Intervention de Yann Galut

Séance en hémicycle du 30 octobre 2013 à 21h30
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière-procureur de la république financier — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYann Galut, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Nous arrivons au bout d’un chemin que nous avons emprunté en mai dernier, voici maintenant plusieurs mois, à l’initiative, rappelons-le, du Gouvernement. Ce chemin nous a conduits à proposer une nouvelle législation pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscale. L’objectif poursuivi était de nous placer en la matière au même niveau que les autres pays.

Reconnaissons en effet que l’évasion fiscale était, d’une certaine façon, tolérée dans notre pays. Nous n’avions ni la volonté politique, ni les outils juridiques pour affronter ce fléau qui, doit-on le rappeler, coûte entre 40 et 80 milliards d’euros par an, donc l’équivalent du budget de l’éducation nationale. Un fléau qui n’a d’ailleurs, on doit aussi le rappeler, aucun lien avec ce que l’on peut appeler la pression fiscale. L’évasion fiscale n’est en effet pas un phénomène français, mais un phénomène mondial. Dans chaque pays, occidental ou en voie de développement, le pourcentage de l’évasion fiscale est à peu près le même, à savoir environ 8 % du PIB.

En Europe, l’évasion fiscale représente entre 1 000 et 2 000 milliards d’euros par an. Il aurait donc fallu agir bien plus tôt. La nouvelle législation que nous proposons permet de renforcer la coopération entre les deux ministères concernés par la lutte contre l’évasion fiscale. Je salue à cette occasion le travail que nous avons eu la chance d’accomplir avec les services de M. Cazeneuve et de Mme Taubira. En travaillant à l’élaboration de cette loi, en amendant le texte nous avons senti leur volonté commune de lutter contre ce fléau, et cela alors même qu’existe parallèlement dans notre pays, faut-il le rappeler, un débat sur le rapport à l’impôt.

Cette volonté a aussi été portée pendant de longues années par la société civile, par les ONG, par des journalistes, lesquels ont été, eux aussi, des lanceurs d’alerte. Nous sommes donc parvenus à cette nouvelle législation qui renforce les moyens juridiques, les moyens d’action contre cette évasion fiscale. Comme l’ont rappelé Mme la garde des sceaux et M. le ministre du budget, grâce à cette nouvelle loi, les peines pour fraude fiscale aggravée seront beaucoup plus lourdes. L’introduction de la notion de bande organisée permettra aux services d’enquêtes, police fiscale ou douane judiciaire, d’intervenir avec des moyens renforcés.

Nous ouvrons aussi d’autres possibilités, qui font d’ailleurs débat, je peux le concevoir. L’utilisation de fichiers arrivés de façon illégale a ainsi soulevé une vraie question juridique – je fais ici référence à la liste HSBC. Nous y répondons en nous mettant au niveau des autres pays. En effet, que ce soit en Italie, en Espagne, aux États-Unis ou en Allemagne, leur exploitation est possible.

Nous avons aussi créé un statut du repenti fiscal et mis en place, même s’il conviendra peut-être de l’améliorer, le statut de lanceur d’alerte.

Et puis, pour donner une cohérence, un sens à cette action, nous créons le procureur financier national. Il a été contesté, je peux le comprendre, mais c’est une pierre angulaire du combat que nous menons contre la fraude et l’évasion fiscales. Nous progressons donc vraiment.

Lors de l’élaboration de ces textes, nous avons proposé de mettre en place, en respectant la législation en vigueur, une procédure de régularisation. Vous avez voulu, monsieur le ministre, qu’il s’agisse bien d’une procédure et non d’une cellule de régularisation, ce qui traduit bien la politique que nous menons : il ne peut pas y avoir de prime aux fraudeurs. Les fraudeurs ont une fenêtre de tir de quelques mois pour se faire connaître et régulariser leur situation, mais dans des conditions respectant la législation en vigueur. Les premiers résultats que vous nous avez annoncés confirment le bien-fondé de ce choix puisque plus de 4 000 repentis fiscaux se sont déclarés de façon très transparente auprès des services fiscaux, ce qui est extrêmement positif.

J’ai pourtant sur ce sujet une question, si ce n’est une suggestion, car c’est au Gouvernement qu’il appartient de décider. Nous avions annoncé que la période de régularisation se terminerait avec l’entrée en vigueur de la loi. Mais, comme ce fut le cas dans d’autres pays, n’aurions-nous pas intérêt à laisser quelques semaines de plus à celles et ceux qui souhaitent revenir et entrer dans la légalité ? Cela me semble important mais le choix vous appartient, et c’est à vous qu’il reviendra d’indiquer comment vous envisagez les choses.

Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, madame la garde des sceaux, nous sommes entrés dans une ère nouvelle des relations entre le ministère de la justice et le ministère des finances afin de combattre le fléau de l’évasion fiscale. Nous étions un certain nombre à nous interroger sur ce qu’on a appelé le verrou de Bercy. Un travail collectif a été mené, notamment avec Sandrine Mazetier, pour améliorer et fluidifier les relations, et nous devons continuer dans ce sens.

Non, le combat n’est pas terminé. Ce n’est pas parce que nous aurons amélioré les choses que la fraude fiscale, par miracle, va disparaître. Nous devons donc continuer à affirmer notre volonté politique. Cette volonté politique, le Gouvernement, avec Pierre Moscovici, la porte au niveau européen. L’échange automatique de données devrait ainsi entrer en application le 1er janvier 2015. Notre gouvernement est en pointe pour mener le combat sur cette question, il faut le souligner.

Vous avez également abordé, monsieur le ministre, un sujet qui nous tient particulièrement à coeur : l’optimisation fiscale. Je sais que vous travaillez en excellente entente avec les députés socialistes de la commission des finances, et plus largement d’ailleurs avec toutes celles et tous ceux qui s’intéressent à cette question à laquelle nous devons apporter des solutions.

Lors des travaux préparatoires, nous avions évoqué certains points qui reviennent dans le débat. Dans la lutte contre l’évasion fiscale aussi, nous pouvons nous inspirer de ce qui se fait dans d’autres pays. Je pense par exemple à la déclaration préalable des schémas d’optimisation fiscale, déclaration faite à l’administration. Je pense aussi à l’évolution de la notion d’abus de droit pour les prix de transfert, ou à d’autres propositions qui sont en discussion. Je tiens en tout cas à saluer la qualité du dialogue que nous avons eu avec vous et avec vos services.

Dernier point, qui me tient particulièrement à coeur : j’ai déjà attiré votre attention lors du débat sur le projet de loi de finances sur l’escroquerie à la TVA, qui n’est pas exactement de la fraude fiscale et qui coûte au budget de la nation un minimum de 10 milliards d’euros. Là aussi, une collaboration entre le ministère de la justice, celui des finances et celui de l’intérieur amélioreront les choses. D’autres pays se sont inscrits dans cette démarche et je souhaite que nous ayons une réflexion dans les semaines qui viennent sur la manière de lutter avec efficacité contre ce fléau.

Les députés, dans leur immense majorité, ont donc souhaité rétablir le texte qui avait été voté le 17 septembre dernier et je vous invite, mes chers collègues, à aller dans ce sens.

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