Intervention de Marie-Christine Dalloz

Réunion du 29 octobre 2013 à 9h00
Commission élargie : solidarité, insertion et égalité des chances

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Christine Dalloz, présidente :

Je souhaite poser, au nom de la commission des finances, deux questions sur le financement du revenu de solidarité active en 2014. L'article 8 du PLFSS prévoyait une hausse de 109 millions d'euros pour l'équilibre du financement du Fonds national de solidarité active, avec l'affectation d'une partie du produit de la contribution additionnelle aux revenus du patrimoine. Le Gouvernement a annoncé, dimanche 27 octobre, qu'il renonçait, pour l'essentiel, à la modification du rendement des contributions sociales sur les plans d'épargne logement, l'épargne salariale, les PEA. Il en résulte une perte de recettes conséquente pour le financement du FNSA, de plusieurs dizaines de millions d'euros.

Vous avez annoncé que vos services faisaient les calculs. Je crois qu'ils seront assez vite faits ; il y aura de toute façon un manque à gagner. Comment le Gouvernement compte-t-il assurer en 2014 l'équilibre financier du FNSA, le financement du RSA activité, de la prime de Noël et des autres charges du Fonds ?

Ma seconde question porte sur l'allocation aux adultes handicapés. Vous avez annoncé que la prévision pour 2014 faisait état de plus d'un million d'allocataires supplémentaires. La projection de dépenses en 2013 pour l'AAH n'a pas été transmise. Cette situation va probablement nécessiter un abondement de crédits en gestion. Comment comptez-vous procéder, à la fois sur le bouclage de 2013 et la prévision pour 2014 ?

Je vais à présent donner la parole aux porte-parole des groupes.

Mme Martine Pinville, pour le groupe SRC. Je tiens à saluer un budget soutenu du fait de sa progression.

Dans un contexte de redressement des comptes publics, nous devons, à l'occasion de ce projet de loi de finances, mettre en des politiques publiques volontaristes de solidarité et de cohésion sociale.

Ce budget correspond à notre souci de répondre à l'urgence sociale, de structurer notre politique de solidarité sur le long terme, de nous mettre en conformité avec les grands objectifs du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale présenté par Marie-Arlette Carlotti et adopté lors du comité interministériel de lutte contre l'exclusion du 21 janvier 2013.

En forte augmentation, le programme 304, « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales », marque bien cette volonté politique. Cela s'explique par l'accroissement des bénéficiaires, cela a été dit, mais également par le coup de pouce donné au RSA, plus 2 % au 1er septembre 2013, et par la volonté de gagner 10 % en sus de l'inflation d'ici à 2017.

Au sein de ce même programme 304, 5 millions d'euros sont destinés à des actions tendant à financer le développement de l'économie sociale et solidaire, à favoriser l'émergence de nouveaux modèles économiques de développement et à encourager l'expérimentation.

Cette volonté se traduira dans le cadre d'une loi visant à la reconnaissance et au développement de l'économie sociale en lui assurant une meilleure visibilité. Ce texte important concernera le secteur des personnes âgées et des personnes handicapées : notre commission des affaires sociales doit y être étroitement associée.

Le programme 157, en direction des personnes âgées, concerne le développement de la politique de bientraitance. C'est un petit budget, légèrement en baisse : il sera important que nous y revenions dans le cadre du projet de loi d'orientation et de programmation pour l'adaptation de la société au vieillissement.

Le programme 106, en faveur de l'accompagnement des jeunes et des familles vulnérables, passe de 15 à 9 millions d'euros. Cette baisse s'explique par la réforme de la gouvernance du soutien à la parentalité et le doublement des moyens de la branche famille pour ce soutien, décidés par le Gouvernement. La branche famille devient l'acteur principal et le programme 106 évolue en conséquence. Les réseaux d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents, les REAAP, et les dispositifs de médiation familiale disparaissent donc de ce programme. Je souhaite que nous assurions le suivi des moyens attribués au soutien à la parentalité dans le vaste champ de la branche famille.

M. Jean-Louis Costes, pour le groupe UMP. Le budget de cette mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est important puisqu'il traduit directement l'application de la solidarité nationale, dont on parle si souvent. Ce budget augmente cette année de 400 millions d'euros.

Le Gouvernement affirme vouloir insuffler un nouvel élan à la politique du handicap, mais quelle est sa stratégie en la matière ? Le précédent gouvernement avait – le rapporteur l'a confirmé – décidé d'augmenter l'AAH de 25 % sur les cinq dernières années. Or, cette année, l'augmentation est limitée à 1,75 %.

Mme la ministre a déjà répondu à la question que je souhaitais poser sur la création de places en ESAT en indiquant qu'il n'y en aurait pas cette année, mais simplement des valorisations des places existantes. Nous aimerions que vous reveniez sur une décision que nous déplorons car il s'agit d'un sujet extrêmement douloureux dans certains territoires.

