Intervention de Isabelle Attard

Réunion du 24 octobre 2013 à 15h00
Commission élargie : recherche et enseignement supérieur

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Attard :

Nous nous réjouissons de la légère augmentation de ce budget, parmi les rares à être préservés de l'austérité générale.

Nous vous félicitons, madame la ministre, d'avoir tenu votre engagement de revaloriser les bourses universitaires. La création d'un échelon « 0 bis » pour les étudiants qui ne bénéficiaient que d'une simple exonération des frais d'inscription est une mesure de justice sociale. De même pour la création d'un échelon 7 qui concerne environ 30 000 boursiers. Nous regrettons cependant que cette aide directe aux étudiants les plus démunis – soit un quart d'entre eux – se fasse au détriment des aides indirectes pour la restauration universitaire, le logement étudiant, la santé, les activités associatives, culturelles et sportives. La dotation du CNOUS est en effet en diminution, alors que ces aides indirectes concernent tous les étudiants.

Pour évaluer l'investissement dans l'enseignement supérieur, on peut se référer à la dépense intérieure d'éducation (DIE) qui regroupe les dépenses du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ainsi que certaines dépenses des autres ministères, des collectivités locales, des entreprises et des ménages. Pour 2012, la DIE était de 28,7 milliards d'euros. Rapportée au nombre d'étudiants, cela fait une dépense moyenne par étudiant de 11 740 euros. Ce montant cache toutefois de profondes disparités : 10 940 euros pour un étudiant à l'université contre 15 020 euros pour un étudiant en classe préparatoire aux grandes écoles. Cette disparité est accrue par le fait que, pour un étudiant à l'université, la DIE comprend l'argent donné aux universités pour leur mission de recherche, ce qui n'est pas le cas pour les étudiants en classe préparatoire.

Ce choix délibéré d'investir bienplus dans les classes préparatoires nous pose un grave problème. Le système français est bien assez élitiste sans que l'on cherche à aggraver la situation. Or, nombre de nos universités sont dans une situation catastrophique, et se voient dans l'obligation de supprimer des formations ou de renoncer à ouvrir des postes pourtant annoncés par le Gouvernement.

Dans ces conditions, comment allez-vous redorer l'image des universités françaises et attirer les milliers d'étudiants étrangers mentionnés dans votre projet de loi ? Si nos étudiants sont brillants, inventifs et volontaires, je comprends qu'ils partent nombreux vers les universités étrangères, plus agréables à vivre, et où ils seront libres et encouragés à explorer des territoires non conventionnels.

Nous estimons néanmoins que les avancées concernant les formations et la vie étudiante vont dans le bon sens, même si elles ne sont pas encore à la hauteur des besoins exprimés par les établissements. Il n'en est pas de même pour la recherche.

En effet, alors que les besoins en dotations pérennes ont été exprimés très clairement lors des assises de l'ESR, le PLF pour 2014 montre que la quasi-totalité des organismes de recherche devra encore une fois se serrer la ceinture. Le CNRS voit son budget diminuer de 0,5 % alors que la recherche spatiale, le CEA, la recherche duale, se portent très bien. Le budget du CEA, qui avait crû de 7 % l'an dernier, est à nouveau en hausse de 7,4 %, et équivaut à 58 % du budget du CNRS. Aussi comment allez-vous réellement encourager le CNRS dans ses missions de recherche publique ?

La politique d'appels à projets et de mise en concurrence généralisée n'a pas cessé, bien au contraire. Vous avez choisi de lancer le programme « Écosystème d'excellence » : une fois de plus, on reste dans la ligne du précédent gouvernement. Or, en 2012, vous souhaitiez « remettre à plat les programmes d'investissement » et « dissoudre les IDEX dans les structures qui remplaceraient les PRES ». Le système à deux vitesses est donc maintenu avec des organismes de recherche qui voient leurs budgets structurels baisser, et des crédits supplémentaires sur des appels à projets qui contribuent à mettre en concurrence les chercheurs et les organismes.

Enfin, la dépense liée au crédit d'impôt recherche représente 56,9 % du budget total de la recherche. Si l'on additionne la mission « Recherche et enseignement supérieur » au CIR, on obtient 16 milliards d'euros, dont 36 % sont dédiés à la recherche privée. Plus d'un tiers du financement public de la recherche est donc tourné vers la recherche privée. Si les caisses de l'État étaient pleines, si les laboratoires de recherche publique avaient de quoi fonctionner correctement et si le CIR avait démontré son efficacité comme levier pour stimuler les investissements privés de R & D, cette situation ne poserait pas forcément problème, mais en temps de rigueur budgétaire, un véritable débat public devrait être mené à ce sujet. Mais on voit bien que le CIR est intouchable au nom du pacte de compétitivité : malgré les fortes critiques émises de toutes parts, tous les amendements déposés à ce sujet ont été repoussés.

Madame la ministre, suivrez-vous les recommandations de la Cour des comptes et vous donnerez-vous les moyens de diminuer l'optimisation fiscale en matière de CIR ?

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