La réflexion sur le préjudice écologique est l'occasion de mettre en évidence la valeur de la nature et de la biodiversité mais aussi les bénéfices qu'elles apportent : la nature n'a pas qu'une valeur de consommation ou d'exploitation, ce n'est pas seulement une somme d'espaces à maîtriser.
Les conclusions du groupe de travail que vous avez présidé, monsieur le professeur, confirment l'urgence de l'inscription du préjudice écologique dans le droit civil, préalable indispensable à l'établissement d'une véritable sécurité juridique en matière de dommages environnementaux et de réparation de l'environnement par les acteurs. Cela étant, comme le remarque mon collègue Sergio Coronado, les propositions de votre rapport sont encore timides. Il est faible, juridiquement et politiquement, de définir le préjudice écologique comme « résultant d'une atteinte anormale aux éléments et aux fonctions des écosystèmes » : que serait, en effet, une atteinte « normale » auxdits éléments et fonctions ? Ne vaudrait-il pas mieux élargir la notion de préjudice écologique à l'ensemble des dommages causés à l'environnement ?
Le groupe écologiste salue votre proposition de mettre en place un système d'amendes lourdes en cas d'atteinte intentionnelle à l'environnement. Néanmoins, comme vous le soulignez à juste titre, il est nécessaire que l'indemnisation d'un préjudice écologique se fasse prioritairement en nature, par la remise du milieu affecté dans son état initial. La réparation pécuniaire ne doit intervenir que si la remise en état s'avère techniquement impossible.
Lorsque l'on parle de préjudice écologique, on pense souvent aux pollutions accidentelles spectaculaires, en particulier les marées noires. Mais il en existe beaucoup d'autres, plus insidieuses parce que leur effet est différé ou mal évalué. C'est le cas, par exemple, de la pollution au chlordécone dans les Antilles, dont les conséquences sur la santé, l'emploi, l'économie et la biodiversité se feront encore sentir pendant des dizaines d'années. Or, la responsabilité de l'État, en l'espèce, est flagrante. Dans d'autres cas, l'État est responsable indirectement par inaction, par exemple en matière de qualité de l'eau et de l'air, de perturbateurs endocriniens, de pesticides, etc. Comment, alors, dans ces cas, appliquer la législation sur le préjudice écologique et réparer le dommage ?