M. Paul Molac, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour le programme « Vie politique, cultuelle et associative ». Je me suis intéressé cette année au traitement des comptes de campagne des élections présidentielle et législatives de 2012, question brûlante dont les braises n'ont pas encore tout à fait refroidi.
Le Conseil constitutionnel n'a achevé le traitement de ce contentieux qu'en mai 2013 pour ce qui concerne les élections législatives et en juillet pour ce qui concerne l'élection présidentielle, confirmant le rejet du compte de campagne de M. Nicolas Sarkozy. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) rend compte de ses travaux pour ces mêmes campagnes de 2012 dans son quinzième rapport d'activité publié le 15 octobre dernier.
Monsieur le ministre, quel bilan dressez-vous de la première application des lois du 14 avril 2011, dites « paquet électoral » ? S'agissant des candidats ayant méconnu la législation sur le financement de la campagne, quel usage le Conseil constitutionnel a-t-il fait de son nouveau pouvoir de ne pas prononcer une inéligibilité systématique en cas de rejet des comptes de campagne ? Il semble que le Conseil ait quelques réticences à moduler dans le temps la durée de cette inéligibilité : qu'en pensez-vous ?
Des difficultés spécifiques se sont révélées s'agissant du financement des campagnes législatives à l'étranger, qui ont conduit à l'invalidation et à l'inéligibilité de deux de nos collègues, Mmes Corinne Narassiguin et Daphna Poznanski-Benhamou. Au-delà de ces deux cas, les statistiques témoignent de très grandes différences dans le traitement contentieux des comptes absents ou rejetés par la CNCCFP entre l'étranger et les autres circonscriptions : 26 % pour l'étranger, soit 32 comptes sur 123, contre 5 % en moyenne pour l'ensemble des élections législatives de 2012. Peut-être faudrait-il réfléchir à la possibilité d'ouvrir des comptes bancaires à l'étranger.
Plus largement, quelles évolutions législatives ou réglementaires seraient de nature à améliorer le déroulement de ces élections ? Selon quel calendrier ? Il faudrait éviter que les règles changent sans que les candidats en aient eu connaissance suffisamment en amont ou alors que les campagnes ont déjà commencé. Ne serait-il pas opportun d'introduire, pour les députés, la notion de bonne foi inscrite dans le code régissant les élections locales ?
S'agissant des comptes de campagne de l'élection présidentielle, les candidats ayant méconnu les règles de financement n'encourent pas la sanction d'inéligibilité, ce qui est considéré comme une anomalie par les professeurs que j'ai auditionnés. Mais il est vrai qu'une telle sanction serait assez irréaliste, a fortiori si elle devait concerner un candidat élu. La meilleure solution serait sans doute, comme l'a préconisé la commission Jospin en 2012, d'inviter le Parlement à tirer les conséquences du rejet du compte de campagne dudit candidat : à lui de décider si les irrégularités constituent « un manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat », au sens de l'article 68 de la Constitution, ce qui justifierait la réunion du Parlement en Haute Cour, en vue, le cas échéant, de prononcer la destitution du chef de l'État. Encore faudrait-il, pour que cette solution puisse fonctionner, que la loi organique organisant la procédure de destitution du chef de l'État, en attente depuis 2007, soit enfin votée. Quand le Gouvernement compte-t-il s'y employer ?
La parité est un autre aspect du programme « Vie politique, cultuelle et associative ». Dans le cadre du financement public des partis politiques, le projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes prévoit de doubler les sanctions financières pour non-respect de la parité. Ce texte précise également les règles de rattachement à un parti politique des candidats aux élections législatives, en prévoyant que « lorsqu'un candidat s'est rattaché à un parti ou à un groupement politique qui ne l'a pas présenté, il est déclaré n'être rattaché à aucun parti » en vue de la répartition de l'aide publique aux partis. Mais comment seraient contrôlées les investitures des candidats aux législatives ?
S'agissant toujours de parité, le mécanisme de sanction actuellement prévu ne prend en compte que le nombre brut de femmes présentées. Or, certaines formations politiques présentent des femmes dans des circonscriptions plus difficilement gagnables afin de faire remonter artificiellement leur quotient de parité. Ne serait-il pas légitime d'instaurer, pour la deuxième tranche de financement public, un dispositif prenant en compte les députés et sénateurs effectivement élus, et non les candidats ? Un tel dispositif serait également de nature à favoriser la parité au Sénat.
L'article 61 du projet de loi de finances prévoit de dématérialiser la propagande électorale aux élections européennes. Je comprends la nécessité de s'adapter aux nouveaux moyens de communication ; je suis également conscient des contraintes budgétaires qui s'imposent à nous et de l'intérêt que peut représenter l'économie attendue de 27,6 millions. Pour autant, faut-il vraiment introduire cette nouveauté à l'occasion des élections qui battent tous les records d'abstention ? Rappelons qu'aux élections européennes de juin 2009, l'abstention a atteint 59,4 %, soit, à ce jour, le record absolu de non-participation à une élection au suffrage universel en France.