvénient, que nous n'avions pas anticipé : c'est leur technicité, qui nécessite des équipages de très haut niveau, qui ne sont pas d'emblée accessibles à toutes les marines du monde. Nous avons volontairement réduit le nombre de membres d'équipage à quatre-vingt-dix.

À mes yeux, l'État, actionnaire ou non, doit avoir la capacité d'intervenir au sein des sociétés de défense sur les orientations et les ventes d'avoirs stratégiques. Cette capacité entre dans le cadre des actions spécifiques, dont certaines ont été mises en place lors des privatisations de sociétés de défense – c'est le cas de Thales. La France possède également une action spécifique au sein d'EADS. C'est l'outil absolu, alors que l'État actionnaire est trop souvent un État qui met trop de temps à prendre ses décisions.

Malheureusement, la France ne possède pas de dispositif législatif ou réglementaire d'intervention aussi efficace que les États-Unis. Si l'État peut interdire la vente de sociétés à des investissements étrangers, le dispositif est insuffisant du fait que l'alerte n'est pas toujours donnée à temps, ce qui amoindrit notre capacité de réaction. Les Américains, eux, ont mis en place un comité, le CFIUS – Committee on Foreign Investment in the US –, qui examine tous les investissements étrangers sur les sociétés américaines. En fonction des secteurs jugés stratégiques, il existe plusieurs régimes de protection : le proxy agreement ne permet à l'investisseur que d'être associé à la rentabilité financière, sans avoir aucune part au développement technique ou technologique de la société ; le special security agreement autorise l'investisseur étranger à avoir des administrateurs dans la société sans leur permettre de rapatrier les techniques développées. Il nous faudrait débattre à l'échelon européen de l'introduction d'un tel dispositif, qui nous fait défaut, l'Europe étant aujourd'hui sous le régime de la porte ouverte. Il faut savoir que les conditions posées par le CFIUS sont sans appel.

La dégradation constatée des intérêts moratoires imputables à Chorus l'année de la mise en place du logiciel peut être évaluée à quelque 15 millions d'euros sur les 24 millions versés. L'outil présente des qualités certaines, mais il est loin d'être universel. Ses flexibilités de gestion nous ont permis d'afficher à la fin de l'année 2011 un non-emploi des crédits de paiement de seulement quelques euros, ce qui n'est rien au regard des milliards dépensés. Il nous permet également de reprendre la gestion aux premiers jours de janvier alors qu'il fallait attendre auparavant la fin du mois d'avril. Nous pouvons donc rattraper des retards de paiement à des PME dès le début de l'année.

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