Intervention de Michel Herbillon

Réunion du 24 octobre 2013 à 15h00
Commission élargie : recherche et enseignement supérieur

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Herbillon, président :

Je vous prie d'excuser l'absence du président Patrick Bloche, qui m'a demandé de le suppléer. Je suis à mon tour très heureux de vous accueillir, madame la ministre, pour un échange que je souhaite large et sincère sur les moyens dont vous disposerez en 2014. La Commission des affaires culturelles et de l'éducation a nommé deux rapporteurs pour avis : M. Émeric Bréhier pour les crédits de l'enseignement supérieur et M. Patrick Hetzel pour les crédits de la recherche. Au-delà de l'étude des crédits, chacun d'eux s'est attaché à approfondir une thématique particulière : la France et ses doctorants s'agissant de M. Bréhier ; la recherche sur projets et les retombées économiques de la recherche en ce qui concerne M. Hetzel. Je les remercie l'un et l'autre pour le travail qu'ils ont réalisé, en particulier pour les nombreuses auditions qu'ils ont menées.

M. Alain Claeys, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire pour la recherche. L'effort financier que consent notre pays en faveur de la recherche va bien au-delà des crédits budgétaires affectés à la MIRES. Il comprend également les crédits alloués à la recherche au titre des programmes d'investissements d'avenir et la dépense fiscale que constitue le crédit d'impôt recherche (CIR).

Dans un exercice budgétaire marqué par la réduction des dépenses de fonctionnement de l'État, le budget de la MIRES augmentera de 121,3 millions d'euros, soit de 0,5 %. Il atteindra ainsi, pour la première fois, 26 milliards d'euros. Cependant, comme cette année, la réussite des étudiants constituera la grande priorité en son sein. Le budget consacré à la recherche au sein de la mission interministérielle apparaît donc plutôt comme un budget de consolidation : avec 13,98 milliards d'euros, il sera supérieur de 0,6 % à celui de 2012, mais inférieur de 0,55 % à celui de 2013. Cette constatation vaut également pour la part des crédits provenant du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche : elle sera de 7,77 milliards d'euros en 2014, contre 7,85 milliards en 2013 et 7,77 milliards en 2012.

Grâce à des redistributions internes, les dotations nécessaires seront affectées aux grands investissements stratégiques, tels que le projet ITER et la future fusée Ariane 6. Toutefois, nous constatons, d'une part, une diminution programmée de 81 millions d'euros des crédits d'intervention de l'Agence nationale de la recherche (ANR) et, d'autre part, une stagnation des crédits destinés aux organismes de recherche. Des nombreuses auditions auxquelles j'ai procédé, il ressort que ces organismes sont confrontés à des difficultés dans leur fonctionnement et que l'emploi réel y stagne à des niveaux inférieurs à ceux fixés par les plafonds d'emplois.

Pour disposer d'une vision globale, il convient de tenir compte des crédits affectés à la recherche au titre des investissements d'avenir. En 2014, dans le cadre du premier programme d'investissements d'avenir, 725 millions d'euros seront attribués aux projets de recherche et 279 millions d'euros seront versés aux universités, hors plan Campus. Un milliard d'euros supplémentaires sera ainsi consacré à la recherche, qui bénéficiera en outre de 5,34 milliards d'euros dans le cadre du deuxième programme d'investissements d'avenir, dont le financement est inscrit dans le PLF. Nous pouvons donc nous attendre à ce que la recherche bénéficie de 250 millions d'euros de ressources supplémentaires chaque année.

Enfin, un montant de 5,8 milliards d'euros est inscrit dans le PLF au titre du crédit d'impôt recherche, dépense fiscale qui favorise la recherche au sein des entreprises. Ce montant est en hausse de 1,75 milliard d'euros par rapport à 2013 et devrait continuer à croître fortement.

