Intervention de Marie-Arlette Carlotti

Réunion du 29 octobre 2013 à 9h00
Commission élargie : solidarité, insertion et égalité des chances

Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusio :

Cela vient d'être souligné, dans la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », deux programmes intéressent particulièrement mon champ ministériel : le programme 157 « Handicap et dépendance » et le programme 304 « Lutte contre la pauvreté ».

Vous l'avez dit, monsieur Charroux, sur 13,6 milliards d'euros, 11,4 milliards sont affectés au programme 157, 75 % de cette somme étant réservés à l'AAH. Plus d'un million d'allocataires sont donc concernés. Les crédits inscrits au programme 304 s'élèvent à 575,4 millions d'euros, 95 % revenant au Fonds national des solidarités actives permettant de financer, en particulier, le RSA activité.

Je tiens à réaffirmer devant vous l'engagement de l'État auprès des personnes fragiles et des ménages en difficulté : il n'est pas question de ne pas verser le RSA activité à un allocataire. Cette dépense obligatoire sera, bien évidemment, assurée. Comme vous l'avez souligné, le Fonds national des solidarités actives est financé via deux recettes. La contribution additionnelle – prélèvements sociaux sur le capital : assurances-vie, portefeuilles d'actions, revenus fonciers – dont le taux est passé, dans la loi de finance rectificative de juillet 2012, de 1,1 à 1,45 %, permet de pérenniser le financement de la prime de Noël, entre autres, donc son versement à tous les allocataires. La contribution d'équilibre est inscrite au programme 304 « Lutte contre la pauvreté ». Elle est, cette année, en augmentation de 45,86 % par rapport à la loi de finances initiale de 2013. Le manque à gagner ne sera a priori pas substantiel. J'ai entendu dire qu'il serait de l'ordre de 90 millions d'euros. Nous n'avons, aujourd'hui, aucune certitude en la matière, car les administrations étudient ces chiffres. Mais tout est organisé pour que la source de financement qui rapportera le moins soit compensée par l'autre.

M. Charroux et M. Sirugue m'ont interrogée sur l'aide alimentaire européenne. Les parlementaires français et européens ainsi que les associations se sont beaucoup battus, avec nous, pour la sauver. Le montant affecté au volet national de l'aide alimentaire dans le projet de loi de finances pour 2014 s'élève à 23,382 millions d'euros. Il est, vous l'avez signalé, en hausse de 1,75 % par rapport à la loi de finances initiale de 2013. Cette hausse représente un effort important dans le contexte actuel, vous l'avez souligné, monsieur Sirugue. Cela prouve à quel point la France soutient l'aide alimentaire et tous ses acteurs. Nous avons fait le choix de consacrer le FEAD à l'aide alimentaire. Les discussions sont en cours au sein de l'Union européenne. Le montant de la dotation française n'est donc pas encore fixé. Je peux, d'ores et déjà, annoncer qu'il sera supérieur à ce qu'on pensait au départ. Les efforts conjugués du Président de la République, au niveau européen, du ministre Repentin et de tous les parlementaires ont finalement payé. Ce qui ne devait plus exister est donc sauvé. Nous devrions en connaître le montant normalement d'ici à fin novembre, lorsque le Parlement européen se sera prononcé par un vote définitif, mais tout laisse à penser qu'il sera identique à celui des années précédentes.

Au niveau national, la mise en place du programme opérationnel du FEAD est en cours de finalisation. Nous avons voulu avancer très vite en la matière afin d'éviter toute rupture de stock, donc tout arrêt de l'aide alimentaire. Nous avons agi avec nos partenaires associatifs pour assurer une flexibilité et éviter une démarche administrative lourde, s'agissant des fonds européens. J'appelle votre attention sur le fait que l'établissement FranceAgriMer, qui joue le rôle de gros acheteur, restera le partenaire traditionnel et principal des associations qui apprécient son travail. Nous nous sommes bien battus dans ce domaine. Nous devrons toutefois surveiller la distribution de l'aide alimentaire. Nous avons pris rendez-vous avec toutes les associations pour en poser les bases et pour lutter contre le gaspillage. Le ministre Garot a évoqué cette piste. Nous y travaillerons dans les années qui viennent. Cette année, nous assurerons le relais. Il n'y aura donc pas d'interruption de l'aide alimentaire comme nous le craignions.

