Je rappellerai d'abord quelques-uns des grands enjeux de ce budget. L'essentiel de nos efforts est consacré aux emplois aidés et aux contrats d'avenir, qui bénéficient d'une hausse substantielle des crédits. Je ne suis pas de ceux qui jugent ce budget bon parce qu'il est supérieur à celui de l'année dernière : il est bon parce qu'il contribue à lutter contre le chômage, et ce le plus intelligemment possible. Toutes les majorités ont eu recours aux contrats aidés durant les périodes de forte augmentation du chômage. Ce n'est donc pas sur la légitimité de la mesure qu'il s'agit de s'interroger, mais sur son efficacité à long terme. Voilà pourquoi les emplois d'avenir doivent être de vrais emplois, assortis d'une obligation de formation – à laquelle tous les groupes parlementaires ont été particulièrement attentifs lors de la discussion du projet de loi –, et durer trois ans, afin que les jeunes s'insèrent beaucoup plus facilement dans le marché du travail à l'issue de leur contrat, soit au poste que celui-ci leur a permis d'occuper, soit à un autre.
Le dispositif de la garantie jeune est instauré à titre expérimental. Nous aidons en outre les missions locales à mieux accompagner les emplois d'avenir et nous consolidons le service public de l'emploi, puisque Pôle Emploi bénéficiera cette année de 2 000 emplois supplémentaires, dont les deux tiers sont financés par une hausse de la subvention de l'État et le tiers restant par des efforts de gestion internes à l'organisme.
Au total, le budget de l'emploi est celui qui, en pourcentage, augmente le plus, ce qui montre la priorité accordée par le Gouvernement à l'emploi et à la lutte contre le chômage.
Le budget de la mission se caractérise ensuite par une refonte poussée des crédits de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Il s'agit d'abord – c'est la modification la plus significative – d'une simplification, fondée sur le principe selon lequel c'est celui qui décide qui paye. Les régions, responsables de la formation professionnelle, doivent en gérer entièrement le budget. Voilà pourquoi nous remplaçons systématiquement par des ressources propres des régions la dotation générale de décentralisation créée à la suite des transferts de compétences intervenus il y a quelques années. Très simple et clair s'agissant de la formation professionnelle, le processus est évidemment plus complexe s'agissant de l'apprentissage, car il s'y ajoute une réforme des aides à l'apprentissage – ICF et crédit d'impôt.
Pour ce qui est de la formation professionnelle, la compensation sera intégrale et portera donc sur 900 millions d'euros, sous forme d'un transfert de ressources fiscales dynamiques – bien plus, en tout cas, que ne l'était la dotation générale de décentralisation. Pour 600 millions, il s'agira de ressources correspondant à des frais de gestion perçus par l'État – notamment au titre de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – et, à hauteur de 300 millions, d'une fraction de taxe intérieure sur la consommation de produits énergétique – TICPE.
Il en ira de même en ce qui concerne l'apprentissage, dont le financement, à la fin du processus, sera assuré en totalité par les régions qui, outre une partie de la TICPE, bénéficieront à cette fin du produit de la taxe d'apprentissage – une ressource dynamique, là encore –, qu'elles percevront directement.
En 2015, les régions disposeront donc de ressources propres pour remplacer en totalité la contribution de l'État. Ce dernier réalisera certes une économie de l'ordre de 1,5 milliard d'euros en termes de dépenses budgétaires, mais comme la plus grosse partie en sera compensée par des transferts de fiscalité, ses recettes seront par ailleurs diminuées.
J'en viens à la réforme proposée par le Gouvernement s'agissant des aides à l'apprentissage. Le versement de l'indemnité compensatrice forfaitaire – ICF – à tout employeur d'apprenti constituait une obligation pour les régions et faisait à ce titre l'objet d'une compensation par l'État. Les régions avaient toutefois la possibilité de verser une aide supplémentaire en fonction des politiques qu'elles entendaient promouvoir : ainsi, pour améliorer la mixité dans des métiers considérés comme des métiers d'homme, elles pouvaient attribuer une prime supplémentaire à des employeurs acceptant de prendre une jeune femme en apprentissage. De même pour les inciter à accueillir des publics particulièrement difficiles, nécessitant un accompagnement.