Ce crédit d'impôt est un dispositif utile, éprouvé, lisible et bien enraciné dans la vie des entreprises. Nous serions mal inspirés d'en modifier l'économie générale de manière précipitée. Cependant, plusieurs rapports parlementaires et travaux de la Cour des comptes ont montré, d'une part, que son efficacité n'avait jamais été mesurée précisément et, d'autre part, qu'il était utilisé, au moins à la marge, à des fins d'optimisation fiscale. Dans ces conditions, est-il raisonnable d'assister passivement, chaque année, à l'augmentation de cette dépense fiscale jusqu'à des montants que personne n'avait jamais envisagés et de renoncer à toute maîtrise de son évolution comme à tout contrôle de son efficacité ? Il est temps, selon moi, de mettre en place, dans la sérénité, les instruments de ce contrôle et de cette maîtrise.

Quoi qu'il en soit, la recherche demeure une priorité gouvernementale. Mais ses modes de financement sont, pour partie, nouveaux. À mon sens, il convient avant tout de les mettre en cohérence.

Ainsi le financement de la recherche sur projets ne prend pas en compte les coûts complets : l'organisme de recherche qui accueille l'équipe lauréate doit prendre à sa charge une partie du coût du projet. Un organisme qui remporte un appel à projets peut donc voir ses difficultés budgétaires s'accroître, alors que son équilibre budgétaire et comptable devrait s'en trouver renforcé. Envisagez-vous, madame la ministre, de remédier à cette situation, soit en instaurant un financement des projets qui tienne compte des coûts complets, soit en augmentant le « préciput », c'est-à-dire la somme versée à l'organisme d'accueil pour couvrir ses frais de structure ?

D'autre part, quelle politique entendez-vous conduire à l'égard de l'Agence nationale de la recherche ? La diminution de ses crédits d'intervention entraîne logiquement une réduction du nombre de projets et une baisse des taux de succès aux appels à projets, aujourd'hui largement inférieurs à 20 % selon mes estimations. Ces chiffres risquent de décourager les chercheurs. De plus, les partenaires privés semblent de plus en plus réticents à souscrire à ces projets et préfèrent le canal du crédit d'impôt recherche.

Enfin, dans le cadre du deuxième programme d'investissements d'avenir, comment le ministère compte-t-il faire valoir ses positions et sa vision stratégique de la recherche dans la définition des programmes qui seront sélectionnés sous l'autorité du Commissariat général à l'investissement ?

Pour ce qui est des programmes européens, le nombre de projets déposés par les équipes de recherche françaises avait marqué le pas ces dernières années. Avons-nous retrouvé le rythme de dépôt antérieur ?

M. Thierry Mandon, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire pour l'enseignement supérieur et la vie étudiante. Dans le contexte que nous connaissons, il est agréable d'être le rapporteur spécial pour le budget de l'enseignement supérieur et pour celui de la vie étudiante : ils connaîtront l'un et l'autre une progression en 2014. Ainsi les crédits du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » augmenteront de 0,4 % pour s'établir à 12,8 milliards d'euros. Le plafond d'emplois correspondant passera de 168 550 à 169 518 emplois. Cette augmentation d'environ mille postes est conforme à ce qui était prévu. Pour leur part, les crédits du programme 231 « Vie étudiante » s'établiront à 2,46 milliards d'euros contre 2,33 milliards en 2013. Ils connaîtront ainsi une hausse très marquée, de 6 % par rapport à 2013 et de 13,7 % par rapport à 2012. Le Gouvernement donne ainsi la priorité à la jeunesse, conformément à l'engagement du Président de la République.

La hausse des crédits du programme 231 se répercutera sur les aides directes aux étudiants : les crédits consacrés aux aides au mérite augmenteront de 8 % ; ceux affectés au Fonds national d'aide d'urgence de 11 % ; ceux dédiés aux bourses sur critères sociaux de 5,8 %. En particulier, 50 000 boursiers qui étaient uniquement exonérés de droits d'inscription toucheront désormais une bourse annuelle de 1 000 euros et 30 000 étudiants modestes verront leur bourse annuelle augmenter d'un peu plus de 800 euros pour s'établir à 5 500 euros. Vous avez soutenu efficacement nos universités et nos étudiants au cours des discussions interministérielles, madame la ministre !

Cependant, la situation financière des universités françaises demeure très disparate : si certaines se portent plutôt bien, d'autres éprouvent de réelles difficultés. Un nombre limité d'entre elles – six ou sept – présentent un budget en déficit chaque année. Mais surtout, beaucoup sont contraintes de réaliser des économies douloureuses sur leur budget de fonctionnement, voire sur leur budget d'investissement ou d'entretien.

