Intervention de Victorin Lurel

Réunion du 29 octobre 2013 à 17h10
Commission élargie : outre-mer

Victorin Lurel, ministre des outre-mer :

Madame Louis-Carabin, l'effort budgétaire global de l'État en faveur des outre-mer s'élève très exactement à 18 185 900 000 euros, répartis en 14 204 900 000 euros de dépense budgétaires – dont la mission « Outre-mer », qui représente 2 060 400 000 euros – et 3 981 000 000 euros de dépenses fiscales.

Sur les 82 millions d'euros prélevés sur les plus hauts salaires, 25 millions seront déployés en faveur des entreprises selon des modalités définies avec vous, mesdames et messieurs les députés, et avec les acteurs économiques ; cela donnera lieu au dépôt d'un projet de loi réclamé par le Premier ministre et portant sur la compétitivité et l'emploi dans les territoires d'outre-mer.

La répartition territoriale de la LBU pour 2014 est la suivante : 58,8 millions d'euros en AE et 46 millions en CP en Guadeloupe ; 41 millions d'euros en AE et 37 millions en CP en Martinique ; 31,7 millions d'euros en AE et 32 millions en CP en Guyane ; 90,7 millions d'euros en AE et 87,6 millions en CP à la Réunion ; 18,9 millions d'euros en AE et 11,5 millions en CP à Mayotte ; et 685 000 euros en AE et 875 000 euros en CP à Saint-Pierre-et-Miquelon. Ces montants ne comprennent pas certains crédits octroyés en faveur de l'énergie ou de l'amélioration de l'habitat.

La politique de la jeunesse ne se réduit pas à l'action conduite en faveur du SMA. Le Premier ministre a annoncé d'autres mesures comme l'expérimentation conduite à la Réunion en matière de garantie pour les jeunes ou la priorité donnée aux outre-mer pour les contrats aidés, les emplois d'avenir et les contrats de génération. Des crédits sont inscrits pour l'outre-mer dans le fonds d'expérimentation pour la jeunesse et nous comptons sur un nouveau dispositif européen – l'initiative pour l'emploi des jeunes – qui bénéficiera à tous les territoires d'outre-mer compte tenu de leur taux de chômage.

Monsieur Quentin, dans le cadre de son nouvel accès aux fonds structurels européens, Mayotte obtiendra une enveloppe de 224 millions d'euros ; il est vrai que nous espérions davantage et nous n'avons pas renoncé à obtenir un montant de 400 millions, car il existe une clause de revoyure – d'ici à 2016 – qui tient quelque peu compte de la consommation des crédits. L'État sera en charge de la gestion de ces fonds et un Secrétariat général aux affaires régionales (SGAR) a été créé à la préfecture de Mayotte pour organiser l'allocation de ces crédits.

La départementalisation et l'accès au statut de région ultrapériphérique permettront de financer le décollage économique de Mayotte. Des efforts ont été engagés pour le redressement de la situation financière du conseil général de Mayotte : ils doivent être poursuivis. Le décret portant indexation dans la fonction publique a été publié aujourd'hui, et la grève déclenchée à Mayotte au sujet de l'indemnité d'éloignement m'a contraint à réaffirmer un principe républicain, celui du consentement à l'impôt et de son acquittement. Dans tous les territoires d'outre-mer, les indemnités d'éloignement sont fiscalisées ; certaines personnes – qui ont souscrit un contrat et qui se sont rendues à Mayotte – peuvent espérer un gel des revenus de 2013 et ainsi ne pas payer d'impôt sur ces indemnités en 2014, mais cette faculté n'existera plus l'année suivante, conformément au souhait du Premier ministre.

L'accord de cogestion de la zone économique exclusive de Tromelin a été signé avec l'île Maurice par un gouvernement précédent dans les conditions que l'on sait. Cet accord innovant, outil inédit dans le droit international public, n'a pas encore été ratifié pour des raisons liées au calendrier parlementaire. Nous avons toutefois déjà pris des mesures visant à surveiller cette zone immense qui fait de la France la deuxième puissance maritime mondiale. Tant le Livre blanc que la loi de programmation militaire prévoient d'allouer des moyens au sud de l'Océan indien, dont nous n'ignorons pas l'importance stratégique, afin d'éviter toute rupture capacitaire. Au-delà de ce point, et de la richesse de leurs sous-sols, nous sommes aussi conscients de l'apport dont nous bénéficions grâce à ces territoires en termes de biodiversité, de culture et de population. Pour marquer notre souveraineté, je me suis déjà rendu à Tromelin et aux îles Glorieuses et, si j'en ai la possibilité, j'irai dans l'archipel des Kerguelen. En tout état de cause, en la matière, nous restons vigilants et nous défendrons les intérêts de la France.

