Intervention de Henri Sterdyniak

Réunion du 17 octobre 2013 à 9h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Henri Sterdyniak, directeur du département économie de la mondialisation de l'OFCE :

Nous nous devons de prendre pour point de départ la situation économique de la France et nous demander comment favoriser l'emploi ; dans cette perspective, l'essentiel n'est pas de savoir s'il est légitime que les entreprises participent au financement des crèches. Nous sommes malheureusement dans une zone euro incapable de définir une stratégie macroéconomique cohérente et d'impulser la demande et dont les pays membres doivent se battre les uns contre les autres pour se faire les moins-disants en matières sociale et salariale. Nous sommes aussi à une époque où les capitalistes, devenus de plus en plus gourmands, demandent des taux de rentabilité élevés et n'investissent pas. Tout cela pose évidemment des problèmes difficiles au Gouvernement. Il a choisi de créer le CICE, destinant ainsi 20 milliards d'euros à l'ensemble des entreprises. On peut penser que cette somme aurait été mieux employée en faveur d'une politique industrielle fine, dotée des moyens nécessaires à son objet : rebâtir le tissu industriel en aidant les entreprises industrielles qui en ont besoin. Mais les contraintes européennes amènent à choisir le second best, une solution de repli. Et dans ce cadre, le CICE, étant donné son ciblage douteux, est plus compliqué et sans doute moins efficace que ne l'aurait été la simple suppression des cotisations « famille ».

Le débat économique de fond est le suivant : faut-il remplacer les cotisations sociales employeur et, éventuellement, diverses autres impositions par une contribution sociale assise sur l'excédent brut d'exploitation ? J'y suis très favorable car cette mesure est la seule qui permette de taxer spécifiquement les entreprises trop capitalistiques et d'aider les secteurs qui emploient beaucoup de main-d'oeuvre – ce que la TVA sociale ne fait pas. Mais elle frapperait l'industrie, et elle paraît d'autant plus difficile à « vendre » que la taxation devrait porter sur le brut. Je n'ignore pas que, selon le schéma théorique dans lequel on se place, cette proposition est considérée, au choix, comme stupide ou comme la meilleure qui soit.

Pour ce qui concerne les ménages, on est allé au bout de ce que l'on peut prélever sur les hauts revenus. Des mesures restent à prendre mais, à chaque fois, ce sera très dur. Ainsi, l'absence de taxation des loyers fictifs est scandaleuse, mais comment dire aux propriétaires qu'ils devront désormais régler 15 % de prélèvements sociaux sur le montant du loyer qu'ils ne payent pas ? La mesure est redistributive, mais difficile à faire accepter. Une autre bonne mesure consiste à supprimer les privilèges associés au plan d'épargne en actions (PEA) et à l'assurance-vie, et une autre encore à décider que donations et héritages doivent purger les plus-values. Ces trois mesures procureraient de l'argent qui pourrait être redistribué aux plus pauvres, mais elles sont difficiles à mettre en musique. Une fois ces quelques milliards récupérés auprès des plus riches, il n'y aurait aucun problème à dire que le RSA n'est pas assez élevé pour les familles avec un ou deux enfants et qu'il faut repenser le complément familial en leur faveur parce qu'elles ne demandent pas le RSA auquel elles ont droit. Mais cela suppose pour commencer de procéder à la récupération auprès des plus riches et, dans le contexte actuel, je vois mal les trois mesures que j'ai décrites annoncées.

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