Intervention de Cécile Duflot

Réunion du 30 octobre 2013 à 9h00
Commission élargie : Égalité des territoires, logement et ville

Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement :

Je réserve pour la fin de mon intervention la réponse aux questions de MM. Kemel, Vercamer et Liebgott, qui portent spécifiquement sur la politique de la ville.

Vous m'interrogez, monsieur Mathis, sur la garantie universelle des loyers. Je souhaite d'emblée préciser le montant nécessaire à son financement, que l'on trouve par ailleurs dans plusieurs publications récentes. Le montant de 2 milliards d'euros est une invention, ce qui a été démontré à plusieurs reprises. L'évaluation du rapport de l'Inspection générale des finances le situe aujourd'hui entre 245 millions, hypothèse basse, et un peu moins d'un milliard, hypothèse très haute comprenant un montant de garantie des loyers très élevé pour les propriétaires pendant trente-six mois, mais aussi le remboursement d'une partie, voire de la totalité, des frais de justice.

Le scénario retenu par le Gouvernement situe le coût de la GUL à quelque 745 millions d'euros. Un certain nombre d'amendements à la loi ALUR ont été adoptés au Sénat en sa première lecture, ce qui montre que, sur ce sujet, le Gouvernement a fait le choix de la coopération avec le Parlement, et que les choses avancent grâce à la discussion avec l'ensemble des parlementaires. C'est dans cet état d'esprit, le président de la commission des affaires économiques du Sénat a constitué un groupe de travail associant des parlementaires de toutes tendances.

Il a été démontré que les deux risques les plus saillants, l'aléa moral et la déresponsabilisation, ne sont pas avérés, pour la bonne et simple raison que l'exercice du privilège du Trésor public par la caisse de garantie rendra les opérations de recouvrement nettement plus efficaces que celles des propriétaires, parfois un peu abandonnés en cas d'impayé, en particulier s'il s'agit d'un impayé de mauvaise foi. Je le redis ici devant vous, même s'il ne s'agit pas à proprement parler d'un débat budgétaire : la GUL n'est pas seulement un outil de garantie des loyers impayés, mais d'abord un outil d'accès au logement, en particulier pour les jeunes qui en sont aujourd'hui de plus en plus exclus, y compris s'ils ont la caution de leurs parents.

Le troisième élément essentiel, lié d'ailleurs à la question de l'hébergement, c'est la prévention des expulsions. L'identification très précoce des situations d'impayé évite de laisser les uns et les autres, en particulier les élus locaux, face à des situations de grande détresse sociale assorties de dix-huit ou vingt mois d'impayés. Ces situations sont, en effet, très difficiles à résorber, et leur identification précoce évite l'aggravation des difficultés.

Quant au financement, compte tenu des limites de l'enveloppe financière, nous avons réfléchi à d'autres modalités, faisant appel à l'UESL – Union des entreprises et des salariés pour le logement. J'en profite pour répondre à M. Carré : l'engagement de l'UESL à financer à long terme des dispositifs participant de l'intérêt général, y compris après 2018, est de 500 millions d'euros, dans le cadre d'une contractualisation. La loi ALUR prévoit en effet le retour à la contractualisation, qui implique bien sûr un échange entre l'État et les partenaires sociaux d'Action Logement. L'actuelle contribution d'Action Logement à la GUL sera donc maintenue dans le cadre du nouveau dispositif, qui a vocation à être un dispositif universel englobant les dispositifs existants, avec leurs limites. Votre question, monsieur le député, porte plus spécifiquement sur l'ANRU, donc sur les financements relatifs au PNRU 2 ; M. Lamy y répondra donc de manière plus détaillée.

J'ai déjà eu l'occasion de répondre à la question posée par M. Alauzet sur la désindexation des aides personnalisées au logement. Il s'agit, dans le cadre d'un budget en augmentation, d'un choix douloureux mais nécessaire du Gouvernement, dû à la période budgétaire contrainte que nous vivons. Ce n'est pas une décision facile. Je vous assure néanmoins qu'aucun allocataire ne verra son APL diminuer. Il est en revanche décidé pour cette année d'en contraindre l'évolution, déjà très importante dans le budget de l'État mais aussi dans celui de la sécurité sociale au titre du FNAL – Fonds national d'aide au logement. Telle est la situation à laquelle nous devons faire face.

