Intervention de Manuel Valls

Réunion du 30 octobre 2013 à 16h20
Commission élargie : administration générale et territoriale de l'État

Manuel Valls, ministre de l'intérieur :

Parlons d'abord des sous-préfectures. Je crois à la pertinence d'un échelon infra-départemental de l'État et à la nécessité d'une réforme des sous-préfectures aussi pragmatique que possible. La carte des arrondissements a peu évolué depuis 1926. En procédant à des ajustements de sorte que chacun d'entre eux corresponde à un bassin de vie, économique et d'habitat, on maintiendrait un maillage efficace, répondant au sentiment d'abandon qui existe parfois, et permettant de préserver l'égal accès aux services publics. Ces constats sont partagés par les rapports de la mission IGA-Datar-Conseil supérieur de l'administration territoriale (Csate) et de la mission Rebière-Weiss.

Dans ce contexte, j'ai confié une mission de rénovation de la carte des sous-préfectures dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin aux préfets des régions Alsace et Lorraine, à l'échéance du 1er janvier 2015. La conduite d'une expérimentation dans ces trois départements, qui comptent un nombre important d'arrondissements, a pour objectif de définir une méthode pour la rénovation de la carte de nos sous-préfectures. La gestion des équipes, les aspects budgétaires et immobiliers devront donc être traités. Des fusions ou des redécoupages d'arrondissements pourront être proposés ainsi que des regroupements de services au sein des maisons de l'État. L'organisation administrative actuelle, les contraintes géographiques, les difficultés économiques feront aussi partie des critères à intégrer.

Au-delà des questions d'effectifs, il faut relativiser l'impact strictement budgétaire : l'État n'est généralement pas propriétaire de l'immobilier, et les dépenses de fonctionnement sont réduites – en moyenne 100 000 euros par an et par sous-préfecture. L'enjeu est d'abord la qualité du service public rendu sur l'ensemble du territoire et la présence de l'État qui tend la main – j'aime la symbolique de cette expression citée par Mme Vainqueur-Christophe.

Je partage avec vous, madame, le souci de remédier à la disparité des exigences des pièces justificatives dans les procédures de guichet, en particulier pour les étrangers qui ont parfois le sentiment que la liste des pièces s'allonge sans cesse. L'année dernière, j'avais fait de l'accueil des étrangers en préfecture ma priorité. Jusqu'à présent, chaque préfecture établit sa propre liste de pièces justificatives – et parfois au-delà de ce qui est prévu par la réglementation. Un chantier de simplification et d'uniformisation est engagé afin de constituer, à partir des strictes indications données en matière de documents exigibles par le Ceseda, des listes synthétiques et uniformes étayées d'exemples de documents permettant de satisfaire au besoin de preuve. Ce chantier aboutira au début de 2014.

Cela s'accompagnera d'un plan de formation spécifique. En cours d'élaboration, il a pour vocation d'accompagner les équipes dans la mise en oeuvre des mesures d'organisation préconisées et dans l'application des évolutions réglementaires en cours et à venir. À l'occasion de déplacements dans des préfectures, j'ai constaté des améliorations tout à fait significatives, même s'il y a encore du travail à faire.

L'article 61 du projet de loi de finances prévoit, dans une logique de simplification, de modernisation de la vie publique, de réduction de l'impact écologique du fonctionnement de l'administration et d'adaptation du droit électoral aux nouveaux moyens de communication, la dématérialisation de la propagande électorale à destination des électeurs. En remplaçant l'envoi de la propagande papier par une mise à disposition des électeurs, sur les sites internet désignés par le ministère de l'intérieur, des documents de propagande, la mesure aurait pour effet de diminuer le coût de ces élections de 32,6 millions. Une telle dématérialisation est déjà en vigueur pour les élections des représentants des Français de l'étranger, en vertu de la loi du 23 juillet 2013, et a été validée par le Conseil constitutionnel. La généralisation d'internet, diffusé à 70 %, et les autres moyens de communication déployés par l'État, notamment les campagnes audiovisuelles et l'affichage électoral, permettraient une alternative à l'expédition par voie papier sans laisser de côté les personnes non encore équipées d'un accès à internet. Signalons du reste que la France fait figure d'exception dans l'Union européenne, en étant l'un des deux seuls pays, avec le Royaume-Uni, à adresser des documents électoraux au domicile des électeurs.