Dans certaines universités, le climat demeure fragile. D'une part, les présidents d'université souffrent : ils peinent chaque année à boucler leur budget. D'autre part, les étudiants ne mesurent pas toujours les efforts budgétaires consentis en leur faveur. Cette situation appelle votre vigilance, que je sais grande, madame la ministre.

Mes trois questions concernent donc les marges de manoeuvres des universités en matière de fonctionnement.

D'abord, le glissement vieillesse-technicité (GVT) grève durablement le budget de plusieurs universités. Il conviendrait de réfléchir à la manière dont celles-ci pourraient amortir sur plusieurs années les retards qu'elles ont accumulés en la matière.

En outre, à l'instar d'Alain Claeys, je suis favorable à l'allocation de quelques moyens supplémentaires aux universités les plus engagées dans la recherche. Il conviendrait de réfléchir à une évolution du « préciput ». En particulier, les financements accordés dans le cadre du nouveau programme d'investissements d'avenir devraient intégrer les frais de structure.

Enfin, le Gouvernement envisage de revaloriser la grille des agents de catégorie C de la fonction publique. Cette mesure aura certes des conséquences positives pour les intéressés, mais elle mettra de nombreuses universités en difficulté. Est-il prévu de compenser cette nouvelle charge pour le budget des universités ? Si oui, sous quelle forme ?

M. Patrick Hetzel, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l'éducation pour la recherche. Premièrement, je relève une contradiction entre la volonté politique affichée par le Gouvernement et la réalité des moyens proposés pour la recherche : pour la première fois depuis dix ans, les crédits de la MIRES consacrés à la recherche diminueront d'une année sur l'autre, d'environ 1 %. Cette diminution touchera principalement l'ANR, mais aussi la quasi-totalité des organismes de recherche. Je rappelle que ces dotations en baisse sont censées couvrir, d'une part, les charges pour pensions qui, elles, progressent nettement chaque année et, d'autre part, le GVT des fonctionnaires des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) ou les mesures salariales adoptées dans les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC). Les moyens réellement disponibles pour les laboratoires se trouvent donc réduits d'autant. Dans le même temps, la chute de la dotation de l'ANR se traduira par une diminution des financements sur contrat auxquels peuvent avoir accès les organismes de recherche. Tout cela constitue un net recul.

Deuxièmement, le Gouvernement utilise décidément la recherche sur projets comme une variable d'ajustement ! Dans le cadre du budget pour 2013, il avait déjà procédé à ce qu'il présentait comme un « rééquilibrage » nécessaire entre les financements sur projets et les crédits récurrents, au profit des organismes de recherche. En 2014, alors même que les crédits accordés aux organismes de recherche connaîtront une baisse, les moyens de l'ANR continueront de diminuer : les autorisations d'engagement de l'agence nationale seront inférieures à ce qu'elles étaient au moment de sa création en 2005. Elles se rapprochent, en euros constants, des moyens dont disposaient les anciens fonds incitatifs au début des années 2000 ! Dans son rapport de juin dernier, la Cour des comptes a constaté que l'ANR se trouvait à la croisée des chemins. Or le Gouvernement va bien au-delà : il remet en cause l'existence même de l'ANR comme agence de financement de la recherche sur projets. Sommes-nous en train d'abandonner les financements sur projets en France ? Notre pays n'avait pourtant fait que suivre, avec beaucoup de retard, la pratique européenne et internationale en la matière.

Troisièmement, alors que le nombre d'emplois dans les organismes de recherche nous est présenté comme stable, il convient de s'interroger sur la réalité des effectifs : les emplois inscrits dans le PLF seront-ils réellement pourvus ? L'emploi se maintiendra-t-il dans le domaine de la recherche ? Les éléments recueillis lors des auditions permettent d'en douter : les responsables des organismes sont contraints de geler un nombre croissant d'emplois. La présentation du Gouvernement est donc un trompe-l'oeil !