Monsieur Tuaiva, le fonds intercommunal de péréquation (FIP) sera abondé et l'avance sera consacrée aux communes et au paiement des fournisseurs. Le Gouvernement s'exprimera en séance sur l'amendement de M. René Dosière qui vous inquiète. Depuis 2008, les crédits consacrés à la Polynésie ont été sérieusement entamés, mais notre Gouvernement a inversé le mouvement.

Madame Bello, les outre-mer ne seront pas oubliées dans le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale auquel travaille M. François Chérèque – contrairement à ce qui s'était passé avec le RSA. Sur ce dernier sujet, en nous inspirant du rapport Sirugue remis en juillet dernier au Premier ministre, nous ferons tout pour que les outre-mer ne soient pas exclus du droit commun, et pour que le dispositif réformé s'applique à l'ensemble des travailleurs sans condition d'âge.

Vous l'évoquiez, dans le secteur du logement social, le plancher de LBU a été fixé à 5 % : cet arbitrage me semble bon. Les simulations évoquées par les organismes socioprofessionnels me paraissent peu sérieuses. L'investissement ne va pas chuter de moitié !

La réforme des exonérations des charges patronales de sécurité sociale n'est pas de nature à créer une trappe à bas salaires. L'État fait des efforts ; les entreprises peuvent en faire aussi. Toutes les études économétriques montrent qu'au niveau de salaire concerné, l'élasticité de l'embauche reste faible par rapport au coût du travail.

Nous attendons un deuxième rapport sur les tarifs aériens outre-mer portant spécifiquement sur la structuration des prix de vente avant de tirer des conclusions significatives.

Madame Vainqueur-Christophe, la revendication relative à la prison de Basse-Terre est très ancienne – il y a dix ans, M. Pierre Bédier, secrétaire d'État chargé des programmes immobiliers de la justice avait, sur place, proposé la rénovation du bâtiment datant de 1672. En 2000, le rapport de la commission d'enquête présidé par M. Pierre Mermaz évoquait, à juste titre, « la honte de la République ». Le projet de reconstruction doit avancer, mais nous devons rester réalistes, et financer en premier lieu ce qui est prêt à l'être – je rappelle que le précédent gouvernement n'avait pas donné suite à la proposition immobilière de la région Guadeloupe que je présidais.

Selon une lettre de M. Xavier Bertrand, l'État devait financer l'intégralité de la reconstruction du CHU dans la zone de Perrin aux Abymes. Cela n'a pas été confirmé à ce jour, mais nous aurons une réponse sur le sujet avant la fin de cette année. Je n'ignore pas que les élus de la Guadeloupe sont mobilisés et que le conseil général vient de voter une résolution sur le sujet.

Les crédits de l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM) augmentent : le budget de l'agence est porté de 65,8 millions à 67,4 millions d'euros. Un effort de productivité lui est toutefois demandé à hauteur de 400 000 euros, soit trois emplois équivalents temps plein – ses effectifs passent de cent trente-quatre à cent trente et un ETP. Trois personnes seront par ailleurs recrutées en Guadeloupe pour compenser les effectifs perdus, et répondre au caractère « archipellique » de ce territoire – en la matière, une convention est en passe d'être signée avec l'État concernant la gestion des crédits de la continuité territoriale au niveau « infra-archipellique ». Je note que le modèle Guyanais n'est pas reproductible – plusieurs communes guyanaises n'ont pas de route, en effet, et sont desservies uniquement par avion. Si nous ne pouvons pas, en conséquence, donner une suite positive à la demande formulée par la Nouvelle-Calédonie, nous continuons d'étudier le dispositif qui pourrait être mis en place en sa faveur.

Le travail de la Délégation aux outre-mer de l'Assemblée et de son président, M. Jean-Claude Fruteau a été particulièrement précieux. Je me réjouis de la « coproduction » législative qui a résulté de notre collaboration. Nous avons montré que même en matière de fiscalité, il était possible de pratiquer la concertation. Le reprofilage des seuils d'exonérations de charges était prévu. Je reconnais cependant volontiers une petite erreur de communication : les documents ont été trop rapidement envoyés en consultation dans les territoires.