Tel était donc l'esprit de l'article 61. Toutefois, certains ont fait part de leurs réserves sur la mise en oeuvre de cette mesure à une date trop proche des prochaines échéances électorales. L'application aux seules élections européennes, qui souffrent déjà d'une certaine désaffection pourrait également être interprétée négativement.

Le Gouvernement souhaite donc engager une concertation avec les différentes formations politiques pour examiner les modalités d'adaptation de la diffusion de l'information électorale aux nouvelles technologies. Comme élu ou candidat, je sais l'importance qu'on peut attacher au papier, à ces objets de propagande électorale sur lesquels nous travaillons tous avec fébrilité. Mais nous devons ouvrir cette réflexion le plus vite possible, d'ici à la fin de l'année 2013, et la faire porter sur l'ensemble des scrutins. C'est ainsi que nous préparerons sereinement cette évolution nécessaire du droit électoral. J'invite le Parlement à y participer, notamment en effectuant des comparaisons avec les pratiques des autres pays. Dans l'immédiat, je vous proposerai, si vous le souhaitez, de supprimer l'article 61.

Je propose également d'intégrer dans la concertation que je viens d'évoquer une réflexion sur la suppression, à compter de 2015, de l'envoi au domicile des électeurs du bulletin de vote pour les scrutins uninominaux.

L'évolution des missions des sous-préfectures impose en effet, madame la rapporteure spéciale, une réorientation des compétences des agents : de l'accueil du public vers le conseil et l'accompagnement des collectivités territoriales. Ce sujet a été bien identifié, dès l'élaboration de la dernière directive nationale d'orientation des préfectures en 2010. Les programmes de formation proposés par la direction des ressources humaines du ministère de l'intérieur doivent permettre une évolution des compétences des agents en adéquation avec les missions des structures. Cette réorientation constitue un défi, mais également une chance pour les agents des préfectures : ils pourront voir leurs responsabilités évoluer.

Vous avez enfin évoqué, madame la rapporteure spéciale, les suppressions d'emplois dans les préfectures et les sous-préfectures. Entre 2009 et 2011, 2 200 postes ont été supprimés, ce qui a correspondu au non-remplacement de 80 % des agents partant à la retraite. Puis, 450 postes ont été supprimés en 2013 et 550 le seront en 2014, ce qui correspond au non-remplacement d'un agent sur deux partant à la retraite. Vous mesurez ainsi l'effort d'adaptation qui est demandé à notre réseau territorial au titre du redressement – nécessaire – des comptes publics.

Vous avez posé des questions très précises, monsieur Zumkeller, sur le passage au nouveau permis de conduire et le retard qui a été pris en la matière. La troisième directive européenne relative au permis de conduire harmonise les règles de gestion de ce titre au sein de l'Union européenne : caractère renouvelable du permis, dont la durée de validité sera de quinze ans au maximum ; instauration de nouvelles catégories ; délivrance sécurisée du permis de conduire au format unique à partir du 19 janvier 2013 ; reprise de l'intégralité des permis de conduire actuels avant le 19 janvier 2033. Les difficultés rencontrées dans la mise au point de la nouvelle application informatique FAETON ont été surmontées. Avec l'accord de la Commission européenne et après avoir informé les États membres afin de garantir les droits à conduire dans l'espace européen, la France a délivré des permis temporaires tenant compte des nouvelles règles de gestion à partir du 19 janvier 2013, date fixée par la directive. Depuis le 16 septembre 2013, l'application FAETON fonctionne et les préfectures délivrent des permis de conduire conformes à la directive. La France a donc respecté ses engagements vis-à-vis de la Commission européenne et des États membres. En parallèle, nous avons poursuivi les travaux de modernisation de l'application FAETON, qui entrera en service dans le courant de l'année 2014, lorsque toutes les garanties de fiabilité et de sécurité auront été réunies, notamment au regard de la préservation des droits à conduire des usagers.

Le nouveau permis sécurisé au format carte bancaire sera réalisé par l'Imprimerie nationale dans des conditions de sécurité maximales : il sera doté, d'une part, d'une puce électronique sans contact – contenant les seules informations figurant sur le titre et permettant aux forces de l'ordre d'en vérifier l'authenticité – et, d'autre part, d'une bande à lecture optique – facilitant la reconnaissance automatique du numéro du titre. Le renouvellement périodique, tous les quinze ans, représentera un réel avantage en termes de vérification de l'identité et des droits à conduire : à chaque renouvellement, la photographie de l'usager sera changée et un justificatif de domicile sera demandé pour la mise à jour de l'adresse.

De plus, la connexion de l'application FAETON à d'autres systèmes informatiques et la création de modules de connexion avec l'application destinée aux auto-écoles, aux centres de sensibilisation à la sécurité routière, aux médecins agréés et aux magistrats permettra des échanges d'information plus rapides et plus sécurisés. En effet, tous les documents papier contenus dans les dossiers informatisés de permis de conduire seront dématérialisés, et les agents des préfectures – seuls habilités à accéder au coeur de FAETON au moyen de leur carte nominative – pourront les valider directement à l'écran. Enfin, la version modernisée de FAETON offrira des téléprocédures adaptées aux différents types d'usagers et simplifiera ainsi leurs démarches.

Les anciens titres seront échangés contre les permis sécurisés au format carte bancaire à partir de 2020. À cette occasion, les agents des préfectures vérifieront les droits à conduire des usagers lors d'un entretien face-à-face. Cette procédure permettra de retirer ou d'invalider les permis falsifiés, estimés à 10 % du stock. Des instructions très précises ont été données aux préfectures afin que la reprise de l'ancien titre ne se fasse qu'au moment de la remise du nouveau permis de conduire. Les préfectures ne pourront délivrer aucun récépissé : celui-ci n'aurait aucune valeur juridique, ni en France ni à l'étranger. Si ces instructions sont appliquées correctement, la délivrance du nouveau permis et la reprise concomitante de l'ancien titre ne devraient porter aucun préjudice aux usagers. Quant aux professionnels, ils devront préalablement passer une visite médicale d'aptitude.

Vous avez estimé, monsieur Zumkeller, que la délivrance du nouveau permis de conduire ne s'était accompagnée, à ce stade, que d'améliorations limitées pour les usagers. Néanmoins, depuis le 16 septembre, l'Agence nationale des titres sécurisés a ouvert un centre d'appels. Il traite environ 1 800 appels par jour, qui portent, pour l'essentiel, sur la production du titre et sur son acheminement. En outre, dès le 4 novembre prochain, les courriers d'accompagnement des nouveaux titres comporteront un code « Télépoints », qui facilitera l'accès au solde de points sur l'application « telepoints.fr ». Dans le cadre des mesures de modernisation de l'action publique, il est également prévu que les usagers puissent obtenir ce code au moyen d'une simple procédure en ligne à partir du début de l'année 2014. La consultation en ligne devra être fortement sécurisée, afin d'éviter toute dérive. Certains employeurs, notamment les transporteurs routiers et les entreprises de transport en commun, souhaiteraient avoir accès aux relevés de points. Nous devrons trouver un équilibre entre leur souci de sécurité et la protection des données personnelles. Rappelons qu'actuellement, les conducteurs reçoivent un courrier les informant de la reconstitution de leur capital de points au terme de la période probatoire, qui peut aller de un à dix ans.

S'agissant du calendrier, la reprise des 38 millions de permis actuels débutera vers 2020 pour s'échelonner jusqu'à 2027. Le processus sera industrialisé, ce qui permettra de traiter plusieurs millions de titres par an. Les usagers n'auront besoin de se rendre qu'une seule fois à la préfecture, pour l'entretien que j'ai mentionné. C'est également en 2027 que les premiers permis délivrés cette année seront renouvelés, au terme de leur période de validité de quinze ans.

Le redécoupage des cantons en vue des élections départementales de 2015 découle de la loi du 17 mai 2013, qui a instauré la parité aux élections départementales et garantit l'égalité devant le suffrage. Les critères de ce redécoupage sont connus : ils ont été définis par le Conseil constitutionnel dans sa jurisprudence, notamment dans sa décision du 16 mai 2013. Le Conseil a rappelé la prééminence du critère démographique, auquel il admet néanmoins certaines exceptions de portée limitée. En outre, les limites des nouveaux cantons ne devront pas nécessairement respecter celles des arrondissements ou des circonscriptions législatives. Le Gouvernement travaille sur la base de ces principes. Il ne s'écarte de l'application du critère démographique que de manière limitée, afin de tenir compte de spécificités géographiques incontournables. Le redécoupage s'appuie autant que possible sur la carte des EPCI, lorsque les départements disposent d'un schéma départemental de coopération intercommunale. À défaut, il tient compte en priorité de la carte cantonale existante, ainsi que de la carte des bassins de vie établie par l'INSEE pour l'année 2010. Les principes du redécoupage sont donc transparents.

