Intervention de Bernard Cazeneuve

Séance en hémicycle du 30 octobre 2013 à 21h30
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière-procureur de la république financier — Présentation commune

Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget :

Mme la garde des sceaux vient d’apporter d’excellentes explications, de surcroît fort complètes, que je partage. Je suis donc soumis à un cruel dilemme : soit être redondant, ce qui serait, compte tenu de nos échanges précédents sur ce sujet qui nous a beaucoup mobilisés, peu convenable pour votre patience ; soit ne rien dire, ce qui serait une manière de ne pas manifester mon intérêt pour la chose. Mon intervention sera donc brève et, je l’espère, complémentaire des excellents propos de Mme la garde des sceaux.

J’insisterai d’abord sur la dimension la plus symbolique et sans doute la plus novatrice de ce texte de loi, qui permet de surmonter la classique opposition, souvent véhiculée par voie de presse, entre l’administration de Bercy et celle de la justice lorsqu’il s’agit de questions relatives à la lutte contre la fraude fiscale. Je pense, comme Mme la garde des sceaux, que cette opposition entre le verrou de Bercy et l’écrou de la place Vendôme a vécu.

Il est essentiel que l’administration fiscale continue à jouer son rôle de traque contre les fraudeurs en mobilisant la compétence hautement technique de ses services en matière de détection de la fraude fiscale, y compris la plus sophistiquée. Mais dès lors que cette fraude sophistiquée est détectée, il convient de pouvoir appliquer les peines correspondantes. Il est tout à fait normal que ceux qui ont fraudé longtemps ne puissent pas disposer d’un temps long pour rembourser les sommes qu’ils doivent à la République. Dès lors que la poursuite pénale sera justifiée, l’administration fiscale transmettra donc à la justice, via la Commission des infractions fiscales, les dossiers des contribuables qui n’en sont pas encore ou qui n’ont pas voulu l’être, afin qu’ils puissent s’acquitter définitivement de ce qu’ils doivent à la République et de leurs pénalités.

Vous avez souhaité, en ce domaine, une plus grande transparence et une nouvelle articulation du rôle de l’administration fiscale et de l’administration de la justice. Dans cet esprit, vous avez fait deux propositions que nous avons faites nôtres, Christiane Taubira et moi. Elles sont au coeur de ce texte. La première tend à assurer la plus grande transparence quant aux conditions dans lesquelles statue la Commission des infractions fiscales.

Vous avez à ce titre suggéré de modifier la composition de ladite commission, qui pourra comprendre non seulement des magistrats de la Cour des comptes et du Conseil d’État, mais également des magistrats issus de l’administration de la justice. Cela permettra de rendre publics les critères permettant de déterminer si les dossiers devant faire l’objet de poursuites doivent être transmis ou non à l’administration judiciaire. Il s’agit là d’un progrès considérable. Nous avons donc été amenés à réarticuler plus harmonieusement les relations entre nos deux administrations, lesquelles travailleront mieux ensemble.

Autre progrès : la création du parquet financier. C’est le sujet le plus sensible, sur lequel des désaccords sont apparus entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Nous nous retrouvons donc ce soir pour que vous puissiez statuer définitivement sur ce texte, après avoir rétabli ce que les sénateurs ont décidé de supprimer. Ce parquet financier est un dispositif fondamental. Il doit permettre, comme vient de le souligner Mme la garde des sceaux, à l’administration judiciaire de disposer de tous les moyens lui permettant d’instruire et de poursuivre. Sa création est un progrès considérable.

L’administration française se donne ici un moyen substantiel pour renforcer l’efficacité des poursuites. J’espère que, dans votre grande sagesse, vous rétablirez le texte du Gouvernement dans sa version initiale pour que le verrou s’articule à l’écrou et que la seule cellule promise à ceux qui ont oublié depuis trop longtemps de se mettre en conformité avec le droit fiscal ne soit pas la régularisation, mais une sanction méritée.

Autre observation : nous avons voulu que les fraudeurs disposent de quelques semaines, ou mois, pour se mettre en conformité avec le droit, mais nous n’avons pas souhaité que cette régularisation se déroule dans des conditions exorbitantes du droit commun.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion