Je ne développerai pas de nouveau les arguments que j’ai avancés au sujet de la taxe sur les transactions financières. Je me suis sans doute mal exprimé, monsieur le député, car nous ne parlons pas de la taxe mise en place par le précédent gouvernement, qui produit les effets auxquels vous avez fait allusion. Nous cherchons, à onze, et toute la difficulté est là, à déterminer les produits qui seront assujettis à cette taxe – il ne faudrait pas prendre des produits n’existant que dans un seul pays, par exemple en France, sous peine d’affecter la place boursière de Paris. Nous essayons de trouver une assiette commune aux onze pays qui ont accepté, dans le cadre de la coopération renforcée, de mettre cette taxe en place. Ainsi, nous ne la créerons pas tout seuls mais avec les dix autres pays qui se sont mis d’accord pour se doter d’une ressource commune afin de conduire des politiques ensemble, plus probablement au sein de la zone euro. La TTF n’existera qu’à onze, et pas seulement sur le sol national, et nous sommes en train de rechercher à la fois l’assiette et le taux les plus appropriés.
En ce qui concerne les travailleurs détachés, je ne suis pas forcément pessimiste. Je vous ai simplement dit la difficulté de parvenir à un compromis sur une majorité qualifiée. Pour être plus précis, nous travaillons sur les articles 9 et 12 de la directive.
L’article 9 vise à apporter des outils de contrôle performants qui permettent aux agents effectuant ces contrôles sur les chantiers d’avoir la certitude qu’il sera impossible à des entreprises dont le siège se trouve dans un autre pays de l’Union de venir y faire travailler des salariés sans respecter le droit national. Pour cela, nous avons besoin de lister les documents que nous pourrons demander à l’entreprise pour juger de quel contrat relève réellement la situation de tel ou tel salarié. C’est le premier article qui fait difficulté, car les pays qui ne veulent pas de contrôles sont partisans d’une liste très limitée, alors que nous souhaitons une liste ouverte, les contrôles étant actuellement très difficiles.
Le second est l’article 12. Nous souhaitons mettre en place une responsabilité conjointe et solidaire du donneur d’ordre et de l’entreprise attributaire du marché. Il en sera de même pour l’entreprise attributaire à l’égard du sous-traitant qu’elle sera allée chercher, et ainsi de suite : si celui-ci s’en va recourir à un autre sous-traitant, il devra lui aussi s’assurer que les conditions d’embauche respectent bien la législation nationale. Lorsqu’un contrôle révélera un abus manifeste de la directive sur le détachement des travailleurs, les responsables devront en répondre devant un tribunal.
Nous voulons responsabiliser des filières professionnelles qui ont largement utilisé ces dispositifs. Les contrôles qui ont connu le plus grand retentissement en France, pour des distorsions de concurrence du fait du non-respect du statut de travailleur détaché, ont porté sur de très grands chantiers attribués à des majors du bâtiment dont les sous-traitances multiples, à sept ou huit niveaux, aboutissaient au final à trouver sur leurs chantiers des gens travaillant dans des conditions salariales et sociales totalement inacceptables.
Ce sera difficile, je l’ai dit, mais j’ai néanmoins bon espoir que nous trouvions une solution de compromis. Dans les dix premiers jours de décembre, nous devons nous revoir de nouveau. Nous parviendrons sans doute à un compromis qui permettra, par l’article 9, aux pays volontaires de réclamer tous les justificatifs qu’ils souhaitent et, par l’article 12, de poser avec force le principe d’une responsabilité conjointe et solidaire.
Cela étant, nous-mêmes avons intérêt à balayer devant notre porte. Tout le monde croit que les travailleurs détachés viennent d’autres pays de l’Union européenne. Ce n’est pas totalement faux : La première nationalité concernée, ce sont nos amis polonais. Mais la deuxième, c’est la France… Avec des sociétés françaises qui installent une boîte aux lettres dans d’autre pays et embauchent des salariés français qui n’ont jamais quitté la France, mais qui se retrouvent avec un statut de travailleurs détachés parce que leur employeur est une boîte aux lettres installée ailleurs. Nous devons tout à la fois nous donner des moyens de contrôle et passer contrat avec le monde économique. La Fédération française du bâtiment y est favorable, bien que quelques majors traînent un peu les pieds. Mais nous trouverons une majorité pour faire des avancées sur cette question. Nous devrons en même temps nous battre sur celle du salaire minimum, car les deux vont de pair.