Je remercie M. Jonas Tahuaitu pour ses propos.

Monsieur Dosière, même si nous reconnaissons que le pacte de croissance et le plan de redressement présentés par les autorités de la Polynésie française à l'État vont dans le bon sens, nous ne méconnaissons pas les difficultés – vous avez parlé de problèmes liés à la sincérité des comptes. Les engagements pris doivent être respectés. L'avance remboursable fera l'objet d'une convention. La question sera réglée rapidement dans un collectif budgétaire. Je confirme qu'une mission de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur le régime de solidarité de la Polynésie se rendra sur place après que 25 millions d'euros ont été supprimés par le gouvernement précédent.

Monsieur Serville, vous craignez une inéquité dans la répartition de la LBU liée au dynamisme démographique de la Guyane. Je comprends que la question se pose, et des ajustements peuvent être nécessaires. Le sujet est pourtant difficile. En tout cas, les données ont été établies territoire par territoire.

À mon arrivée, la dotation de LBU de la Guyane était de 16 millions d'euros en crédits de paiement. Je l'ai portée à 20 millions. De son côté, le préfet a redéployé près de 6 millions depuis d'autres lignes moins tendues. En 2012, la dotation est donc passée de 16 à 26 millions d'euros soit une augmentation de quasiment 60 %. Des tensions devaient se produire cette année en matière de logement. Pour y faire face, j'ai d'emblée décidé de porter la dotation de LBU pour la Guyane à 24 millions d'euros. Cela n'a pas suffi et de nouveaux abondements ont été demandés – dont 5,2 millions supplémentaires en septembre dernier. Au final, dans le PLF pour 2014, les dotations de LBU de la Guyane seront de 31,7 millions en autorisations de paiement et 32 millions en crédits de paiement – soit un doublement par rapport aux montants que j'ai trouvé lorsque j'ai pris mon poste.

Monsieur Patrick Lebreton, vous avez parlé « d'esprit de justice » ; je vous en sais gré. Le contrat de performance pour 2013-2015, signé le 15 avril 2013, fixe les principales orientations stratégiques de LADOM : améliorer l'inclusion dans l'emploi des jeunes ultramarins ; assurer aux jeunes ultramarins la possibilité de poursuivre une formation initiale si elle est impossible dans leur collectivité de résidence ; favoriser l'exercice de la continuité territoriale par une application homogène sur l'ensemble des DOM, et améliorer l'efficience des dispositifs gérés. Des conventions sont signées avec des régions comme c'est le cas avec la région Île-de-France. LADOM a les moyens de sa politique, budgétairement, mais aussi en termes de territorialisation. Son siège se trouve en Seine-Saint-Denis, elle dispose de onze délégations régionales en métropoles et de cinq autres dans les outre-mer, dont une à Mayotte.

Monsieur Nilor, les documents décrivant notre politique de façon transversale existent. L'effort budgétaire de l'État en faveur de l'outre-mer s'élève à 18 milliards d'euros si l'on additionne les dépenses fiscales à la mission « Outre-mer ». Concernant la dotation de la Martinique, il existe des crédits non répartis dont les ministères n'ont pas encore pu nous donner le détail. Nous connaîtrons ces éléments très prochainement. En matière d'emploi, nous restons très attentifs à la situation et au nombre de dossiers traités par Pôle emploi.

Madame Berthelot, je souscris à votre idée de « pacte pour la Guyane ». Dans le cadre du plan pour la compétitivité et l'emploi, nous devons tous réfléchir au foncier guyanais. L'État possède 95 % du territoire sur lequel il ne perçoit pas d'impôt. Or un pays qui se développe sait faire circuler son foncier, l'hypothéquer, lui donner les moyens de s'épanouir. En Guadeloupe, dans les années 80, l'État avait ainsi remis des terres en propriété collective à quarante groupements fonciers agricoles qui exploitent aujourd'hui plus de huit mille hectares. L'idée d'une mobilisation du foncier pour le logement, pour l'activité économique, industrielle et artisanale mérite sans doute d'être creusée. Nous attendons le rapport que vous devez remettre prochainement.

Monsieur Azerot, Mme Brigitte Girardin avait proposé une stabilité fiscale mais, entre 2007 et 2012, les règles en la matière ont été modifiées six fois. Nous avions voulu une stabilisation que l'opposition a fait annuler par le Conseil constitutionnel…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion