L'idée de faire mieux avec moins d'agents n'est pas nouvelle, madame Untermaier : c'est toute la difficulté de la réorganisation administrative de l'État. Dans ce vieux pays qu'est la France, monsieur Marleix, le besoin d'État ne s'est jamais démenti. Les Français sont les premiers à critiquer le niveau des dépenses publiques, mais, dans le même temps, ils demandent toujours plus de policiers, de gendarmes ou d'infirmières.
Je veux réaffirmer le rôle essentiel du préfet de département. Des choix ont été faits, comme le rappelait M. Popelin, notamment en 2010. Si affaiblissement de l'échelon départemental il y a, il date cependant de 2004 : la RéAT a conforté l'échelon régional, ce qui me semble au demeurant fondé pour les fonctions support. Toutefois, malgré les questions soulevées par M. Morel-A-L'Huissier, qui ne sont pas nouvelles, je ne crois pas à l'affaiblissement de l'autorité des préfets départementaux. Hier encore, dans la Drôme et dans l'Ardèche, j'ai pu mesurer les attentes placées en eux, notamment dans le cadre des procédures d'indemnisation. L'engagement du préfet Videlaine dans le Finistère montre à quel point ils restent présents, quand bien même la décentralisation a fait évoluer leur rôle, comme elle a fait évoluer celui des sous-préfets dans le soutien qu'ils apportent aux collectivités en matière d'ingénierie économique ; c'est pourquoi je les avais rencontrés à Lorient, il y a quelques mois, avec l'ensemble des préfets de la région.
Le préfet de département doit, comme je le fais valoir auprès de mes collègues du Gouvernement, continuer à piloter l'action de l'État : loin d'affaiblir son autorité, nous devons au besoin la renforcer – je le dis aussi en tant qu'ancien élu local. Le CIMAP préconise d'ailleurs une meilleure coordination entre le préfet de département et certaines administrations, comme la jeunesse et les sports ou la culture, dont les moyens sont fragilisés par la décentralisation et la dégradation des finances publiques.
Le rattachement des préfectures à Matignon est une vieille antienne. Le Président de la République, le Premier ministre et l'ensemble des ministres peuvent évidemment avoir des contacts directs avec les préfets, mais nul ne songe à remettre en cause leur rattachement au ministère de l'intérieur. Quant à la modernisation de l'action publique, c'est un sujet interministériel qui concerne aussi, par exemple, le ministère de l'égalité des territoires.
Les fermetures de sous-préfectures sont devenues un « marronnier » médiatique. Seul le pragmatisme doit prévaloir, d'autant que les marges financières sont modestes, puisque l'État, le plus souvent, n'est pas propriétaire de l'immobilier. Je suis tout particulièrement sensible au sentiment d'abandon ressenti dans les départements ruraux ou périurbains, comme l'Aveyron, l'Ardèche, le Cantal ou le Finistère. Sans doute les maisons de l'État ou les maisons de service public constituent-elles des modèles à suivre ; à Aubusson, dans la Creuse, différents services publics sont regroupés dans les murs de la sous-préfecture – et je ne manquerai pas, monsieur Benoit, de répondre à votre invitation au cours du quinquennat. Je me refuse cependant à entrer dans le petit jeu des listes : dans les zones rurales et périurbaines, je le répète, la présence de l'État, à travers les sous-préfectures, est essentielle. Reste que des évolutions sont possibles dans les zones urbaines : c'est le sens de la mission que j'ai confiée aux préfets de Lorraine et d'Alsace. En Île-de-France, monsieur Popelin, le rôle des sous-préfectures – accueil des publics étrangers et remise des titres de séjour, notamment – doit être clairement distingué de celui des préfectures. La préfecture de Bobigny fait déjà face à un afflux considérable : il serait absurde de vouloir tout y concentrer. Je rappelle aussi l'existence, dans votre département, du chantier de Saint-Denis. Ces évolutions demandent du temps, et il serait naïf d'ignorer l'impact des échéances électorales. Quoi qu'il en soit, dans de nombreuses villes, la sous-préfecture matérialise la présence de l'État : nous avancerons donc avec pragmatisme.
S'agissant de la nouvelle Direction générale des étrangers en France, madame Untermaier, nous avons tiré les conséquences de la disparition du ministère de l'immigration en 2011. Au sein de chaque ministère, un seul secrétaire général mutualise désormais les fonctions support, et la Direction générale des étrangers en France, au-delà des vaines polémiques que l'on entend ici ou là, coordonne les différents aspects de la politique d'immigration – régulation des flux migratoires, lutte contre l'immigration clandestine, accueil des étrangers, naturalisations ou droit d'asile.
Chacun doit contribuer à l'effort de redressement des finances publiques : les cultes n'y échappent pas, y compris en Alsace-Moselle. Le montant de l'enveloppe annuelle, inchangé depuis 1995, a diminué de 5 % – soit 4 millions d'euros – dans la loi de finances pour 2012, et, après être demeuré stable en 2013, il sera réduit de 7,6 millions en 2014, pour atteindre 68,6 millions ; cependant, la dépense totale ayant atteint 70 millions en 2013, la baisse devrait se limiter à 3 %.
Au vu du rythme de la discussion par les conseils généraux et de la procédure d'examen en Conseil d'État, monsieur Marleix, le redécoupage cantonal devrait être achevé au début de 2014 ; mais il ne faudra pas perdre de temps.
La quasi-totalité des espaces d'accueil en préfecture obéissent aux normes d'accessibilité. Quelques exceptions demeurent, en raison du caractère historique des bâtiments. Une augmentation de 33 % des crédits de paiement est prévue en ce domaine, les trois principales préfectures concernées étant celles de Bobigny, de Poitiers et de Besançon ; s'y ajoutent les opérations de droit commun intégrant la mise aux normes. Le souci du ministère, au-delà de l'investissement même, est de mettre en oeuvre une politique en externe – pour l'accueil – comme en interne, avec un taux d'emploi des personnes handicapées atteignant, en 2013, un taux inédit de 6 %.
Nous aurons l'occasion de revenir sur le droit d'asile lors de l'examen des crédits dédiés, monsieur Benoit. Le Gouvernement a lancé une concertation sur la mise en oeuvre du droit existant : M. Jean-Louis Touraine et Mme Valérie Létard, qui travaillent en concertation avec les préfets et les élus locaux de Nancy, Besançon, Rennes et Mulhouse, me remettront leurs conclusions à la mi-novembre. Le premier objectif est de réduire à moins de dix mois les délais de réponse, qui atteignent aujourd'hui seize à vingt mois ; le second, plus complexe, est d'améliorer l'accueil en le rendant plus directif, et ce sur l'ensemble du territoire. J'ajoute que la France est, après l'Allemagne désormais, la seconde terre d'accueil pour le droit d'asile en Europe. Les demandes proviennent, pour une large part, de ressortissants de pays qui, candidats à l'entrée dans l'Union européenne – Kosovo, Macédoine ou Albanie, par exemple –, sont pourtant jugés parfois comme non sûrs par le Conseil d'État, ce qui accroît d'autant les délais : des exemples récents l'illustrent…
La France arrive sans doute au terme du processus de décentralisation engagé en 1982 : la demande croissante d'État, les difficultés financières des collectivités et l'enchevêtrement des compétences expliquent les hésitations qui se font jour, si bien que le mot même de « décentralisation » n'est plus connoté aussi positivement que naguère. Dans ces conditions, une nouvelle phase de décentralisation ne me semble pas pouvoir signifier autre chose qu'une clarification des compétences : la suppression d'échelons, souvent réclamée du haut des estrades des campagnes électorales, est évidemment bien plus complexe qu'il y paraît. Je crois aux vertus de l'expérimentation locale, mais, sur de tels sujets, un consensus national me semble indispensable.
