Toutes ces questions sont fort importantes et intéressantes.
Nous avons essayé d'être très pragmatiques et de choisir des sujets qui n'étaient pas trop généraux – qui trop embrasse mal étreint. C'est ce qui nous a conduits à écarter le recyclage « en général » – celui des métaux est déjà un sujet très vaste ! En second lieu, il existe déjà des politiques des énergies renouvelables et du logement, et répéter ce qui se fait n'aurait rien apporté. Enfin, nous avons voulu privilégier des projets susceptibles de créer des emplois et de contribuer à nos exportations ; or, si l'équipement en énergies renouvelables satisfait à la première de ces exigences, c'est moins le cas du développement même de ces nouvelles sources d'énergie. J'ai d'ailleurs appelé pour ma part à la création d'un acteur européen, un « Airbus des énergies renouvelables » qui pourrait concurrencer les acteurs asiatiques et américains. Mais ne nous racontons pas d'histoires : on ne voit pas aujourd'hui dans ce domaine-là d'acteur français susceptible de devenir un géant mondial.
Monsieur Suguenot, l'innovation, c'est tout de suite ! Les concours seront ouverts dès cette année. Quant au principe de précaution, il est inscrit dans la Constitution et il serait difficile de le faire évoluer. Mais nous proposons de mettre en face le principe d'innovation : c'est par l'expérimentation et par la prise de risque – acceptée, discutée – que l'on avance. Souvent, nous aimons les jardins à la française, ordonnés suivant un seul principe ; ici, il paraît plus efficace de chercher un équilibre dynamique entre ces deux principes, comme le fait la culture chinoise entre le yin et le yang…
Produits ou services ? Vous avez raison, il s'agit là de l'une de ces querelles byzantines que la France adore, mais qui sont complètement dépassées. Deux économistes viennent d'écrire un pamphlet selon lequel il serait absurde de réindustrialiser : je crois au contraire qu'il faut absolument réindustrialiser notre pays, que c'est là que réside une partie de notre avenir, mais qu'il faut aussi développer les services ; cela ne s'oppose pas, bien au contraire. J'ajoute que l'innovation n'est pas seulement technologique : elle est aussi culturelle, sociale… L'innovation est enfant de bohème !
J'en viens à la question de nos outils. La commission deviendra le comité de pilotage, mais tout se fera au sein du Commissariat général à l'investissement. En effet, nous ne voulons surtout pas créer de nouvelle structure, car nous considérons qu'il y en a déjà bien assez ! Nous ne coûtons rien ; nous n'avons pas de locaux propres et nous utilisons Bpifrance. Pour le tri des projets, nous travaillons à mettre au point des critères et nous ferons également appel à des experts de chaque domaine. Nous voulons surtout éviter la bureaucratisation.
Pour faciliter l'exploitation des données massives, nous avons effectivement repris l'idée de créer un « centre de ressources technologiques », mais ce serait un dispositif souple, à mettre en place avec les auteurs du rapport remis sur le sujet. Nous sommes, je le répète, tout à fait opposés à la création de nouvelles structures.
Les commandes publiques constituent un enjeu crucial : elles représentent 200 milliards d'euros par an, mais elles sont très peu innovantes. Les acheteurs publics sont formés pour ne pas innover ! Au surplus, le fait qu'ils puissent – cas certainement unique au monde – être poursuivis pénalement jusqu'à trois ans après l'acte d'achat ne pousse pas à la prise de risque.
En lien avec le médiateur des marchés publics, Jean-Lou Blachier, nous proposons donc que 3 % des commandes publiques – soit 6 milliards d'euros, ce qui est considérable – soient réservés à l'innovation. Nous proposons aussi, ce qui ne coûte rien, la création d'un réseau social destiné aux acheteurs publics, qui permettrait de référencer systématiquement l'innovation une fois qu'elle aurait été acquise par l'un d'entre eux. Il existe des difficultés spécifiques à certains domaines : les hôpitaux publics, par exemple, ont interdiction d'acheter un produit qui n'aurait pas de concurrent ! Une start-up française a ainsi trouvé un moyen beaucoup moins cher, non intrusif et rapide de détecter les glaucomes : les cliniques achètent cet appareil, mais pas l'hôpital public, puisqu'il n'y a pas de concurrent… Par définition, les produits très innovants n'en ont pas : il faut par conséquent faire cesser cette absurdité.