Nous nous sommes posé la question de savoir s'il était bien efficace de verser la même somme à tout employeur d'apprenti. Toutes les études réalisées sur ce sujet – y compris par la Cour des comptes – ont répondu par la négative. En effet, si cette aide représente, pour certains employeurs, un élément décisif dans leur décision de recrutement, le fait de ne pas la percevoir ne changerait absolument rien pour Renault ou Peugeot, par exemple. Dans leur cas, on avait affaire à un simple effet d'aubaine et à une dépense publique inopérante, et donc inutile. Dans la mesure où nous faisons la chasse aux dépenses publiques apparaissant infondées, ou du moins peu pertinentes, nous avons donc jugé qu'il convenait de marquer une différence entre différentes catégories d'employeurs. Ce genre de distinction est toujours discutable, mais nous avons fini par considérer que la séparation entre les employeurs qui pouvaient être décidés à recruter par l'attribution d'une aide et ceux pour qui cette aide aurait moins d'importance se situait au stade d'un effectif de dix salariés.
Pour les entreprises de moins de onze salariés, le versement de la prime à l'apprentissage sera une obligation et sera donc compensée intégralement. Bien évidemment, les régions auront comme auparavant la possibilité d'aller au-delà, en prenant sur leurs propres deniers afin de tenir compte de particularités propres au territoire ou au secteur concerné ou d'appliquer une politique qu'elles jugeraient prioritaire.
En revanche, pour les entreprises de plus de dix salariés, les régions n'auront pas l'obligation de verser une aide et c'est pourquoi, à la fin du processus, environ la moitié des 500 millions de dotation ne sera plus compensée aux régions, ce qui représente une économie équivalente pour le budget de l'État.
Dans le cadre de la modernisation de l'action publique – MAP –, nous avons également voulu évaluer l'efficacité du crédit d'impôt sur les sociétés accordé automatiquement aux entreprises employant un apprenti, quelle que soit la catégorie à laquelle appartient ce dernier. Or si ce dispositif apparaît pertinent pour les niveaux 3 à 5, il ne l'est pas pour les niveaux plus élevés. Nous l'avons donc recentré, au moyen d'une disposition adoptée en première partie de la loi de finances, qui entraînera, à terme, une économie de l'ordre de 250 millions. Si l'on y ajoute la moindre dépense représentée par la réduction de la compensation aux régions, on parvient à 550 millions d'euros d'économies pour l'État.
Nous avons souhaité que les effets de la réforme soient lissés dans le temps. Pour cette rentrée, rien n'est changé mais, ensuite, le soutien à l'apprentissage va évoluer jusqu'à prendre la forme que je viens de décrire : la compensation aux régions diminuera progressivement, jusqu'à ce que l'aide versée aux entreprises de dix salariés et moins soit seule compensée. Cela étant, la remarque de M. Cherpion est juste : le dispositif n'était pas complètement arrêté au moment de la publication des bleus budgétaires. Le détail précis vous en sera communiqué d'ici à l'examen en séance publique.
Comme l'a remarqué le président Carrez, il est toujours difficile de réaliser des économies, mais nous avons ici appliqué la méthode qui consiste à distinguer entre les aides pertinentes et celles qui le sont moins, pour réduire l'ampleur de ces dernières.
Plus généralement, un travail est en cours sur l'apprentissage, qui va conduire à une réforme de la taxe d'apprentissage dans le projet de loi de finances rectificative de la fin de cette année, ainsi qu'à l'examen de plusieurs dispositions sur ce sujet dans le cadre du projet de loi portant réforme de la formation professionnelle qui sera présenté au début de l'année prochaine en conseil des ministres et soumis aussitôt après au Parlement. En particulier, le système de collecte de la taxe d'apprentissage sera à nouveau simplifié, ce qui devrait recueillir l'assentiment de tous.