Vous considérez, monsieur Charroux, que l'AAH est sous-budgétisée. Les crédits qui lui sont affectés dans le projet de loi de finances pour 2014 sont de 8 648 millions d'euros, en hausse de 3,02 % par rapport à la loi de finances initiale de 2013, en raison quasiment exclusivement de l'augmentation prévue de plus d'un million du nombre d'allocataires en 2014. Cette augmentation est plutôt moindre que celles de 2012 et 2013, notamment pour la tranche la plus haute.

Nous ne pouvons bien sûr pas nous contenter de constater que, malheureusement, de plus en plus de nos concitoyens tombent dans le régime de solidarité. Comme vous le souhaitez, nous voulons mieux accompagner vers l'autonomie et l'insertion. Mme Carrillon-Couvreur a parlé également de l'importance d'insérer dans la société et d'accompagner les parcours.

Nous avons pris des engagements en ce sens. Nous agissons dès la petite enfance, à l'école, avec les assistants de vie scolaire. Dans le cadre de la circulaire du Premier ministre, que nous devons faire appliquer avec le plus de précautions possible, il devra y avoir un volet handicap dans chaque loi. Quant au comité interministériel du handicap, il dégage des pistes que nous devons suivre sur l'accès à l'emploi, en accompagnant la négociation des partenaires sociaux même s'ils restent maîtres de cette négociation.

Monsieur Sirugue, je vous ai répondu sur le FEAD.

Pour le RSA activité, 575,4 millions d'euros vont abonder cette ligne cette année. Vous avez rappelé que le Gouvernement avait revalorisé le RSA socle et que, de manière complémentaire, le RSA activité allait monter. Je suis très fière de ce que nous avons fait, grâce au travail que nous avons réalisé avec vous, les parlementaires. Il y avait un dangereux décrochage du RSA socle par rapport au SMIC. Ce n'est pas de l'assistanat, c'est vraiment de la solidarité. Une augmentation de 2 % chaque année au 1er septembre pendant cinq ans, c'est le moins que nous puissions faire. Dans le budget contraint que nous avons, c'est extrêmement important.

Cela signifie qu'en matière de lutte contre la pauvreté et en temps de crise, avec une situation extrêmement dure, nous gardons le cap de la solidarité. Il ne faut pas opposer, comme on l'a trop souvent fait en France, les actifs aux inactifs. C'est la raison pour laquelle, pour réformer le RSA activité et la prime pour l'emploi, je veux me fonder sur les travaux que vous avez menés. Les deux mécanismes ont montré qu'ils étaient au bout et qu'il était urgent de passer à autre chose.

J'ai vu les propositions que vous avez faites. On disait que certains resteraient sur le côté du chemin. Nous avons fait marcher les machines et travailler nos cerveaux et notre humanité. Le dispositif est prêt. Une étude approfondie est cependant encore en cours sur la finalisation de la trajectoire financière de la réforme. Où allons-nous financièrement ? J'aimerais que ce soient vos chiffres qui soient retenus, mais nous n'avons pas encore l'arbitrage. Il aura lieu dans le cadre de l'élaboration du plan triennal 2015-2017, afin que le dispositif soit opérationnel au début de 2015. Je souhaite donc que nous continuions à travailler ensemble sur cette question.

Vous avez évoqué le RSA Mayotte. Le Gouvernement a fait un gros effort en 2013 puisque son montant a été revalorisé exceptionnellement à 37,5 % du montant métropolitain. La revalorisation exceptionnelle de 2 % a été également appliquée à Mayotte, c'est normal mais je préférais le signaler, et le plan de rattrapage à 50 % du montant métropolitain se poursuit en 2014.

Madame Carrillon-Couvreur, vous connaissez très bien la question du handicap et celle de la solidarité. Vous êtes présidente du CNCPH, vous avez un rôle actif. Oui, je partage votre approche sur le parcours et l'accompagnement de la personne en situation de handicap.

Nous avons aujourd'hui 119 211 places autorisées en ESAT. Pour la deuxième année consécutive, après cinq années de mesures d'économies, le Gouvernement choisit de valoriser l'existant plutôt que de créer des places au détriment de la qualité de prise en charge. Les responsables des ESAT ayant souligné que la qualité de la prise en charge était mise en cause, nous avons décidé de l'améliorer. En 2014, plus de 10 millions d'euros seront consacrés à la revalorisation de la masse salariale, pour accompagner les salariés, parce que ce sont des gens compétents, dont les salaires sont les plus bas du monde médico-social. L'année 2014 sera donc importante. Je veux rétablir un haut niveau de confiance entre les gestionnaires des ESAT et l'État, et il est très important que nous retravaillions ensemble sur ce point.

Les ESAT sont des structures aujourd'hui financées par l'État, et ce dernier tient à maintenir un financement satisfaisant. L'investissement a donc également augmenté de manière assez significative, passant de 1 million d'euros en 2012 à 2,5 millions en 2013 et 3,5 millions en 2014. Nous continuons à soutenir ce secteur d'activité.

En outre, les ESAT constitueront une priorité dans la réforme de la tarification des établissements médico-sociaux que nous préparons, dans laquelle ils seront inclus. Nous pourrons faire des propositions dans le cadre de la modernisation des politiques publiques. Dans ce contexte, la création de places cette année n'est pas envisageable.

Vous posez des questions très précises, qui montrent que vous connaissez le parcours personnel des personnes en situation de handicap, c'est-à-dire, pour l'éligibilité à l'AAH, un réexamen des dossiers tous les deux ans.

Vous avez raison, cela dérange beaucoup, mais cela ne me paraît pas trop fréquent. Nous devons pouvoir assurer un accompagnement de qualité aux allocataires, depuis leur première demande jusqu'à la sortie, qu'il faut pouvoir anticiper et faciliter. C'est l'objectif de ce réexamen, qui doit éviter les ruptures de droit et les moments de quasi-abandon de ces allocataires. En le faisant plus régulièrement on est plus près d'eux, au-delà des tracasseries administratives que vous évoquiez.

Je sais aussi que les équipes des MDPH gèrent de nombreuses demandes et sont parfois débordées. Il y a d'ailleurs une disparité dans le fonctionnement des MDPH d'un département à l'autre. C'est la raison pour laquelle les procédures de demande seront facilitées, avec l'appui du secrétaire général à la modernisation de l'action publique. Nous allons d'abord assurer très rapidement le suivi internet des dossiers et dématérialiser, ce qui nous permettra d'augmenter la réactivité de la prise en charge et de faciliter le travail des MDPH. Il y aura ensuite, comme vous le préconisez, un dossier simplifié dès la première demande adressée à la MDPH. Nous sommes en train d'y travailler et il sera prêt au premier semestre 2014. Je crois que cela facilitera vraiment la vie des usagers et des équipes.

Michèle Delaunay répondra à la question relative aux personnes handicapées vieillissantes. Nous travaillons ensemble. C'est un phénomène de société que nous n'avons pas assez pris en considération par le passé, qui est extrêmement important. Pour les 3 000 ou 4 000 places qui seront créées cette année, en fonction des appels à projet, j'essaie d'opérer un rééquilibrage en tenant compte des projets concernant les personnes handicapées vieillissantes. Nous avons mis en place un groupe de travail avec Patrick Gohet, qui nous donnera ses préconisations prochainement et viendra rendre compte devant vous mais aussi devant le CNCPH. Je pense que Mme Delaunay complétera mes réponses.

Madame Valter, il y a un ministre chargé l'économie sociale et solidaire : Benoît Hamon. Les entreprises adaptées relèvent à la fois du secteur économique et de la solidarité et du secteur social, et elles sont très importantes.

Sur la ligne 304, ce sont 5,7 millions d'euros qui sont consacrés à l'économie sociale et solidaire. Les entreprises sont soumises à une évaluation de la modernisation de l'action publique, évaluation qui montre d'ores et déjà que la transversalité doit rester entière entre l'emploi, le social et l'économie. Il faut donner de la force économique mais garder le lien social de ces entreprises.

Vous parliez d'un ancrage administratif à Bercy. Cela paraît logique car c'est une administration qui a les compétences juridiques pour inclure le secteur de l'économie sociale et solidaire au coeur de l'économie, mais il n'y a encore eu aucun arbitrage.

Au-delà du projet de loi que présente Benoît Hamon, que vous aurez à nouveau à examiner, les entreprises de l'économie sociale et solidaire ont bien entendu accès au crédit d'impôt recherche ainsi qu'aux aides aux jeunes entreprises innovantes, si elles répondent à ce critère, et elles peuvent émarger à la Banque publique d'investissement comme les autres entreprises. La Banque publique d'investissement doit être pleinement mobilisée et, comme vous le souligniez, avoir, pour financer l'économie sociale et solidaire, des produits qui financent l'économie dans sa diversité.

Je vous suis donc sur ce point mais Benoît Hamon serait plus à même de répondre à toutes ces questions puisqu'il est justement le ministre de l'économie sociale et solidaire. C'est important symboliquement mais il fera aussi largement avancer le secteur grâce à son projet de loi.

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