Monsieur le ministre, madame la présidente, messieurs les rapporteurs, chers collègues, permettez-moi tout d’abord saluer la libération de quatre otages Français retenus au Sahel, au Mali et au Niger, ainsi que l’action du ministre de la défense dans cette opération. J’aurai également une pensée, non seulement pour les otages qui restent prisonniers dans d’autres pays mais aussi pour Denis Alleix, agent de la DGSE, qui a perdu la vie lors d’une opération tentée pour le libérer.
La séquence budgétaire que nous venons de vivre aura au moins été porteuse d’une bonne nouvelle : dans cinq ans, à en croire le ministre de la défense qui s’exprimait il y a quelques jours devant notre commission, la France disposerait de la meilleure, de la plus grande armée d’Europe ! Permettez-moi de m’interroger sur les critères d’une telle prévision mais aussi sur l’intérêt d’un tel objectif qui me semble plus quantitatif que qualitatif.
Certes, le ministre de la défense a engagé des chantiers importants, qu’il s’agisse du prolongement des restructurations, de la réduction des dépenses de fonctionnement ou de la prise en compte des besoins opérationnels des armées en matière de préparation des forces et de petit équipement. Cependant, pour le groupe écologiste, ni la loi de programmation militaire, ni ce budget qui en constitue la première annuité, ne concrétise les véritables choix stratégiques et budgétaires qui s’imposaient.
S’agissant de la doctrine, alors que le Livre blanc offrait une opportunité de débattre de nos priorités, vous avez reconduit, au nom du dogme dépassé de l »assurance-vie », la posture de vos prédécesseurs en matière de dissuasion alors qu’un certain nombre de questions méritaient d’être posées, sur la pertinence de cette force dont les « angles morts » sont multiples, sur son adaptation aux menaces contemporaines telles que le terrorisme et les guerres asymétriques, sur son articulation aux forces conventionnelles, sur les économies réalisables sur la composante aérienne et la permanence en mer, sur les risques humains, sanitaires et environnementaux qu’elle engage.
Que nos points de vue divergent est une chose, monsieur le ministre. Que le débat n’ait pas lieu, sur des décisions d’une telle portée financière et stratégique, en est une autre, et j’espère que vous saisirez l’occasion de la prochaine loi de programmation pour combler cette lacune.
La dissuasion française est « devenue, par tabou, le parent pauvre de la réflexion stratégique » écrivait récemment un directeur de l’école de guerre. C’est une analyse à laquelle de plus en plus de hauts responsables politiques et militaires souscrivent mais qui ne saurait prévaloir indéfiniment.
Nous devons ouvrir le débat au-delà du cercle très fermé des décideurs politiques, militaires et industriels aussi ai-je déposé deux amendements pour supprimer les crédits alloués à la dissuasion nucléaire. Rappelons que, chaque, année, cette force coûte plus de 3 milliards d’euros au budget de la nation.
J’en viens au reformatage des armées. Je salue les premières mesures de rationalisation engagées qui permettront d’économiser 100 millions d’euros en dépenses de fonctionnement pour l’année à venir. Je me réjouis également que de nouvelles dispositions permettent de réduire la proportion d’officiers supérieurs. Pour mémoire, l’armée de terre compte à elle seule plus de 170 généraux pour seulement 15 brigades, ce qui est difficilement justifiable.
Malheureusement, les mesures que vous proposez restent marginales puisqu’elles se limitent à 1 % de réduction du nombre d’officiers supérieurs en cinq ans. Rappelons que la Cour des comptes, dans son bilan à mi-parcours de la précédente loi de programmation, nous avait alertés sur l’incohérence de la politique du ministère de la défense en matière de ressources humaines. Alors que 54 000 postes ont été ou doivent être supprimés dans le cadre des engagements du précédent Gouvernement, la masse salariale n’a cessé de croître, augmentant de plus d’1 milliard d’euros entre 2008 et 2011.
Un dispositif transitoire, fondé sur l’accompagnement et la solidarité, est nécessaire. Il en va d’un impératif budgétaire mais aussi stratégique puisque les crédits économisés sur les dépenses en personnels permettraient de financer des investissements essentiels tels que l’équipement élémentaire des militaires du rang. J’en profite pour souligner que je joins ma voix à celle de la présidente de notre commission de la défense pour dénoncer le scandale Louvois et saluer les efforts du ministre de la défense pour essayer d’y remédier.
En définitive, en entretenant le mythe d’une armée capable d’intervenir sur tous les fronts et en refusant de se concentrer sur des priorités mieux définies, la défense française reste condamnée à un grand écart capacitaire que ni la loi de programmation militaire ni ce budget ne permettront de réduire, c’est pourquoi nous voterons contre.