Monsieur le rapporteur spécial, les contrats d'objectifs et de moyens ne seront plus nécessaires en matière d'apprentissage dans la mesure où on aura transféré aux régions la totalité des crédits du compte d'affectation spéciale. Il ne sert à rien, en effet, de maintenir des circuits de financement complexes par lesquels l'État redonne aux régions ce qu'il leur a pris auparavant. Le CAS évoluera nécessairement à l'issue de la réforme de la taxe d'apprentissage ; nous en discuterons lors de l'examen du prochain projet de loi de finances rectificative.
Pour développer l'apprentissage dans les trois fonctions publiques, une mission conjointe des inspections des ministères du travail, de l'éducation nationale et de la fonction publique vient d'être mise en place. Nous souhaitons voir ce sujet inscrit à l'agenda social et discuté avec les organisations syndicales de la fonction publique en 2013 et 2014. Le développement de l'alternance, à laquelle on n'a pas suffisamment recours dans les collectivités locales et au sein de l'État, sera également abordé.
En ce qui concerne l'activité partielle, les dispositifs sont applicables et d'ailleurs beaucoup mieux utilisés que par le passé. Je rappelle que la loi de sécurisation de l'emploi a défini trois grands principes, précisés par décret, qui sont entrés en application le 1er juillet : l'unification du dispositif actuel, grâce à la fusion de l'ensemble des allocations existantes ; la définition de contreparties plus souples et plus adaptées, modulées en fonction de l'importance du recours à l'activité partielle, et la différenciation du niveau d'indemnisation du salarié lorsque des actions de formation sont mises en oeuvre pendant la période de sous-activité. Les partenaires sociaux, qui ont à nouveau examiné ce dispositif au cours d'une récente réunion, l'ont jugé beaucoup plus efficace, en particulier dans la période que nous traversons.
Je ne reviendrai pas sur la situation dans laquelle se trouvait l'AFPA à notre arrivée, sur l'aide de 110 millions d'euros qui lui a été accordée pour passer ce cap difficile ou sur les engagements pris par ses responsables de mener à bien une restructuration interne. Vous avez, monsieur Gille, insisté à juste titre sur la nécessité de rétablir le dialogue entre l'association et les régions. Il est vrai que les évolutions ont été très contrastées d'une région à l'autre. Un tel dialogue permettra à l'AFPA de démontrer ses capacités dans des domaines concurrentiels comme dans ceux où elle est quasiment la seule à pouvoir proposer une offre de formation, notamment lorsqu'il s'agit de faire venir des stagiaires qui ne sont pas issus du territoire concerné – il conviendra d'améliorer la prise en charge du coût de ces formations grâce à des accords entre les régions.
Un autre sujet de préoccupation est l'utilisation, par les régions, de la notion européenne de service d'intérêt économique général (SIEG), qui leur permettrait d'éviter le recours systématique à des appels d'offres pour répondre à leurs besoins.
Concernant l'AFPA, toutefois, notre travail n'est pas terminé. Des adaptations restent à effectuer qui n'ont rien de simple. Nous réfléchissons par exemple, avec le ministère des finances et France Domaine, au meilleur moyen de résoudre le problème posé par l'absence totale d'actif dans le bilan de l'association, en dépit des nombreux bâtiments, parfois d'une très grande valeur, qui sont mis à sa disposition. Il conviendra d'y apporter une réponse rapide –disant cela, je m'adresse aussi à d'autres que vous, y compris au sein de l'État.
Monsieur Vercamer, le contrat de progrès entre l'État et l'ANACT devrait être signé d'ici à la fin du mois de novembre. Nous vous communiquerons le document.
Vous avez évoqué le dépistage de l'alcool et de la drogue dans les entreprises…
M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis. C'est un problème de responsabilité pénale de l'employeur !