Intervention de Stéphane le Foll

Réunion du 22 octobre 2013 à 17h15
Commission des affaires économiques

Stéphane le Foll, ministre de l'Agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt :

Les négociations du cadre financier pluriannuel (CFP) ont été un élément déterminant de la réforme de la PAC. La stratégie française a été de lier la réforme de la PAC aux fonds de cohésion dans la négociation. Cela a notamment permis d'obtenir une revalorisation substantielle des propositions de la Commission européenne et de M. Van Rompuy et de préserver les aides reçues par la France par rapport à la période 2007-2013. Ainsi, en euros courants, la France a reçu 8 milliards d'euros d'aides directes du premier pilier en 2013 et recevra 7,7 milliards d'euros sur la période 2007-2014. De même, s'agissant des aides du développement rural du second pilier, la France a reçu en 2013 1,3 milliard d'euros - il faut noter qu'il s'agit d'un montant élevé, qui s'explique par le fait que l'on se situe à la fin d'un programme – et recevra en moyenne 1,4 milliard d'euros sur la période 2014-2020. Au total, la France percevra 9,1 milliards d'euros sur la période 2014-2020, contre 9,3 milliards d'euros sur la période 2007-2013. Cela représente donc une baisse de seulement 2 %. « Seulement » en effet, au regard des baisses plus importantes que connaît l'UE-15, -4 %, ou l'Allemagne, -7 %. C'est donc un budget préservé, ce que chacun s'accorde à reconnaître, y compris les organisations professionnelles.

Ce point éclairci, je voudrais maintenant vous décrire le résultat des négociations et vous préciser le contenu de cette PAC 2014-2020.

Le débat s'est d'abord articulé autour de deux sujets : le découplage et la convergence.

S'agissant du découplage d'abord, je me suis engagé depuis longtemps à tenter de conserver autant que possible un lien entre aide et production. La proposition initiale était d'allouer 10 % de l'enveloppe du premier pilier au couplage, ce qui correspondait au montant historique. Avec l'appui sans faille du Parlement européen, la France a réussi à obtenir 13 %, et même 15 % en comptant le couplage des protéagineux et les fourrages.

S'agissant de la convergence, l'objectif initial de la Commission était de parvenir à l'échelle européenne à la même aide à l'hectare, quels que soient la région ou le pays. Il existe un vrai consensus sur la nécessité de sortir des références historiques, qui datent des années 2000. Les droits à paiement unique (DPU) régionaux varient en effet de 150 à 450 hectares ! Et il ne s'agit que de moyennes régionales. Certains DPU atteignent les 2 000 euros l'hectare !

La convergence entraine donc un mouvement de redistribution massive des DPU les plus élevés en faveur des DPU les plus bas. Le paradoxe est que certaines productions qui connaissent des difficultés, notamment l'élevage laitier, disposent de DPU élevés. La convergence totale pénaliserait donc des secteurs que le Gouvernement souhaite aider.

Nous avons donc imaginé un second outil, que l'on appelle paiement redistributif, ou surprime aux premiers hectares. Il s'agit de surprimer les premiers hectares d'une exploitation, correspondant à la moyenne nationale de la taille des exploitations de chacun des Etats membres. En France, ce sera donc 52 hectares. Il faut noter que contrairement à certaines idées reçues, la France ne compte pas de très grandes exploitations, comme l'Allemagne ou l'Espagne. On ne dénombre pas plus de quelques centaines d'exploitations de plus de 500 hectares.

Le paiement redistributif permet de répondre à l'une des directives émises par le président de la République qui était de réorienter la PAC vers l'emploi. Dans le secteur de l'élevage, 100 hectares requièrent l'équivalent de deux unités de travail annuel (UTA), soit deux exploitants, tandis que la même surface en céréales peut être exploitée par une seule UTA. Le paiement redistributif permet donc, en favorisant les premiers hectares, de favoriser l'emploi.

De même, la transparence des GAEC (groupement agricole d'exploitation en commun) offre la garantie de conserver des chefs d'exploitations dans les exploitations collectives.

Je tiens à attirer l'attention de la représentation nationale sur le fait que le choix d'opter pour le paiement redistributif n'a pas été fait seulement par la France. L'Allemagne, la Bulgarie, la Roumanie ont annoncé qu'elles appliqueraient le principe de la surprime. D'autres pays y réfléchissent également.

Un autre enjeu de la réforme a incontestablement été le « verdissement » c'est-à-dire la transition vers une agriculture plus durable. Quand nous sommes arrivés au pouvoir, les objectifs en matière de verdissement étaient très bas et il y avait en outre une vraie tentation de renationalisation. Cela aurait entrainé une concurrence intra-européenne entre les pays selon les choix environnementaux qu'ils auraient été amenés à prendre. Je ne pouvais m'y résoudre. Nous nous sommes battus pour que le niveau de 30 % soit applicable à l'ensemble des pays de l'Union européenne. Cela permet notamment d'éviter l'écueil que l'on reproche souvent, et à raison, à la France de « surnormer ». Les trois mesures du verdissement sont la diversification des productions, c'est-à-dire la rotation des cultures, le maintien des prairies permanentes et 5 % de la surface agricole utile (SAU) aménagée en surface d'intérêt écologique (SIE).

