Intervention de Thomas Fatome

Réunion du 24 octobre 2013 à 9h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale au ministère des affaires sociales et de la santé :

Il est d'abord intéressant de noter que la part des cotisations patronales représenterait, avec l'adoption du PLFSS, 61,7 % du total des recettes de la branche famille, puisque ce taux diminue sous l'effet de la baisse de 0,15 point des cotisations patronales, compensée par l'affectation de recettes nouvelles et par l'apport du milliard d'euros lié à la baisse du quotient familial. C'est une étape supplémentaire d'une évolution structurelle longue : au début des années 1990, la branche famille était financée à 90 % par des cotisations patronales ; aujourd'hui, nous sommes tout juste au-dessus de 60 %.

L'article 15 du PLFSS, qui vient d'être voté, peut donner l'impression d'une grande complexité des tuyaux de financement de la sécurité sociale : c'est inhérent à la diversité des recettes, mais aussi au choix – pertinent – de limiter les recettes partagées entre l'État et la sécurité sociale. Longtemps, les flux croisés entre l'État et la sécurité sociale étaient multiples : nous nous rappelons tous ces tableaux abominables avec des flèches dans tous les sens… Il n'y a plus aujourd'hui qu'une seule recette partagée : la TVA nette. Cela nous oblige à procéder à des réaffectations de recettes entre les caisses de la sécurité sociale : il y a donc un peu de tuyauterie, suivant l'expression consacrée, mais c'est tout de même une clarification des champs respectifs des recettes de l'État et de la sécurité sociale.

Quant aux perspectives, vous ne serez pas surpris d'apprendre que la DSS rejoint le diagnostic de la Cour des comptes et estime que, pour réfléchir au financement de la branche famille, il faut d'abord s'efforcer de ramener ses comptes à l'équilibre. C'est le but des mesures annoncées par le Premier ministre au mois de juin, et intégrées au PLFSS : représentant près de 800 millions d'euros nets d'économies à l'horizon 2017, elles permettront d'améliorer substantiellement l'équilibre de la branche. En 2017, le déficit sera d'un milliard d'euros, contre un peu moins de 3 milliards en 2013 : c'est un effort considérable. Les prestations de la branche famille sont moins dynamiques que l'évolution de ses recettes : si la croissance se révèle conforme aux prévisions, elle pourra donc revenir à l'équilibre.

Aux efforts sur les dépenses s'ajoute une amorce de désendettement, puisque, compte tenu de l'amélioration du solde de la branche retraite et du FSV à l'horizon 2018, l'article 14 du PLFSS intègre les déficits de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et de la CNAF dans le champ des reprises de la CADES.

Mme Mireille Elbaum vous a certainement fait part de façon détaillée des travaux du Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFi-PS), et je n'y reviens pas. Le Haut Conseil continuera à réfléchir en 2014, mais nous disposons déjà là d'une base de travail substantielle qui a mis en avant des notions et des diagnostics, qui ne sont pas consensuels, mais dont nous pourrons discuter avec les partenaires sociaux.

À ce stade, nous n'avons été saisis d'aucune demande de réflexion sur un éventuel transfert du CICE vers des baisses de cotisations. Aujourd'hui, le CICE est déconnecté de la mécanique des cotisations sociales : il est possible de savoir dans quelle mesure les allégements généraux et le CICE permettent de réduire les charges fiscales et sociales des entreprises, mais on ne peut pas facilement aller beaucoup plus loin.

Sur une éventuelle budgétisation accrue de la branche famille, je suis très réservé. La Cour des comptes le dit : cela n'apporterait rien en termes de lisibilité ou de responsabilité ; cela ne renforcerait pas notre crédibilité à assurer un équilibre de la branche, puisqu'il n'existerait plus d'équilibre… Nous comprenons la difficulté de piloter des prestations « de guichet » – allocation aux adultes handicapés (AAH) par exemple – mais la budgétisation ne nous paraît pas une réponse pertinente aux problèmes rencontrés.

Certains observateurs ou partenaires sociaux estiment que les entreprises n'ont pas à financer la branche famille. Je suis d'un avis plus nuancé : il faut prendre en considération tous les apports de la politique familiale, en termes de taux d'activité des femmes, de natalité, d'équilibre entre la vie familiale et la vie professionnelle, de conditions de travail dans l'entreprise… Il ne me paraît donc pas illégitime que les employeurs soient mis à contribution pour financer la branche famille. Certes, un débat politique doit déterminer à quelle hauteur, et selon quelles modalités, mais les évolutions, je l'ai dit, ont déjà été massives depuis trente ans. Il me semblerait en tout cas quelque peu illogique que les entreprises ne participent pas du tout au financement de la branche famille.

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