Quatrièmement, comme la Cour des comptes l'a souvent relevé, les retombées économiques de la recherche demeurent insuffisantes. Ce sujet fera l'objet de la partie thématique de mon avis. Le manque de valorisation, dans les entreprises, des résultats d'une recherche scientifique française pourtant performante est un problème culturel. Le continuum entre recherche et innovation n'a pas de réalité suffisante dans notre pays. Lors de l'examen du projet de loi de refondation de l'école au printemps dernier, le groupe UMP avait proposé de développer la formation à l'entrepreneuriat dès l'école, sans guère éveiller d'écho au sein de la majorité. Vous avez annoncé récemment, madame la ministre, que le Gouvernement adopterait un plan pour encourager les étudiants à devenir entrepreneurs. N'est-il pas temps d'envisager une telle formation en amont dans le cursus scolaire ?

Cinquièmement, il existe un décalage entre les crédits qui sont inscrits dans le PLF pour financer le deuxième programme des investissements d'avenir et ce qu'a annoncé le Premier ministre au mois de juillet. Le rabot est également passé par là ! Quoi qu'il en soit, il est essentiel que le Parlement soit mieux associé, en amont, aux choix opérés, compte tenu des montants en jeu et des orientations qu'ils déterminent pour l'avenir. Cela pourrait passer, par exemple, par une information suivie de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques et des commissions compétentes. En tout état de cause, il est nécessaire de mieux articuler l'emploi des crédits budgétaires et extrabudgétaires. C'est ce que réclamait l'opposition de naguère, qui est la majorité d'aujourd'hui ! Or je constate que cette articulation s'est plutôt dégradée.

Sixièmement, compte tenu de ce budget très médiocre et des interrogations qu'il suscite, quelles seront les grandes orientations de la stratégie nationale de recherche et comment sera-t-elle financée ? La loi adoptée cette année prévoit une présentation quinquennale de cette stratégie sous forme de Livre blanc, en lien avec la stratégie nationale de l'enseignement supérieur. Si l'on ne peut pas programmer une augmentation des crédits consacrés à la recherche sur l'ensemble de la période, ne convient-il pas, à tout le moins, de les sanctuariser ? La loi de programme pour la recherche de 2006 avait prévu, elle, une progression des crédits jusqu'en 2010, objectif qui avait été tenu et même dépassé. Nous en sommes loin aujourd'hui.

M. Philippe Plisson, rapporteur pour avis de la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire pour les crédits de la recherche dans les domaines du développement durable. Dans le contexte budgétaire tendu que nous connaissons actuellement, je ne peux que me réjouir de la préservation des moyens alloués à la MIRES : les autorisations d'engagement diminueront très légèrement – de 0,77 % – en 2014, mais les crédits de paiement augmenteront. Le Gouvernement fait bien de la recherche une priorité. Je proposerai donc à la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission.

S'agissant du programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables », le PLF pour 2014 prévoit une baisse contenue – de 2 % – des autorisations d'engagement et une légère hausse – de 1,4 % – des crédits de paiement. Cette évolution est satisfaisante compte tenu des contraintes budgétaires actuelles.

J'appelle néanmoins votre attention sur la situation préoccupante de beaucoup d'opérateurs du programme. En effet, à l'exception notable du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives – dont la subvention augmentera de 7 % – et de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – dont la dotation restera stable –, ils contribueront tous, bien que diversement, aux nécessaires économies budgétaires souhaitées par le Gouvernement.

L'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) paiera un tribut particulièrement lourd : sa dotation baissera de 17 % en 2014 par rapport à 2013. L'INERIS devra supprimer quinze emplois de chercheurs par an au cours des trois prochaines années, en contradiction avec l'obligation qui lui est faite, dans le cadre du contrat d'objectifs qu'il a signé avec l'État, de consacrer 20 % de son activité à la recherche. Je nourris quelques inquiétudes sur le maintien de la capacité de recherche de l'institut à court terme, si la baisse de sa dotation devait s'accompagner, comme en 2013, d'une mesure de mise en réserve et de surgel de 500 000 euros. Pourriez-vous, madame la ministre, nous rassurer sur ce point ?