Quant au calendrier, il est également connu. Dans chaque département, les préfets ont consulté, à ma demande, les principaux élus, le président du conseil général et les parlementaires – le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement l'a rappelé hier lors de la séance des questions au Gouvernement. Toutes les propositions de redécoupage ont ensuite été remises au ministère de l'intérieur, qui élabore actuellement, sur cette base, les projets de décrets. À ce jour, quarante projets ont été adressés aux conseils généraux afin de recueillir leur avis. Vingt-trois d'entre eux ont fait l'objet d'un vote, et quinze ont été transmis au Conseil d'État. Celui-ci examinera chacun des projets au regard des principes qui figurent dans la loi et dans la décision du Conseil constitutionnel. Lorsque le Conseil d'État aura rendu un avis positif, le décret sera publié. Le redécoupage de notre carte cantonale était nécessaire pour renforcer la légitimité démocratique de l'institution départementale. Le Gouvernement y travaille dans le strict respect du droit.

Le « paquet électoral », monsieur Molac, a notamment instauré deux nouvelles règles : les candidats ayant recueilli moins de 1 % des suffrages et n'ayant bénéficié d'aucun don sont désormais dispensés de déposer un compte de campagne ; tous les candidats sont tenus de présenter, au moment du dépôt de leur candidature, les pièces nécessaires à la désignation de leur mandataire financier. Ces deux réformes ont réduit le volume du contentieux traité par le Conseil constitutionnel : sur les 6 603 candidats qui se sont présentés aux élections législatives de 2012, 2 221 ont été dispensés de déposer un compte. D'autre part, le Conseil n'a plus recensé aucun cas d'absence de désignation de mandataire financier par les candidats, ce qui a également contribué à la baisse du nombre de saisines.

En outre, la loi organique du 14 avril 2011 a réformé le régime des sanctions que peut prononcer le Conseil constitutionnel en cas de méconnaissance par les candidats de leurs obligations en matière de dépôt des comptes et de financement de la campagne. L'article L.O. 136-1 du code électoral prévoit désormais que le Conseil peut déclarer un candidat inéligible dans trois cas : si son compte de campagne fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales ; s'il n'a pas déposé son compte dans les formes et les délais prescrits ; si son compte été rejeté à bon droit par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) pour un manquement d'une particulière gravité. Ces nouvelles dispositions permettent au Conseil de mieux adapter les sanctions à la situation réelle des candidats et vont donc dans le sens d'une justice plus équitable. Dans le cadre du contentieux des élections législatives de 2012, le Conseil a utilisé dans trente-sept cas la faculté de ne pas prononcer d'inéligibilité. Pour ce qui est de la durée des sanctions, le Conseil a proposé d'en revenir à une inéligibilité forfaitaire de deux ans, avec effet à compter de la date du scrutin. Cette adaptation permettrait de rétablir l'égalité entre les candidats ; en outre, les décisions d'inéligibilité conserveraient ainsi un réel effet sur les élections locales. Toutefois, il conviendra de trouver un véhicule législatif adapté.

S'agissant de l'élection des onze députés des Français établis hors de France, la CNCCFP a rendu des décisions sur 113 comptes de campagne et en a réformé 52, signe que les candidats ont éprouvé des difficultés à comprendre et à respecter la législation. Peu d'entre eux ont utilisé les règles spécifiques applicables dans leurs circonscriptions, notamment la possibilité pour le mandataire financier de désigner, dans chaque pays de la circonscription, une personne autorisée à engager et payer des dépenses en son nom. Dès lors, certains candidats ont réglé eux-mêmes des dépenses de campagne. Dix comptes de campagne rejetés par la CNCCFP sur vingt-deux l'ont été pour ce motif.

En outre, les candidats ont parfois mal interprété les dispositions relatives aux comptes bancaires à l'étranger. En sus du compte du mandataire financier, le code électoral permettait d'ouvrir un compte bancaire dans les pays dont la monnaie n'était pas convertible. Cette possibilité était toutefois réservée non pas au mandataire lui-même, mais aux personnes autorisées par le mandataire à régler certaines dépenses. La CNCCFP a rejeté quatre comptes de campagne pour ce motif, dont celui de Mme Corinne Narassiguin. En effet, le fonctionnement concomitant de deux comptes bancaires ouverts par le mandataire financier contrevenait aux dispositions des articles L. 52-6 et L. 330-7 du code électoral, qui imposent l'ouverture d'un compte unique, en France.

