Intervention de Julien Dubertret

Réunion du 17 octobre 2013 à 9h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Julien Dubertret, directeur du budget au ministère de l'économie et des finances :

Nous travaillons sur le sujet et nous explorons de nombreuses pistes, mais il est encore prématuré d'en faire état.

J'en viens à la budgétisation qui est, en quelque sorte, la forme ultime de la fiscalisation. Le caractère non contributif et universel des prestations n'est-il pas le fondement de l'universalité budgétaire ? Cela dit, il ne m'appartient pas de me prononcer en opportunité.

Trois éléments peuvent toutefois justifier à mon sens une budgétisation.

La budgétisation améliore la lisibilité des comptes publics. Pourquoi maintenir dans une cellule séparée une dépense presque comme les autres, qui peut être pilotée comme le budget de l'État ? Je note d'ailleurs qu'en disposant de deux textes financiers distincts, un PLF et un PLFSS, la France fait figure d'exception parmi les pays développés. En général, les régimes assurantiels, vieillesse et accidents du travail, sont retracés dans des caisses séparées, sans même parfois être couverts par un projet de loi. La maladie et la famille sont en revanche couramment prises en charge dans le budget des États.

La budgétisation simplifie la conduite de la politique fiscale. Le partage d'un impôt entre plusieurs types d'administrations rend son éventuelle réforme complexe. La concentration des recettes et des dépenses dans le budget général faciliterait la réflexion et les évolutions fiscales.

La budgétisation est susceptible de permettre un meilleur pilotage. En tout état de cause, aujourd'hui, la dynamique des dépenses familiales est beaucoup plus rapide que celle des dépenses budgétisées. Cela dit, la question reste politique et il faut savoir quelle part de la richesse nationale nous voulons attribuer à la politique familiale.

À ma connaissance, la budgétisation partielle ou totale ne rencontre pas d'obstacle juridique. Aucun principe constitutionnel ou organique ne s'y oppose, sous réserve qu'un financement suffisant soit garanti pour assurer la pérennité des missions. Cette évolution peut passer par une loi ordinaire sans qu'il soit nécessaire de modifier une loi organique. Un objectif de dépenses serait toutefois maintenu dans le PLFSS.

En termes de finances publiques, il ne me semble pas que la nature des dépenses de la CNAF soit un obstacle à un pilotage sous une norme de dépense ou sur le budget de l'État. Ce dernier pilote déjà un très grand nombre de dépenses de guichet sous norme pour un montant d'environ 40 milliards d'euros – certains dispositifs, comme les aides au logement, sont même cofinancés par la CNAF. La variété de dynamique et de nature des dépenses de la caisse permet d'envisager, si on le souhaite, une forme de contrainte gérée en interne. De plus, si l'on ne tient pas compte des choix de dépenses supplémentaires, la dynamique naturelle des dépenses de la branche famille n'est pas très rapide, même si elle l'est plus que celle du budget de l'État.

La budgétisation pourrait utiliser trois types de supports : le budget général, les budgets annexes ou les comptes spéciaux.

La création d'un budget annexe des prestations familiales nécessiterait une modification de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Cela dit je ne vois guère le sens qu'aurait le choix d'un cadre assez rigide qui correspond à des opérations industrielles et commerciales.

On pourrait penser à un compte d'affectation spéciale (CAS) si l'on voulait créer une sorte d'« isolat », et maintenir une dynamique de dépenses liée à celle des recettes. Dans ce cas, il faudrait également modifier la LOLF car, en l'état, les CAS supposent l'existence d'un lien direct entre recettes et dépenses.

Sans modifier la loi organique, il est enfin possible de créer un programme ou une mission au sein du budget général. Cette solution ne remettrait pas en cause fondamentalement la gouvernance actuelle de la branche. La modification du support ne ferait pas de la CNAF un opérateur de l'État, et elle est compatible avec sa gestion paritaire. Quelle contrainte sur l'évolution des dépenses familiales les gouvernements voudront-ils imposer dans ce cadre ? La question n'est plus technique ; elle relève de choix politiques.

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