Autre source de préoccupation, la dotation budgétaire de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) diminuera de 7 %. Certes, les subventions allouées au titre du programme 190 ne financent qu'une partie des activités de recherche de cet opérateur, de nombreux projets étant soutenus par le Fonds démonstrateur de recherche et le programme d'investissements d'avenir. Néanmoins, ce resserrement budgétaire s'inscrit dans un mouvement d'étiolement continu des ressources de l'ADEME : sa dotation au titre du programme 190 a baissé de 43 % depuis 2010. Ne risque-t-on pas d'affaiblir sa capacité à promouvoir les programmes de recherche et d'innovation nécessaires à la mise en oeuvre de la transition écologique ?

D'autre part, la subvention accordée à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) diminuera de 20 millions d'euros, soit de presque 10 %. Cette décision a eu un retentissement médiatique important, il y a quelques semaines. Selon les responsables de l'IRSN, que j'ai auditionnés, elle n'affectera pas durablement les capacités de recherche de l'institut, à la condition toutefois qu'il ne subisse pas à nouveau une baisse de même ampleur l'année prochaine. Pourriez-vous, madame la ministre, nous rassurer également sur ce point ?

Enfin, la dotation de l'Institut français du pétrole Énergies nouvelles (IFPEN) a subi une baisse de 34 % en l'espace de dix ans. Depuis trois ans, l'IFPEN présente un budget en déséquilibre. En 2013, son déficit d'exploitation s'élèvera à 14 millions d'euros. En 2014, la subvention qui lui est allouée au titre du programme 190 baissera de 2 % et son déficit devrait s'établir à 3 millions d'euros. Les mesures de restructuration drastiques qui ont été prises ont entraîné la première grève à l'IFPEN depuis sa création. Les responsables de l'établissement estiment qu'un seuil critique a été atteint : selon eux, l'institut serait dans l'incapacité de remplir ses missions d'intérêt général s'il devait subir de nouvelles restrictions budgétaires. De plus, chaque baisse de sa dotation de 1 % entraînerait la suppression de vingt postes. Cette situation particulièrement tendue ne laisse pas de m'inquiéter. Ne serait-il pas opportun, madame la ministre, de relâcher la pression budgétaire sur l'IFPEN, afin qu'il puisse remplir son rôle d'innovateur technologique en matière de transports et d'énergie, deux domaines cruciaux pour la transition énergétique ?

Nous sommes, madame la ministre, à l'heure des choix. Je n'ignore ni les difficultés du moment, ni la nécessité impérieuse d'oeuvrer au redressement des comptes publics. Cependant, dans la mesure où, comme l'a déclaré le Premier ministre, la transition énergétique constitue notre « premier défi », ne convient-il pas de veiller à ce que les organismes chargés de relever celui-ci ne soient pas entravés dans leur mission ?

M. Emeric Bréhier, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l'éducation pour l'enseignement supérieur et la vie étudiante. L'exposé de notre collègue Thierry Mandon me permet de me borner à traiter, très succinctement d'ailleurs, de deux ou trois points qui constituent l'ossature de ce projet de loi de finances et qui, dans le contexte budgétaire que l'on sait, répondent aux deux préoccupations de sécurisation et de justice.

Concernant les emplois, le PLF traduit la volonté du Gouvernement de donner aux étudiants les moyens de réussir leurs études. La création de 1 000 postes supplémentaires dédiés à la réussite en licence – niveau où se situe la plus grande difficulté pour les étudiants – s'inscrit dans cette logique. Se pose néanmoins la question de la traçabilité de l'utilisation des crédits alloués aux universités pour la mise en place effective de ces emplois.

Des moyens sont également alloués aux établissements afin d'assurer cette même réussite des étudiants. Rappelons tout d'abord, parce que les enseignements du passé doivent éclairer nos choix futurs, les trois notifications émises par la nouvelle majorité, pour un montant de 145 millions d'euros, afin de permettre aux 95 établissements d'exercer leurs responsabilités et compétences élargies (RCE). Pour 2014, c'est de nouveau une hausse – de 106 millions d'euros – qui est prévue ; elle inclut les crédits destinés à financer les 1 000 postes que je viens d'évoquer et les 39 millions d'euros destinés à couvrir le surcroît de cotisation au compte d'affectation spéciale « pensions », à quoi s'ajouteront 2 200 titularisations. Le travail réalisé sur le système de répartition des moyens à la performance et à l'activité, dit « SYMPA », devrait par ailleurs garantir une meilleure répartition des dotations versées aux établissements. On pourrait toutefois s'interroger aussi sur la répartition entre universités et écoles doctorales des moyens affectés aux contrats doctoraux.