L'approche d'échéances électorales, monsieur Cordery, a sans doute empêché certaines anticipations sur la dématérialisation de la propagande électorale, ce que je déplore. La disposition visée sera supprimée par amendement, monsieur Tardy, mais j'organiserai une concertation avec les formations politiques sur le sujet. On a parfois l'impression, pendant les campagnes électorales, que les boîtes aux lettres débordent de tracts ; mais, pour vous dire le fond de ma pensée, les électeurs qui se déplacent pour les élections européennes ne sont sans doute pas ceux qui ont le plus besoin de propagande électorale, et celle-ci, à l'inverse, ne convaincra sans doute pas les abstentionnistes de se rendre dans les bureaux de vote ; quoi qu'il en soit, on gardera le système habituel pour les prochaines européennes.
L'effort en matière de vidéoprotection reste soutenu, monsieur Quentin, puisque une enveloppe de 20 millions d'euros lui est dédiée, comme l'an dernier, au titre de l'aide aux communes. Tous les ministères doivent participer au financement du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD). Comme vous le savez, les taux sont d'ailleurs majorés jusqu'à 50 % dans les zones de sécurité prioritaires.
S'agissant des gens du voyage, une proposition de loi de M. Raimbourg est en préparation. J'y suis favorable, et souhaite un consensus sur le sujet. J'avais annoncé, avec Cécile Duflot, les orientations du Gouvernement : fin du statut discriminatoire issu de la loi de 1969 et garanties données quant à la mise en oeuvre effective des schémas départementaux, sachant que 57 % des aires d'accueil sont à ce jour réalisées – et 35 % seulement des aires de grand passage. Des parlementaires de tous bords, réunis sur le sujet, avaient conclu à la nécessité d'un équilibre : le rappel à l'application de la loi Besson si nécessaire et, pour les communes qui l'appliquent, des moyens pour faciliter l'évacuation en cas d'occupation illicite. Une mission parlementaire, associant un élu de l'opposition et un élu de la majorité, est également consacrée aux grands rassemblements. Souhaitons, en tout cas, que les événements de cet été ne se reproduisent plus, et que chacun se garde de toute instrumentalisation : j'en appelle, sur ce point, à la responsabilité des élus comme des associations de gens du voyage.
En ce qui concerne le projet de carte nationale d'identité électronique, le rapport rendu par l'IGA en mai 2013 est très réservé, estimant qu'il est plus important de sécuriser le processus de fabrication du titre que le titre lui-même. La biométrie n'est utilisée que pour le dispositif de passage automatisé rapide aux frontières extérieures (PARAFE). La délivrance des passeports biométriques est insuffisamment sécurisée et peut conduire au blanchiment d'une fausse identité. La traçabilité du titre est largement perfectible, notamment en cas de perte et de vol. Aussi ai-je arrêté un plan d'action en étroite collaboration avec le ministère de la justice pour sécuriser les documents d'état civil en généralisant la procédure de communication électronique des données de l'état civil (COMEDEC) ; les fraudes à l'état civil détectées par la PAF ont été multipliées par douze ces deux dernières années. La possibilité de falsifier un acte de naissance est aujourd'hui très importante. De plus, les communes se contentent en général de contrôler la conformité des pièces justificatives mais pas leur authenticité. Il est donc impératif de décloisonner les services chargés de l'état civil et ceux chargés de la délivrance des titres, de sécuriser la production des justificatifs de domicile et des photos numériques, et d'améliorer la traçabilité des titres en assurant que l'invalidité de ceux déclarés perdus ou volés est systématiquement signalée par les services dans les fichiers internationaux.