Il est question depuis plusieurs années d'une réforme, très attendue, de la dépendance. Mme la présidente de la commission en a encore parlé dans son propos introductif. Nous insistons sur la nécessité impérieuse de cette grande réforme, tant pour les personnes concernées qu'eu égard à la situation financière des départements, extrêmement contrainte.

En ce qui concerne l'aide aux familles vulnérables, il est bien évident que la protection des enfants et des adultes vulnérables doit être soutenue par la solidarité nationale.

On peut toutefois regretter les orientations du Gouvernement en matière de politique familiale. Depuis deux ans, on revient petit à petit sur un certain nombre d'acquis et sur le consensus qui existait depuis la Seconde guerre mondiale sur cette politique : baisse du quotient familial, l'an dernier, et diminution importante, dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale de cette année, de la prestation d'accueil du jeune enfant, qui entraînera sa disparition pour 300 000 à 400 000 familles françaises.

En ce qui concerne l'égalité entre les hommes et les femmes, les crédits sont en baisse de 1,5 %. Globalement, on est dans la continuité de ce qui avait été engagé par le précédent gouvernement, que ce soit sur la place des femmes dans la fonction publique ou les violences faites aux femmes – on en est au quatrième plan en la matière. Ce budget s'inscrit dans la politique du gouvernement précédent.

Vous insistez, madame la ministre, sur la lutte contre la prostitution. Nous aimerions avoir quelques informations sur les modalités de l'action que vous souhaitez engager.

De façon plus générale, doit-on se réjouir de l'augmentation des crédits, de 400 millions d'euros, lorsqu'il s'agit de lutter contre la pauvreté ? Des dépenses supplémentaires dans ce domaine ne prouvent-elles pas simplement que notre pays va mal ? S'agissant de l'augmentation du nombre de bénéficiaires, j'avais le chiffre de 7 % mais le rapporteur a parlé de 10 % entre 2012 et 2013. Cela va s'accélérer : les chiffres du chômage, tout le monde le sait, ne sont pas bons. Si la pauvreté s'aggrave, c'est tout simplement parce que l'économie va mal, et même très mal.

Les ministres ont beau le nier, ce résultat est la conséquence d'une politique qui asphyxie notre économie. Je rappelle qu'en 2013 4 milliards d'euros de charges supplémentaires ont handicapé la compétitivité de nos entreprises. À cela s'ajouteront, en 2014, les 12 milliards qui seront ponctionnés sur les ménages et réduiront donc leur pouvoir d'achat.

Où en est la refondation de la lutte contre la pauvreté dont parlait l'an dernier Mme Carlotti, répondant à une question de ma collègue Marianne Dubois ?

Pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, le groupe UMP ne saurait cautionner la politique du Gouvernement dans ce domaine et il votera par conséquent contre ce budget.

M. Arnaud Richard, pour le groupe UDI. La France prend-elle véritablement le chemin d'un nouveau modèle de croissance qui intègre l'exigence de justice et de solidarité ? Telle est la question fondamentale à se poser au regard de cette mission budgétaire, qui revêt, plus que jamais, une importance toute particulière. Il s'agit, en effet, de notre cordon sanitaire national, mais aussi d'un filet de sécurité qui couvre tous les espaces de notre territoire. Cette mission illustre des politiques publiques qui entremêlent les interventions d'acteurs publics nationaux et locaux. Au total, elle pèse infiniment plus que son poids budgétaire. Faut-il s'en réjouir ou s'en inquiéter ? Nous sommes là, en tout cas, dans l'ultime épaisseur de la trame sociale, après l'on en sort, sauvé ou oublié.

Cette ultime étape du recours public, c'est l'expression essentielle d'un projet de société, selon l'orientation qui est donnée.

Fait significatif, après plusieurs années consécutives de croissance, ce projet de budget enregistre une nouvelle progression, mais deux fois moins élevée que de 2012 à 2013. Dans une période où toutes les solidarités actives, si l'on peut dire, doivent être mobilisées, cet affichage est surprenant, comme si, au fond, le Gouvernement considérait que nous sommes sortis de la crise et de son cortège de conséquences sociales. Partagez-vous ce sentiment, mesdames les ministres ?

L'essentiel de cette mission, c'est le financement du RSA, qui représente la quasi-totalité du programme 304. Avec une revalorisation exceptionnelle de 2 % par an, ce PLF nous propose non pas des solutions mais des facilités de gestion de la crise. À moins que vous nous annonciez une réforme du dispositif et de ses modalités de mise en oeuvre ? Je ne la vois pas : rien n'annonce l'indispensable réforme du RSA, lequel ne permet ni de réduire la pauvreté ni de réinsérer les chômeurs, notamment les plus jeunes d'entre eux.