Dans ses observations, le Conseil constitutionnel a appelé à clarifier les règles applicables dans les circonscriptions des Français établis hors de France. Si elle était autorisée, l'ouverture d'un compte bancaire dans chacun des pays où se déroule la campagne faciliterait le paiement des dépenses, en évitant notamment les conversions en devises. Cette piste, envisagée par la CNCCFP dans son dernier rapport d'activité, devra faire l'objet d'une étude plus approfondie au cours des prochains mois. Une telle disposition dérogerait à la règle du compte bancaire unique, qui découle elle-même d'un principe essentiel du droit électoral : celui de l'unicité du compte de campagne. L'application de ce principe, qui facilite le contrôle des dépenses et des recettes des candidats, n'est aujourd'hui écartée – je le répète – que dans les pays dont la monnaie n'est pas convertible.

Enfin, une mauvaise lecture des textes a conduit plusieurs candidats à convertir leurs dépenses selon le taux de change applicable le jour de leur remboursement par le mandataire financier, ce qui a entraîné la réformation de quatre comptes de campagne.

Le Gouvernement étudiera l'opportunité d'une évolution des règles applicables au financement des campagnes dans les circonscriptions des Français établis hors de France. S'il s'engage dans cette voie, des modifications législatives seront nécessaires. Elles seraient alors soumises au Parlement dans des délais suffisants pour que les candidats puissent s'approprier les nouvelles règles avant le prochain renouvellement général de l'Assemblée nationale.

J'en viens à l'élection présidentielle. C'est la seule élection pour laquelle le législateur organique n'a pas prévu que le Conseil constitutionnel puisse prononcer l'inéligibilité d'un candidat ou du président élu, en cas de rejet de son compte de campagne. Pour ma part, je partage l'avis exprimé par la commission Jopsin : bien qu'une telle situation ne se justifie pas sur le plan des principes, il n'existe pas d'alternative satisfaisante. On comprend les difficultés que créerait l'organisation de deux élections présidentielles rapprochées, a fortiori si la deuxième élection devait donner lieu à une cohabitation en tout début de mandat et susciter la convocation de nouvelles élections législatives !

Comme vous l'avez indiqué, monsieur Molac, la commission Jospin a proposé que le Parlement soit appelé à statuer sur les suites à donner à une décision de rejet du compte de campagne d'un candidat à l'élection présidentielle. Cette proposition doit encore être expertisée. Quant au projet de loi organique portant application de l'article 68 de la Constitution, il a été adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 24 janvier 2012, mais n'a pas encore été inscrit à l'ordre du jour du Sénat.

Le projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes prévoit un renforcement des sanctions financières applicables aux partis politiques qui ne présentent pas un nombre équivalent de femmes et d'hommes aux élections législatives. Cela suppose que les partis maîtrisent la liste des candidats qui souhaitent se rattacher à eux. En effet, le système actuel donne la possibilité aux candidats de se rattacher à un parti de leur choix, ce qui peut créer un déséquilibre entre le nombre d'hommes et de femmes présentés par ce parti, même si celui-ci entendait respecter la parité. Le projet de loi prévoit donc qu'un candidat ne puisse pas se rattacher à un parti qui ne l'a pas préalablement présenté.

La procédure de contrôle, qui doit être précisée par décret, pourrait être la suivante. Avant la période de dépôt des candidatures aux élections législatives, il reviendra à chaque parti d'établir une liste des candidats qu'il présente. Le ministère de l'intérieur centralisera ensuite les déclarations de rattachement faites par les candidats lors du dépôt de leur candidature – chacune est saisie dans l'application Élections – et les comparera avec les listes établies par les partis. Dans le cas où un candidat aura déclaré vouloir se rattacher à un parti qui ne l'aura pas fait figurer sur sa liste, il ne sera pas tenu compte de ce candidat pour le calcul de la modulation de l'aide publique versée au parti. Afin de prévenir toute tentative de manoeuvre, le décret fixera une date limite pour le dépôt des listes par les partis.

Quant à une éventuelle modulation de la deuxième fraction de l'aide publique en fonction du nombre de parlementaires de chaque sexe effectivement élus, elle n'apparaît guère opportune. D'une part, la loi n'a pas à prendre en compte les caractéristiques politiques des différentes circonscriptions. D'autre part, ce dispositif reviendrait à sanctionner le suffrage des électeurs et serait donc probablement inconstitutionnel.

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