Madame Descamps-Crosnier, le ministère de l'intérieur accompagne ses agents dans l'évolution des missions de l'administration territoriale par le biais du plan national de formation en vigueur jusqu'à la fin de 2014. Ce plan s'articule autour du renforcement des compétences de base des agents, du développement de leur compétence métier, de l'encouragement de la promotion professionnelle et de l'accompagnement du changement. Ce dispositif a été complété par une action spécifique à destination des personnels des sous-préfectures particulièrement concernées. Un plan de formation, expérimenté avec succès dans onze sous-préfectures, a vocation à être généralisé en 2014. Il comprend des modules intéressant le corps de métier des sous-préfectures, l'ingénierie territoriale, les relations avec les entreprises et la connaissance des acteurs locaux de la sécurité – manière de conforter le réseau des sous-préfectures.
Aux agents des sous-préfectures d'Alsace et de Moselle concernés par cette expérimentation, sera proposé un accompagnement approfondi et individualisé en fonction des besoins exprimés par les deux préfets. Un nouveau plan national de formation est en cours d'élaboration pour 2015-2017. Il prendra en compte les évolutions envisagées par le programme ministériel de modernisation et de simplification (PMMS) qui induisent la mise en place de formations d'expertise ainsi que des formations de consolidation des connaissances de base afin de faciliter l'orientation d'agents de l'administration centrale et territoriale vers de nouvelles missions.
La protection périmétrique – celle des accès internet – est efficace pour parer aux attaques contre le coeur des réseaux du ministère. Les communications les plus sensibles s'appuient sur les systèmes d'information labellisés par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI). Les révélations que vous avez évoquées incitent à approfondir notre effort concernant les communications quotidiennes des services entre eux ainsi qu'avec nos partenaires administratifs, les usagers et le monde professionnel. Face à ces menaces, deux axes sont privilégiés : la protection des communications par la cryptographie et la maîtrise de la localisation des données de l'administration. Le réseau de la gendarmerie permet déjà la transmission d'informations chiffrées avec un certain degré de protection. La messagerie d'autorité de la police nationale (RESCOM) le permet également. Cette protection doit être transparente pour l'utilisateur. Nous étudions la possibilité de la généraliser pour tous les services du ministère. Nous souhaitons y procéder dans un cadre interministériel car de nombreux échanges parmi les plus sensibles comme celui concernant la fraude documentaire s'effectuent entre différents ministères. Le recours au système de l'administration pour héberger et transmettre l'information doit devenir la règle ; les recours non maîtrisés aux plates-formes grand public de Cloud et l'usage généralisé des smartphones non protégés doivent être limités à un usage très restreint et particulièrement contrôlé.
Je précise à M. Larrivé que sur quelque 12 000 ETPT, 2 300 sont chargés de la délivrance des titres aux étrangers et des naturalisations. Il est évident qu'un titre pluriannuel permettrait de stabiliser les étrangers qui, de toute façon, voient leur titre renouvelé chaque année, et d'alléger l'activité des agents.
Vous avez raison, monsieur Baert, d'encourager l'évolution de carrière des agents entre les collectivités et l'État. L'administration a tout à y gagner. La France est un pays décentralisé, à sa manière, avec un État qui veut rester fort.
J'ai déjà répondu à M. Tardy au sujet de la carte nationale d'identité. Le passage de la durée de validité de dix à quinze ans aura un impact très faible sur le budget 2014.
La masse salariale des préfectures, madame Dalloz, augmente du fait de la progression de la carrière des agents, de mesures catégorielles récompensant leur engagement et de la hausse des dépenses de retraites. Avec d'autres ministères, nous avons lancé des missions d'évaluation. Les 866 ETPT « Animation et soutien du réseau » recouvrent les systèmes d'information et de communication (SIC), l'immobilier, le corps préfectoral et les agents de l'administration centrale qui pilotent le réseau préfectoral. Nous voulons rendre plus efficace l'administration centrale – qui voit aussi ses ETPT diminuer – pour favoriser l'action sur le terrain.