Intervention de Sandrine Mazetier

Réunion du 18 octobre 2012 à 14h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Mazetier, Rapporteure spéciale :

Je commencerai par rappeler les orientations nouvelles données à la politique de sécurité avant d'en venir à l'analyse d'une mission qui est augmentée pour 2013 du programme 207, Sécurité et éducation routières, précédemment inscrit dans le cadre de la mission « Écologie, développement et aménagement durables ».

Le 19 septembre dernier, à l'École militaire, M. Manuel Valls, ministre de l'Intérieur, a exposé les grandes lignes de la nouvelle politique de la sécurité publique. Plaçant celle-ci au coeur de son action, le Gouvernement s'est attelé à son redressement. La politique du chiffre va le céder à une culture du résultat au service de la nation. Ainsi prend fin le désarmement matériel et moral de la police et de la gendarmerie, ainsi s'efface une période de suppressions de postes, de frénésie législative et d'improvisation quotidienne.

La nouvelle politique repose sur l'exigence d'une vision partagée par la population et par les agents des forces de sécurité, ce qui suppose notamment une rénovation du dispositif de formation des gendarmes et des policiers. Elle doit aussi permettre de répondre aux priorités et d'engager l'amélioration de l'organisation de la sécurité publique.

En premier lieu, après une décennie qui a vu se multiplier les tensions entre les populations et entre les différents acteurs de la sécurité, il s'agit de construire un consensus autour des valeurs de la République. La nouvelle politique vise donc à renforcer les liens entre, d'une part, des forces de l'ordre qui agissent et, d'autre part, une population consciente de l'action menée : la lutte contre la délinquance se mène avec les citoyens. Cette confiance se noue d'abord sur le terrain, par une présence visible et par un contact aussi fréquent et diversifié que possible avec les habitants – ce que les suppressions de postes des cinq dernières années avaient rendu bien difficile.

Le ministre souhaite en deuxième lieu faire du renforcement de l'éthique et de la déontologie des préoccupations permanentes. À cette fin, il a annoncé l'ouverture d'un premier chantier : la rénovation du dispositif de formation. Vous en trouverez la traduction dans le projet annuel de performance.

La réponse aux priorités se trouve à la fois dans une mesure emblématique, la création des zones de sécurité prioritaires, et dans un effort, moins nouveau, d'optimisation et de coordination des ressources. Celui-ci conduira à une mutualisation des fonctions supports en même temps qu'à une réduction des missions périphériques, afin de libérer des ressources pour la mission centrale de lutte contre la délinquance.

Le ministre conçoit les zones de sécurité prioritaires comme des zones de concentration des moyens et, au moins autant, comme des terrains d'expérimentation pour la mise en oeuvre des principes fondateurs de la nouvelle politique de sécurité publique : la responsabilisation des acteurs de la sécurité, l'ancrage local d'une action qui doit s'adapter aux spécificités du terrain, l'optimisation et la coordination des ressources, la formation de partenariats solides et efficaces. Ces zones prioritaires ne sont pas appelées à constituer un dispositif spécifique – la précédente multiplication de dispositifs spéciaux et de cellules de toutes sortes a freiné la mutualisation et la coordination des forces de sécurité – et elles ne procèdent pas davantage d'une doctrine. Elles répondent à la nécessité de mettre en oeuvre, sur des territoires ciblés à raison de leurs difficultés et de la présence d'une délinquance enracinée, une méthode au service de l'action.

Enfin, le ministre de l'Intérieur considère qu'au-delà de la réforme de la formation des policiers, il convient de rationaliser encore davantage l'organisation de la sécurité publique. Il a annoncé que de nouvelles évolutions de compétence territoriale interviendraient, après une concertation approfondie – ce qui est nouveau – avec les élus comme avec les personnels, et à condition qu'elles accroissent véritablement l'efficacité de chacune des deux forces. Il a également invité à un renforcement du soutien logistique grâce à un élargissement des mutualisations. Sera ainsi mis un terme à une certaine « clochardisation » de la gendarmerie comme à la technique dite du « coup de pied dans la fourmilière », chère à M. Brice Hortefeux et où le spectaculaire s'alliait à l'absence d'effet durable.

Dans mon rapport, je donnerai deux coups de projecteur, l'un sur la police technique et scientifique (PTS), l'autre sur un sujet dont la précédente majorité s'est beaucoup moins préoccupée : la lutte contre la délinquance économique et financière, dont l'actualité récente vient de mettre en lumière l'intrication avec la grande criminalité.