Mon dernier point est d'importance, puisqu'il concerne la vie étudiante. Là encore, sans vouloir froisser mes collègues de l'opposition, je rappelle que la majorité a d'abord été obligée de corriger certaines erreurs, et non des moindres, de l'ancien Gouvernement, à commencer par le non-paiement du dixième mois de bourses en 2012. Les leçons de gestion qu'on nous dispense prennent une saveur singulière au vu de cet oubli, qui avait déjà nécessité, rappelons-le, une enveloppe supplémentaire de 160 millions d'euros dans le budget pour 2013. Pour 2014, c'est un abondement de 140,4 millions en crédits de paiement – en augmentation de 6 % – qui est prévu, témoignage de votre aptitude, madame la ministre, à vous concilier des arbitrages favorables.

En font également preuve la création des échelons de bourses 0 bis et 7, dès la rentrée 2013, ainsi que l'inscription d'un contingent supplémentaire au fonds national d'aide d'urgence. Ainsi quelque 52 600 boursiers devraient percevoir une bourse de 1 000 euros au titre de l'échelon 0 bis et près de 32 000 voir leur bourse augmenter de près de 800 euros.

Poursuite de la lutte contre la précarisation, action déterminée pour donner aux étudiants les moyens de passer l'étape difficile de la licence, soutien sans précédent à la vie étudiante : le présent budget s'inscrit bien dans un double objectif de sécurisation et de justice. Cependant, à l'autre bout de la chaîne, si je puis dire, se pose la question de nos doctorants : non seulement notre pays en forme trop peu, quoi qu'on en dise, mais il est encore loin de faire ce qu'il faut pour les intégrer dans la vie professionnelle, que ce soit dans l'enseignement, dans les entreprises ou dans la fonction publique.

Comme le rappelait Thierry Mandon, nous ne pouvons que nous féliciter, au vu des contraintes qui pèsent sur les finances publiques, de ce budget dont l'équilibre est conforme aux priorités fixées par le Président de la République.

M. Franck Reynier, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques pour les grands organismes de recherche. Je m'étais inquiété, l'année dernière, du ralentissement de l'effort financier en faveur de la recherche. Ce PLF en constitue une nouvelle illustration. En effet, alors que la recherche semble au coeur du débat politique depuis 2012, avec les Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche, puis avec l'adoption de la loi du 22 juillet 2013, et que l'innovation est au premier plan des 34 mesures pour réindustrialiser la France ainsi que des sept ambitions définies par la commission « Innovation 2030 », force est de constater, à la lecture du projet de loi de finances pour 2014, que vous n'avez pas été en mesure de concrétiser votre ambition.

Non seulement les crédits de paiement dédiés à la recherche, d'un montant de 7,77 milliards d'euros, diminuent de 1 % par rapport au précédent exercice – dans lequel ils étaient déjà en baisse –, mais ce budget risque encore de désorganiser le système de financement sur projets, puisque la subvention de l'Agence nationale de la recherche subit, pour la deuxième année consécutive, une baisse de près de 12 %, d'un montant de 82 millions d'euros, qui devrait se solder par la disparition d'une centaine de projets.

Si l'objectif d'un rééquilibrage des financements accordés aux organismes de recherche peut être partagé, il n'en va pas de même de la méthode retenue. Alors que la Cour des comptes, dans son rapport de juin dernier sur le financement public de la recherche, préconisait d'amplifier le financement sur projets en France – au vu du retard grandissant de notre pays en ce domaine –, vous réduisez drastiquement les crédits de l'opérateur chargé de sa mise en oeuvre. Si vous affaiblissez ainsi l'un des leviers de la compétitivité nationale, comment notre pays pourrait-il continuer à définir efficacement ses priorités en matière de recherche, dans un monde concurrentiel qui demande souplesse et réactivité ?