J'en viens au volet jeunesse de cette mission. Depuis le début de la législature, le groupe UDI réclame pour la jeunesse un grand plan, cohérent et puissant, visant à l'insertion massive et durable des jeunes sur le marché du travail, un grand « plan jeunesse » qui concentrerait l'effort national sur cette priorité absolue, pour mieux accompagner nos jeunes et mieux les orienter, pour porter toute notre attention sur les plus fragiles et les plus pauvres d'entre eux.

Nous sommes donc surpris de voir réduit le programme 124, alors qu'il est l'outil de l'intégration dans notre société d'une jeunesse mieux encadrée, mieux sollicitée par des activités d'ouverture, sport ou culture. Comment expliquez-vous la baisse de ces crédits de paiement ?

Mon ultime question porte sur nos minima sociaux. Il nous semble qu'une fois encore une occasion a été manquée de réfléchir à une réforme de ce système complexe, qui concerne près de six millions de nos compatriotes, avec des différences géographiques importantes. Il y a d'ailleurs là une problématique fondamentale d'accès aux droits. Malheureusement, face à la nécessité de trancher ce noeud gordien que constituent les minima sociaux dans notre pays, rien n'est fait ; le Gouvernement ne propose que des pseudo-plans de simplification, qui ne feront pas mentir ce constat.

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » passe une fois encore à côté d'un projet structurant qui repense notre pacte social et le relie à l'impératif de compétitivité. Celui-ci était pourtant nécessaire, à un moment charnière de notre histoire, où nous devons, face à la crise, tenir nos engagements européens sans pour autant laisser au bord de la route une partie de la population.

Vous comprendrez que le groupe UDI ne votera pas les crédits de cette mission.

M. Christophe Cavard, pour le groupe écologiste. Le groupe écologiste tient à saluer le budget de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » qui est en phase avec les annonces du Gouvernement, soutenu par notre majorité, dans le cadre de la lutte contre la pauvreté.

Cette lutte, importante dans le contexte que nous connaissons, est liée, me semble-t-il, à ce que l'on appelle l'autonomie financière de nos concitoyens, qui passe évidemment par l'emploi ; j'y reviendrai en abordant l'économie sociale et solidaire.

Nous tenons également à saluer la prise en compte des besoins pour les personnes en situation de handicap, même s'il reste la question des places en ESAT. Vous l'avez dit, madame la ministre, dans le cadre des contraintes budgétaires, la réflexion se poursuit, mais il est évident que les personnes en attente de places auront besoin d'y voir plus clair.

Je tiens aussi à saluer les crédits pour le programme « Égalité entre les femmes et les hommes », notamment les 2,4 millions d'euros consacrés à la lutte contre la traite des humains dans le cadre de la prostitution.

Cela a été rappelé tout à l'heure au sujet du programme 304, la revalorisation du RSA – à raison de 2 % par an, en plus des traditionnelles revalorisations du 1er janvier –, est un symbole fort, mais ce sera surtout une réalité concrète, ce minimum social concernant un nombre de plus en plus grand de nos concitoyens. Demeurent un certain nombre de questions sur le financement du fonds lui-même, ainsi que sur les mécanismes de compensation pour les départements, qui jouent un grand rôle dans les politiques d'insertion. Ce ne sont pas des politiques de guichet, mais de vraies politiques, menées par ces collectivités, en lien avec l'État, auprès de personnes en situation de fragilité.

Je salue les crédits de l'action « Aide alimentaire » – certes essentiellement tournée vers la gestion de FranceAgriMer –, qui sont très attendus au vu du contexte actuel.

Quant à l'action « Économie sociale et solidaire », évoquée précédemment par Mme Valter, on peut se demander s'il ne faudrait pas l'inscrire dans les programmes économiques, sachant que la commission des affaires économiques a traité ces dossiers. Elle constitue en effet un programme de développement économique à part entière. Cette année est particulière, puisqu'un projet de loi sur l'économie sociale et solidaire nous sera présenté, avec l'ambition de relancer ce secteur, auquel environ 5 millions d'euros de crédits sont alloués. Nous pourrions discuter de leur augmentation car des moyens supplémentaires seraient nécessaires afin de porter ces crédits à la hauteur du montant qui était alloué à cette action il y a quelque temps.

Les règles budgétaires nous obligent à redéployer des crédits d'une manière qui n'est peut-être pas adaptée à la réalité de l'économie sociale. J'en ferai la démonstration par le biais d'un amendement déposé au nom de mon groupe : l'économie sociale et solidaire n'a sans doute pas toute la place qu'elle doit avoir au sein de cette mission. L'enjeu me semble pourtant primordial : dans le cadre de la solidarité, c'est l'autonomie financière qu'il faut soutenir avant tout. Or nous sommes persuadés que l'économie sociale et solidaire peut créer un certain nombre d'emplois nouveaux, qui permettraient de diminuer le recours aux minima sociaux et aux dispositifs de solidarité dont nous discutons depuis tout à l'heure.

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