Dans un contexte budgétaire contraint, le renforcement de la police technique et scientifique doit constituer une priorité, ce qui passe par un recentrage qualitatif. Coûteux, le « tout ADN » comporte en outre le risque de faire négliger les autres techniques et champs d'intervention de la police scientifique. Dans ce domaine où les prix peuvent devenir exorbitants faute de véritable concurrence, le dispositif français de recours aux laboratoires publics apporte la meilleure garantie contre toute forme de dérive financière. Il convient en outre de limiter les prélèvements génétiques de masse à ce qui apparaît nécessaire et utile, en particulier dès la phase initiale de constatations techniques et de recherche de traces. Ici aussi, il est souhaitable de passer d'une politique du chiffre ou de la « bûchette », selon le terme employé par les responsables que nous avons entendus, à une culture du résultat, orientée vers la recherche d'une efficience réelle.

Les crédits ainsi économisés pourront alors être mis au service des autres secteurs de la police technique et scientifique : balistique, entomologie, analyse morphologique des traces de sang, numérisation des scènes d'infraction, exploitation des traces numériques – téléphone portable, informatique, Internet, cartes à puces –, lutte contre la fraude documentaire, constitution de portraits-robots…

La lutte contre la délinquance financière donne moins lieu à affichage médiatique que le déploiement de forces de sécurité sur la voie publique. Elle revêt pourtant un intérêt essentiel car les produits de la délinquance nécessitent toujours un traitement par ceux qui les accaparent : un recyclage, du blanchiment. Au-delà des faits constatés, il faut donc s'attacher à suivre le parcours des produits et des profits de la criminalité.

Les services de police judiciaire dépendant de la sous-direction de la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière (SDLCODF), dont il faut saluer ici l'action, tendent à attirer à eux l'essentiel des grandes affaires de délinquance financière, peu de dossiers étant dévolus à la gendarmerie. A contrario, celle-ci prend en charge une bonne part des petites infractions commises en zone rurale, infractions simples pour lesquelles la réponse pénale est malheureusement le plus souvent inexistante, au grand dam de nombre de nos concitoyens. En revanche, les services généralistes de la police nationale renvoient, eux, le traitement de ces petites infractions aux services interrégionaux ou régionaux de police judiciaire, voire aux structures nationales installées à Nanterre. Il en résulte un encombrement, voire une embolie, desdites structures et un manque de moyens pour mener des investigations sur des montages complexes. Étant beaucoup moins difficile à mettre au jour, la petite escroquerie n'exige pourtant pas l'intervention de personnels formés pour identifier des réseaux de trafics internationaux et on peut voir là un gâchis, allant au rebours de l'exigence d'une utilisation optimale des moyens. Il importe donc d'améliorer le traitement direct des petites infractions financières par les services généralistes. Celles-ci sont souvent modestes pour ce qui est des montants en jeu, mais revêtent de graves conséquences pour leurs victimes.

Parallèlement, il convient de redéployer les moyens des services spécialisés vers le traitement des infractions les plus importantes. Dans ce domaine, l'efficacité passe par la possibilité de saisir les avoirs des grands délinquants, menace beaucoup plus dissuasive pour eux que celle de l'enfermement. Les services de police concernés souhaitent donc une amélioration et une extension des procédures de saisie.

J'en viens à l'analyse des crédits.

Après des années noires, la mission Sécurité voit en 2013 les moyens des forces de sécurité intérieure augmenter : 480 emplois – 288 de policiers et 192 de gendarmes – seront créés. C'est la première étape d'un plan visant à créer 5 000 emplois en cinq ans au bénéfice de la sécurité et de la justice, conformément aux priorités déjà présentées lors de la discussion générale du projet de budget. Ces mesures nouvelles permettront de renforcer les effectifs dans les zones de délinquance les plus sensibles, en particulier dans les nouvelles zones de sécurité prioritaires – mais pas seulement.

Cependant, la mission contribuera, elle aussi, à la maîtrise des dépenses publiques, en particulier par une réduction de 29 millions d'euros, soit de 7 %, des crédits de fonctionnement, étant entendu que seront exonérées de cet effort les missions opérationnelles.

Pour le reste, des préoccupations demeurent : elles portent sur la maîtrise de la masse salariale dans la police et sur les moyens de fonctionnement.

Je laisserai au président de notre Commission le soin de présenter, car il en est un spécialiste, le compte d'affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers, modifié par un amendement de notre rapporteur général.

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