Intervention de Thierry Repentin

Séance en hémicycle du 29 octobre 2013 à 21h30
Loi de finances pour 2014 — Débat sur les enjeux budgétaires européens

Thierry Repentin, ministre délégué :

La dimension sociale de l’Union économique et monétaire – et je finirai par le sujet de Lampedusa – est vraiment celle qui a été oubliée au cours des dernières années. Je ne suis pas là pour être le porte-parole de ce qui a été fait, mais plutôt celui de ce que nous souhaitons faire, après le changement de majorité.

Cette dimension sociale, madame la présidente Guigou, est tout à la fois une exigence sociale, un impératif politique et une nécessité économique pour la zone euro. Il est important de démontrer que l’action de l’Union contribue à protéger et à faire avancer les droits sociaux. Si nous n’y arrivons pas, les peuples rejetteront l’intégration de l’Union économique et monétaire. La Commission, répondant à une demande de la France, a présenté une communication sur la dimension sociale de l’UEM la semaine dernière. C’était la première fois que cela arrivait. Cela n’a pas été facile : le président de la Commission lui-même n’y était pas très favorable, vous l’avez rappelé. Sur la base de cette communication du 24 et 25 octobre a été décidé de travailler d’ores et déjà à la mise en place d’un tableau de bord social, qui permettra d’intégrer pleinement dès 2014 un diagnostic social dans le semestre européen, afin que les analyses de la situation des États membres ne reposent plus exclusivement sur la seule dimension économique.

Nous sommes également très favorables à une association plus étroite des syndicats et des organisations d’employeurs, au niveau européen comme au niveau national, à la définition de la mise en oeuvre des recommandations stratégiques au cours du semestre européen. Au-delà, nous continuons à travailler à une convergence sociale par le haut : celle-ci passerait notamment par la mise en place de salaires minimums définis au niveau national, qui garantiraient un taux d’emploi élevé et des salaires équitables.

Nous nous efforçons depuis plusieurs mois à faire adopter d’ici à quelques semaines – je l’espère – une directive sur les travailleurs détachés, qui devrait mettre fin au contournement scandaleux d’une directive de 1996, qui aurait dû garantir que tout salarié sur le territoire national bénéficie du droit du pays dans lequel il travaille, et non de celui dont il provient.

Nous n’avons pas aujourd’hui de majorité qualifiée, mais nous avons espoir de convaincre suffisamment de pays pour disposer avant la fin de l’année 2013 d’une boîte à outils permettant des contrôles rigoureux et la mise en place d’une responsabilisation conjointe et solidaire des entreprises. Car si ces distorsions de concurrence existent, c’est aussi parce que certaines entreprises ont tout intérêt à les promouvoir sur leurs propres chantiers. Les plus grands scandales découverts concernent de très grandes entreprises françaises ayant accepté de faire de la sous-traitance multiple tout en sachant que, tout au bout de la chaîne, ceux qui travaillent sur le chantier ne sont pas payés au salaire minimum, ce qui devrait pourtant être exigé par la France.

Si nous arrivons à mettre en place cette responsabilité conjointe et solidaire, nous aurons fait un grand pas en avant.

Mon dernier point concerne Lampedusa et Malte. Oui, à la demande de la France et de l’Italie, cette question a été à l’ordre du jour du Conseil européen des 24 et 25 octobre.

Il a été décidé qu’une action déterminée serait menée autour de trois priorités : premièrement, la solidarité, qui se traduit par un soutien aux États membres accueillant le nombre le plus élevé de migrants. Ils bénéficieront notamment d’une aide financière nouvelle et spécifique, afin de contribuer au sauvetage des personnes ou à leur premier accueil. Cette solidarité s’entend également avec les pays tiers, avec lesquels nous favorisons la recherche de solutions plus durables en accordant une attention renouvelée aux programmes de développement et de renforcement de la stabilité.

La deuxième priorité est la prévention dans les pays d’origine et de transit par des actions à la source des migrations et de protection des réfugiés : cela passe notamment par une coopération avec le Haut Commissariat aux réfugiés et l’Organisation internationale pour les migrations.

La troisième priorité est la protection, qui passe par une lutte renforcée contre la traite des êtres humains. Pour cela, les moyens affectés à FRONTEX seront renforcés. De même, les coopérations judiciaires et policières seront nécessairement renforcées afin de lutter contre les trafics et les passeurs.

Nous voilà loin, mesdames, messieurs les députés, du sujet purement budgétaire sur lequel nous étions invités à échanger ce soir, mais la contribution budgétaire n’a de sens qu’en se projetant dans une perspective politique, ce que j’ai essayé de faire devant vous ce soir.

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