Intervention de Julien Dubertret

Réunion du 17 octobre 2013 à 9h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Julien Dubertret, directeur du budget au ministère de l'économie et des finances :

Je ne saurais vous le dire avec exactitude : elle est en tout cas minoritaire puisque la CSG est assise à plus de 80 % sur les revenus d'activité.

La CSG a été une « bonne affaire ».

Ma remarque vaut d'ailleurs pour la sécurité sociale d'une manière générale : on ne peut pas dire que les dépenses de la sécurité sociale aient été bridées par un dynamisme insuffisant des recettes. Aussi convient-il de relativiser les critiques sur la mise en place en 2011 du préciput, qui a entraîné un transfert de recettes décroissantes. C'est en toute connaissance de cause que la mesure a été prise, compte tenu du bon dynamisme des autres recettes et du fait que les prestations de la branche famille sont moins dynamiques que celles des branches vieillesse ou maladie.

Les dépenses, quant à elles, ont évolué beaucoup plus vite que l'inflation. Un rapport récent affirme que l'indexation des prestations familiales sur la seule inflation conduirait à une dégradation tendancielle de la part des prestations familiales dans le PIB : je pense que l'analyse est un peu courte. En réalité, la croissance de l'ensemble des dépenses de la branche famille est quasiment égale à celle du PIB sur le long terme. Il n'y a donc aucune raison d'indexer les prestations sur un autre facteur que les prix. En effet, si tel était le cas, compte tenu des nombreuses créations de prestations, on se retrouverait avec une croissance des dépenses très supérieure au PIB.

Si, de 1978 à 1990, la part des prestations légales de la branche famille dans le PIB baisse de 2,3 % à 1,8 %, en revanche, depuis 1990, cette part est constante puisqu'elle est toujours de 1,8 % en 2012. Quant au nombre d'enfants de zéro à dix-neuf ans éligibles aux prestations familiales, il est de 16,2 millions en 1991 et de 16,1 en 2012. La part de la richesse nationale consacrée aux familles est donc stable. Aussi ne saurait-on prétendre qu'il y ait eu un effort particulier de maîtrise de ces dépenses ou que les règles d'indexation utilisées auraient été défavorables à la politique familiale. De nombreuses mesures ont été mises en oeuvre successivement. J'en citerai quelques-unes : hausses régulières de l'âge limite d'accès aux prestations familiales – il est passé de quatorze à vingt ans –, fréquentes revalorisations ponctuelles de prestations, majoration des allocations familiales en 1981, hausse de 25 % de l'allocation de rentrée scolaire en septembre 2012, plans de revalorisation jusqu'en 2018 du complément familial de l'allocation de soutien familial lancés dans le cadre du Plan pauvreté, création de la prestation d'accueil du jeune enfant en 2005, croissance très forte du fonds national d'action sociale – la liste n'est pas exhaustive. Notons toutefois que ces nouvelles prestations répondent plus souvent à une politique d'empilement qu'à une redéfinition complète de la branche famille. C'est pourquoi celle-ci mériterait d'être appréhendée selon la méthode de la modernisation de l'action publique, conduisant, pour une plus grande efficacité, à une remise à plat de la politique familiale après évaluation.

Pour résumer, je dirai que la politique familiale se traduit par un fort dynamisme des dépenses, la constance remarquable de leur part dans le PIB, des recettes favorables et, malgré tout, par un déficit qui, sans être négligeable, n'est pas très important si on le rapporte au total de la branche famille – 55 milliards de dépenses. Il pourrait donc être traité sans trop de difficultés via une maîtrise des dépenses, puisque la branche famille fait déjà l'objet de recettes très généreuses.

S'agissant de la fiscalisation de la branche famille, il faut savoir qu'il n'y a pas de miracle en matière de ressources fiscales. En effet, contrairement à la branche maladie, qui peut bénéficier de taxes comportementales, il n'existe pas de recettes qui, par nature, sont destinées à la famille. L'évolution du financement de la branche famille vers une plus grande fiscalisation fait toutefois l'objet d'un relatif consensus, qu'il s'agisse de la Cour des comptes, du Haut Conseil de la famille, des employeurs ou des organisations familiales et syndicales, à l'exception notable de la CGT et de la CGT-FO.

Le débat sur le financement de la branche famille est lié au débat sur le coût du travail en France, les cotisations familiales étant exclusivement acquittées par les employeurs. Quelles ressources conviendrait-il de substituer à ces cotisations alors que, comme je le disais, il n'existe pas de recettes pouvant être par nature affectées à la famille ? Je note toutefois que les différentes propositions de réforme du financement de la branche ont souvent pour dénominateur commun une fiscalisation accrue.

La piste d'un accroissement net des recettes fiscales est à exclure compte tenu des engagements très clairs du Gouvernement en termes de trajectoire des finances publiques. L'article liminaire du projet de loi de finances prévoit le solde structurel et le solde effectif de l'ensemble des administrations publiques et le Gouvernement a déclaré que, dans le retour à l'équilibre structurel d'ici à la fin du quinquennat, l'effort devait porter intégralement sur la dépense. Autant il est possible d'imaginer des redistributions de recettes, autant il est impossible de s'orienter vers une hausse nette des prélèvements obligatoires au profit de telle ou telle administration publique. La création d'un nouveau prélèvement devrait donc s'accompagner de la suppression ou de la diminution équivalente d'un autre prélèvement afin de ne pas augmenter le taux de prélèvement obligatoire (TPO). Or la fiscalité écologique est fléchée vers le CICE et il convient de regarder avec prudence les éventuelles marges de manoeuvre offertes par la fiscalité du capital, compte tenu notamment de la décision du Conseil constitutionnel de 2012 et d'une interprétation récente du Conseil d'État, lesquelles invitent à la prudence. La seule solution serait donc de substituer une recette existante à la cotisation des employeurs à la branche famille.

S'agissant des conséquences macroéconomiques de la substitution d'une ressource alternative aux cotisations patronales familiales, il convient de distinguer deux cas : la ressource de substitution a pour origine un prélèvement fiscal ou une baisse des dépenses. Le CICE est financé à la fois par une hausse des recettes et par une baisse des dépenses. Une baisse de prélèvement financée par une diminution des dépenses a incontestablement à long terme un effet favorable sur la compétitivité de l'économie. Une baisse des dépenses est, après tout, une substitution de ressources.

Le gage en recettes, quant à lui, mobilise un modèle économétrique valable uniquement sur le court terme car construit sur l'adéquation de l'offre et de la demande : je ne suis pas certain qu'un tel modèle intègre sur le long terme les effets notamment sur la modification de la compétitivité de l'offre si, par exemple, on substitue la TVA aux cotisations patronales. Je doute qu'il soit pertinent d'utiliser un modèle reposant sur une mécanique de flux valable à court terme pour évaluer des effets structurels qui, par définition, ne peuvent être mesurés que sur le long terme.

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