« La question de la réparation du préjudice écologique est à la fois récente, de portée considérable mais aussi lourde d'incertitudes », peut-on lire en introduction de ce rapport. L'affaire du naufrage de l'Erika aura permis, dans ce domaine, une véritable avancée juridique : dans son arrêt du 30 mars 2010, la cour d'appel de Paris a clairement reconnu « un préjudice écologique résultant d'une atteinte aux actifs environnementaux non marchands, réparable par équivalent monétaire ». Dans le même esprit, le Conseil constitutionnel a affirmé, dans une décision du 8 avril 2011, un principe général selon lequel « chacun est tenu à une obligation de vigilance à l'égard des atteintes à l'environnement qui pourraient résulter de son activité ».
Si l'idée d'inscrire le préjudice écologique dans la loi nous semble bonne, nous ne cachons pas notre perplexité quant à la méthode. Pourquoi légiférer de nouveau alors que le Sénat a déjà adopté le 16 mai 2013 une proposition de loi visant à inscrire la notion de dommage causé à l'environnement dans le code civil, laquelle dispose que « toute personne qui cause un dommage à l'environnement est tenue de le réparer » et que cette réparation « s'effectue prioritairement en nature » ? Un nouveau texte ne risque-t-il pas d'affaiblir l'ensemble, à notre sens complet, que constituent cette proposition et l'arrêt de la Cour de cassation sur l'affaire de l'Erika ?
De plus, la directive 200435CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux a été transposée en droit français par la loi du 1er août 2008 et par son décret d'application du 29 avril 2009. Cet arsenal vous semble-t-il trop limité ? Dans la lettre de mission qu'elle vous a adressée Mme la Garde des sceaux exprime le souhait que « soit introduit dans notre droit un principe général de responsabilité pour préjudice écologique ». En légiférant davantage, ne risquons-nous pas de rendre encore plus complexe notre droit de l'environnement ?
S'agissant du Fonds de réparation environnementale dont vous proposez la création, au-delà des dangers de siphonage déjà mentionnés, aurons-nous la certitude que les sommes recueillies iront bien à la réparation écologique ?
Par ailleurs, que se passera-t-il le jour où l'État sera jugé et reconnu coupable ? N'y aura-t-il pas conflit d'intérêts ? Déjà, les prises en charge par le fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds « Barnier », sont compliquées et n'aboutissent pas toujours.
Enfin, quelles méthodes précises seront-elles mises à la disposition des parties et du juge pour l'évaluation du préjudice écologique ? Comment évaluer la perte de valeur d'un service écosystémique ?
Tout cela m'amène à une question pragmatique : quelles suites donner à votre rapport ?