Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon rapport porte sur le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », constitué de crédits qui préparent l’avenir et connaissent une augmentation globale de 3,9 %. Je tiens à saluer l’effort dont bénéficient la recherche et, tout particulièrement, avec des crédits en progression de 6,2 %, les études amont, qui constituent le socle des innovations technologiques de demain. À ce propos, je ferai une remarque sur la contribution aux écoles. J’exprime mon accord avec les rapporteurs, qui proposeront tout à l’heure un amendement : en effet, l’évolution financière des écoles – je le dis au ministre du budget – devrait être la même pour l’ensemble de l’enseignement supérieur français, que les établissements dépendent de l’enseignement supérieur et de la recherche ou d’autres ministères, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
J’en viens à deux thèmes sur lesquels j’ai souhaité porter un éclairage : les drones et la cyberdéfense. L’Afghanistan, puis l’opération Serval ont démontré, si besoin était, que les drones sont désormais une composante à part entière des outils stratégiques mis en oeuvre dans la conduite des opérations. Ils permettent – c’est l’une de leurs qualités majeures – de protéger la vie de nos soldats : à Uzbin, en Afghanistan, on a malheureusement vu à quoi menait une opération ne bénéficiant pas de leur déploiement. Or, dotée d’une flotte de drones MALE exsangue, la France n’a pu faire face seule, au Mali, aux besoins nécessités par l’immensité de ce territoire, et a dû compter sur l’aide des États-Unis, qui les ont mis à sa disposition.
On se heurte malheureusement, depuis dix ans, à un gouffre capacitaire. Le ministère de la défense a décidé de le combler, en achetant des drones sur étagère : deux appareils vont bientôt voler au Mali ; ils seront aux standards américains mais pourront évoluer en Europe. Est-on sûr, toutefois, de pouvoir franciser, ou du moins européaniser ces drones ? Les Allemands et les Italiens n’ont en effet pas pu le faire. Dès lors qu’ils sont en notre possession pour une certaine durée, va-t-on lancer un programme réaliste de développement de drones MALE européens dans les plus brefs délais ?
En matière de drones tactiques – qui sont au plus près des théâtres d’opération –, ne répétons pas les erreurs du passé, ne changeons pas d’orientation avant l’achèvement du programme Watchkeeper, dont je rappelle qu’il bénéficie d’une coopération franco-britannique. En effet, il ne faudrait pas que nous soyons victimes d’une rupture capacitaire : les nouveaux drones tactiques devront être sur le terrain d’ici 2017, c’est-à-dire demain.
Par ailleurs, ainsi que le rappelle l’actualité, l’affaire Snowden a révélé que l’État a été aveugle et sourd. Aussi la cyberdéfense constitue-t-elle l’un des enjeux majeurs de notre avenir. Pendant que je vous parle, des entreprises françaises et européennes sont espionnées, des ordinateurs sont compromis, des conversations et des messages sont enregistrés – peut-être même les vôtres, mes chers collègues –, et ce, alors même que la plupart des victimes l’ignorent. Le projet de loi de programmation militaire, qui nous sera bientôt soumis, contient des mesures essentielles, telles que l’autorisation donnée aux services de l’État de prendre des mesures à caractère défensif et offensif et l’obligation de mise à niveau et de déclaration d’incidents à la charge des opérateurs d’importance vitale. Mais cela ne suffira pas. Il est évident que le Gouvernement doit demander une révision de la gouvernance mondiale d’internet, aujourd’hui aux mains des États-Unis. La prise de conscience doit être plus vaste, et, sans céder à la paranoïa, nos concitoyens doivent prendre conscience du danger et adopter les bons réflexes, car les comportements individuels ont une influence déterminante sur la sécurité de tous. La cybersécurité doit être déclarée grande cause nationale, afin que l’hygiène informatique soit diffusée auprès du plus grand nombre. Il faut informer le public et inclure le numérique dans les programmes éducatifs.
Cela ne se fera pas si un « dépyramidage » total est conduit au sein de la direction générale de l’armement. À cet égard, les chercheurs qualifiés sur les sujets de l’information doivent être traités à part au sein de la direction. Je l’ai constaté et ce constat est partagé, notre pays manque de spécialistes dans ce domaine. Il faut donc que nos universités forment des gens pour que les recrutements qui sont prévus dans la loi de programmation militaire puissent se faire. J’ai remarqué au cours de l’élaboration de ce rapport qu’il y avait malheureusement une coupure totale entre la défense et les universités françaises. Il faut faire en sorte que les universitaires, les spécialistes d’organisme de recherche comme l’INRIA, l’Institut national de recherche en informatique et en automatique, et les personnels de la DGA travaillent ensemble sur les sujets informatiques.
Parallèlement, l’interaction duale entre la défense, la recherche académique et les industriels doit nous permettre de passer à la vitesse supérieure si on veut que la France tienne son rang en Europe.
Pour conclure, mes chers collègues, à ces quelques réserves près, j’émets un avis favorable à l’adoption des crédits du projet de loi de finances pour 2014 relatifs à l’environnement et à la prospective de la politique de défense. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)