Le président de la République a fait plusieurs annonces sur la mise en place nationale de la PAC en France, lors du sommet de l'élevage à Cournon d'Auvergne. Il a notamment indiqué que la convergence s'appliquerait à 70 % d'ici 2020, afin de ne pas déstabiliser certaines exploitations à fort DPU, qui sont souvent petites et d'élevage. En outre, une convergence trop rapide aurait fait courir le risque d'une spécialisation des cultures et production par région, en fonction du seul avantage comparatif local. Or, s'il est bien une chose à laquelle nous tenons, c'est au maintien de la diversité agricole sur l'ensemble du territoire.

S'agissant du niveau de couplage, la France a opté pour les niveaux maximaux de 13 % pour les filières animales, et de 2 % pour les filières de protéines végétales.

Le verdissement ne sera pas calculé selon une base forfaitaire mais exploitation par exploitation, pour favoriser une vraie transition vers le modèle agroécologique.

L'indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN) sera revalorisée, afin d'encourager le maintien d'une activité agricole y compris dans les zones défavorisées. L'ICHN devrait par ailleurs fusionnée avec la prime herbagère agroenvironnementale (PHAE). Cela permettra de simplifier significativement les procédures pour les éleveurs. Il reste encore à arbitrer ce qu'il adviendra de la PHAE dans les zones non couvertes par l'ICHN.

S'agissant des mesures agroenvironnementales (MAE), nous allons faire évoluer ce dispositif pour lui donner une dimension systémique. En effet, il s'agit de permettre aux agriculteurs d'anticiper les évolutions nécessaires vers des modèles de production plus vertueux. Ce point est actuellement en cours de négociation avec les organisations professionnelles.

Je voudrais vous présenter encore quelques mesures s'agissant du premier pilier.

La France va engager 1 % de l'enveloppe financière du premier pilier pour des actions en faveur des jeunes agriculteurs. Cela représente près de 80 millions d'euros.

La France va également profiter de la possibilité ouverte de financer une partie de l'assurance récolte. Une partie des régions françaises a connu des aléas climatiques majeurs. Il faut être en mesure d'assurer une certaine mutualisation interrégionale. Les agriculteurs qui subissent ce type d'aléas peuvent connaître des difficultés financières terribles qui remettent en question la viabilité économique de l'exploitation.

Enfin, la France va transférer une partie des fonds du premier pilier vers le deuxième pilier afin d'engager un grand plan d'investissement en faveur des bâtiments d'élevage. Ce plan aura pour objectif d'améliorer les conditions de travail des éleveurs et le bien-être des animaux d'élevage, mais également d'encourager une meilleure performance énergétique des bâtiments. Ce dernier enjeu est la fois écologique et économique. Le plan d'investissement est en phase de finalisation avec les organisations professionnelles.

Je voudrais revenir brièvement sur la meilleure répartition des aides. Celle-ci intervient à plusieurs niveaux : le milliard d'euros qui est redistribué en faveur de l'élevage, le paiement redistributif, à hauteur de 20 % de l'enveloppe du premier pilier – 1,5 milliard d'euros – qui profite à tous les types d'exploitation, le verdissement – au niveau des deux piliers, même s'il reste encore questions à régler, s'agissant par exemple du maïs monoculture dans le Sud-ouest ou en Alsace.

Je veux insister sur la nécessité de favoriser la diversité agricole, le potentiel productif et environnemental des exploitations, le maintien des exploitants agricoles.

Lors d'un récent voyage officiel en Afrique du Sud avec le président de la République, j'ai pu visiter une exploitation laitière près de Durban. Dans ce pays, l'activité laitière est extrêmement concentrée et les fermes oscillent entre 5 000 et 10 000 vaches. Pour financer ces investissements, il faut une rentabilité du capital. Je le dis au passage, il est de l'ordre de 15 % aujourd'hui en Afrique du sud, ce qui fait que le prix du lait en Afrique du sud est largement supérieur à celui qu'on a aujourd'hui en Europe. J'en tire une conclusion : si on allait vers l'industrialisation de l'agriculture, ce qui peut nous pendre au nez – je l'ai bien vu avec le débat sur l'exploitation des mille vaches – c'est de faire de la production laitière sans agriculture. Ça peut exister, certains peuvent être tentés d'aller vers là. Nous au contraire, il faut qu'on affirme que pour l'agriculture d'aujourd'hui comme pour celle de demain, nous souhaitons, à la tête des exploitations agricoles, des chefs d'exploitation, des agriculteurs, des éleveurs et des paysans. Voilà ce que je pouvais vous dire en introduction.

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