Mme Allain étant fatiguée, je poserai, si vous m’y autorisez, madame la présidente, sa question et la mienne.
La première question est relative à l’indépendance de la recherche en matière de sécurité alimentaire. Je souhaiterais que vous m’éclairiez, monsieur le ministre, sur le budget consacré par l’Union européenne pour permettre une véritable recherche en matière de sécurité alimentaire, conduite par des experts de qualité, indépendants, ayant le temps de réaliser leurs travaux. Je pense notamment à l’Autorité européenne de sécurité des aliments. En effet, les résultats de l’enquête de l’Observatoire de l’Europe industrielle, publiés dans Le Monde la semaine dernière, mettent en lumière l’importance des liens d’intérêt noués entre les experts de l’agence et le monde industriel. Selon cette organisation, 59 % des experts sont en conflit d’intérêts.
Si ces collusions sont déjà connues et ont été dénoncées à maintes reprises par les députés européens, ce chiffre, démontrant l’ampleur exceptionnelle du phénomène, est très préoccupant. L’AESA est prescriptrice en matière scientifique auprès des institutions européennes, notamment concernant les dossiers d’autorisation des OGM, sur lesquels elle doit rendre des avis. À l’attention de ceux qui seraient tentés de répondre qu’il est normal que des passerelles existent, je souligne que des conflits d’intérêts ne sont identifiés que dans des liens avec l’industrie ou leurs lobbies, et non dans le cas d’organisations paysannes ou environnementales. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur les moyens prévus par l’Europe pour garantir à ses citoyens la sécurité alimentaire et environnementale en toute indépendance ?
Ma seconde question porte sur les moyens budgétaires que l’Union doit consacrer à la lutte contre le trafic d’êtres humains, les trafiquants et ceux qui en profitent, ainsi qu’à l’accueil que notre continent devrait réserver à celles et ceux, migrants, réfugiés et demandeurs d’asile, qui cherchent à rejoindre notre continent dans l’espoir d’une vie meilleure pour eux et leurs enfants, comme le font les Érythréens, tant les conditions de sécurité dans leur pays sont insupportables.
Les chiffres sont terribles : officiellement, 20 000 personnes sont mortes en vingt ans en essayant de mettre le pied en Europe. Désormais, ce sont les réfugiés syriens qui risquent le pire pour échapper à la guerre qui dévaste leur pays. Or, comme dans la plupart des conflits, ce sont les pays voisins qui font preuve de la plus grande solidarité. En l’occurrence, plus de 2,2 millions de Syriens ont trouvé refuge en Jordanie et au Liban. Celles et ceux qui étaient partis en Égypte essaient aujourd’hui de quitter ce pays et deviennent la proie de réseaux de passeurs sans scrupules. Car l’Europe, et en particulier la France, les accueille, c’est le moins que l’on puisse dire, au compte-gouttes.
La Commission européenne a annoncé lundi avoir débloqué une nouvelle enveloppe de 85 millions d’euros pour assister les réfugiés syriens, dont 5 millions pour aider les étudiants de ce pays à poursuivre des études en Europe. Nous pouvons saluer ces efforts, même s’ils sont tardifs. Mais les réponses au coup par coup ne suffisent pas. Certes, les moyens de sauvetage en mer de Frontex doivent être renforcés, vous l’avez dit, pour éviter le drame que nous venons de connaître à Lampedusa, mais il faut également renforcer la capacité de l’Union à poursuivre les trafiquants d’êtres humains et leurs complices. Il nous faut en outre repenser en profondeur la politique migratoire, sans complaisance pour celles et ceux qui jouent avec le feu de la xénophobie.
Que proposez-vous, monsieur le ministre, pour que la politique migratoire européenne soit dotée des moyens nécessaires pour réprimer les trafics sans criminaliser celles et ceux qui cherchent à échapper à la misère, à la répression ou à la guerre ? Alors que la taxe sur les transactions financières semble être dans l’impasse, quels moyens supplémentaires peuvent être débloqués pour accompagner le développement des pays les plus pauvres ?