Allez-vous maintenir au-delà de 2013 les neuf équivalents temps plein supplémentaires de l'Agence nationale de la recherche (ANR), destinés à la gestion des investissements d'avenir ? De même, la mise en cohérence avec le programme européen « Horizon 2020 » du nouveau document unique de programmation de l'ANR pour 2014, avec les alliances de recherche thématiques, s'est traduite par une association des industriels moindre qu'auparavant. Le taux de sélection des appels à projets de l'ANR, de 18 % seulement en 2013, pousse également de plus en plus d'industriels à renoncer à y participer. Comment endiguer cette désaffection, alors que ces projets sont l'outil privilégié de la recherche partenariale, secteur dans lequel la France éprouve déjà des difficultés ? Ne retrouve-t-on pas là l'incohérence déjà signalée entre une volonté affichée d'améliorer la compétitivité par l'innovation et les moyens mobilisés pour y parvenir ? Par ailleurs, afin de mieux cibler les appels à projets dans le cadre d'une programmation pluriannuelle, le Gouvernement compte-t-il établir un contrat de performance entre l'État et l'ANR, ainsi que le préconisent l'ANR elle-même et la Cour des comptes ?

Au-delà de ces questions fondamentales pour l'équilibre de la recherche française, je souhaite appeler votre attention, madame la ministre, sur certaines difficultés rencontrées par les organismes de recherche, et d'abord sur le problème récurrent de la réserve de précaution. Les établissements publics scientifiques et technologiques continueront-ils à bénéficier du taux réduit de mise en réserve ? Envisagez-vous d'en faire bénéficier l'ANR ? Qu'en sera-t-il pour les établissements publics à caractère industriel et commercial ?

Je veux aussi revenir sur les difficultés liées aux modalités de calcul des coûts de gestion induits pour les établissements hébergeurs des projets dans le cadre des contrats signés avec l'ANR. Pour financer ces projets, les établissements doivent prélever une partie des sommes nécessaires sur la subvention de l'État. D'autre part, l'augmentation des financements sur projets s'est accompagnée d'une augmentation, non compensée, de leurs charges fixes supplémentaires. Augmenterez-vous la part des frais généraux de gestion et celle du préciput, comme le demandent nombre d'organismes ? Avez-vous engagé une réflexion sur un passage en coûts complets de l'ensemble du système de recherche français ? Que pensez-vous de la proposition de la Cour des comptes d'élargir le volume des frais généraux éligibles aux financements sur projets par référence aux taux fixés par l'Union européenne ?

Je veux également appeler votre attention sur la situation du Centre national d'études spatiales (CNES), de l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFPEN) et du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies nouvelles (CEA). Les crédits alloués au CNES sont en baisse en 2013 et 2014 : est-il envisageable de maintenir, pour cet organisme, le taux réduit applicable au calcul de la réserve de précaution pour 2014 ? Entendez-vous reconsidérer la dotation et le taux de réserve de l'IFPEN ? S'agissant enfin du CEA, avez-vous anticipé une augmentation de crédits au titre du financement du démantèlement et de l'assainissement de ses installations nucléaires ?

M. Christophe Borgel, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques pour la recherche industrielle. Dans un contexte budgétaire contraint, la préservation des crédits du programme 192 illustre une volonté claire, de la part du Gouvernement, de soutenir la recherche et l'innovation industrielles, et d'assurer l'indispensable transfert de la première à la seconde.

On peut en particulier souligner l'augmentation de 2 %, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, de l'action n° 2, « Soutien et diffusion de l'innovation technologique », et le maintien du dispositif en faveur des jeunes entreprises innovantes : non seulement ce dispositif est prolongé jusqu'à la fin de 2016, alors qu'il devait s'éteindre à la fin de 2013, mais l'exonération de cotisations patronales, pendant les sept années prévues, sera totale et non dégressive. Notons aussi l'augmentation de 5 % en autorisations d'engagement et de 7 % en crédits de paiement de l'action n° 3, « Soutien de la recherche industrielle stratégique », qui inclut notamment les projets développés par les pôles de compétitivité et le programme « Nano 2017 ». Le développement de la recherche industrielle et de l'innovation, indispensable à la reconstruction d'un appareil productif en France, est donc au coeur de ce budget.

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