Comme vous l'avez dit, monsieur le député, j'ai déjà répondu à la question relative à l'ATESAT – assistance technique fournie par l'État aux collectivités pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire. Quant aux aides à la pierre, une partie des ressources pérennes sera alimentée dès l'année prochaine par la surtaxe sur les plus-values immobilières, qui s'élèvera à quelque 80 millions d'euros. Nous avons donc assuré l'affectation de ressources pérennes aux aides à la pierre, élément décisif de la construction de logement social. Je ne reviendrai pas sur ma réponse au président Chassaigne relative aux différents moyens complétant les aides à la pierre. Ils sont de même nature, puisqu'il s'agit d'argent ne faisant pas l'objet d'intérêts. La mutualisation des fonds propres, la prime de la Caisse des dépôts et consignations ou encore l'aide exceptionnelle d'Action Logement, sont donc à l'origine d'une augmentation très significative des aides à la construction de logements sociaux, ce qui nous permettra d'atteindre le plus rapidement possible, je l'espère, l'objectif annuel de 150 000 logements sociaux fixé par le Président de la République.

Vous avez parlé, madame Biémouret, de la saturation du 115. C'est vrai, nous faisons face à une situation difficile. Cela explique l'augmentation conséquente des crédits du programme 177 visant à améliorer la situation dans l'ensemble du territoire. Quant à la méthode des diagnostics territoriaux « à 360 degrés », elle est actuellement en cours d'expérimentation. Elle consiste à travailler avec tous les acteurs et identifier toutes les structures existantes et tous les besoins afin de disposer d'une vision globale du territoire et des acteurs. Dans quatre territoires, les diagnostics seront terminés en janvier 2014. L'objectif est de les généraliser à l'été 2014, au profit d'une vision moins verticale, plus horizontale, territoire par territoire. Cela nous permettra sans doute d'améliorer les dispositifs ainsi que le dialogue entre certains intervenants.

Vous avez parlé, monsieur Lebreton, du logement social à La Réunion et, plus généralement, outre-mer. Cette mission est aujourd'hui spécifiquement confiée au ministre des outre-mer et figure dans son budget. Comme vous l'avez noté, nous avons maintenu les dispositifs, en particulier la défiscalisation. Il s'agit du programme 123, relatif aux aides destinées aux outre-mer, y compris les aides à la pierre. Dans ce cadre, le Gouvernement entend réfléchir à tous les dispositifs susceptibles d'être plus particulièrement efficaces ou adaptés aux situations des outre-mer. Nous avons longuement discuté de ces sujets dans le cadre de la loi ALUR, afin d'y intégrer des dispositions correspondant à la situation spécifique des outre-mer.

Monsieur Dumas, vous avez évoqué en des termes très justes la question du conventionnement du logement existant. Comme vous l'avez dit, les actions contre les marchands de sommeil, qui résultent de divers travaux de collectivités locales et du Parlement, ont été intégrés au projet de loi ALUR, et nous permettront de disposer de moyens d'agir beaucoup plus importants, mais aussi de favoriser le développement de logements existants conventionnés, ce qui constitue une réponse à l'obligation, pour les communes de plus de 3 500 habitants, de présenter un taux de logements locatifs sociaux d'au moins 25 %. Le conventionnement de logements existants constitue une réponse à la difficulté posée dans certains territoires par le manque de foncier disponible pour construire.

Dans cette optique, nous avons travaillé sur l'idée d'un « super-PLAI » comprenant des prêts bonifiés grâce aux recettes provenant des amendes collectées auprès des communes ne respectant pas leurs obligations en matière de logement social. Cette mesure s'accompagnera d'un doublement du forfait « charges », afin de parvenir à un allégement très significatif de la quittance des ménages les plus modestes qui, aujourd'hui, risqueraient d'être écartés du logement social en raison du montant de leurs ressources – une situation que l'on ne peut évidemment accepter.

Monsieur Heinrich, vous êtes revenu sur la question du zonage, qui est l'objet d'un vaste débat, et pas seulement en matière de logement – nous aurons sans doute l'occasion, demain, d'évoquer le sujet extrêmement complexe des ZRR – zones de revitalisation rurale. L'objectif du Gouvernement est qu'à terme il n'y ait plus besoin de définir des zonages commune par commune, et que les chiffres issus des observatoires permettent, au regard de certains critères, d'appliquer simultanément les différents dispositifs, qu'ils soient fiscaux ou relatifs au niveau de loyer ou à la typologie de logements sociaux à construire.

J'en profite pour faire observer à Mme Dalloz je n'ai jamais dit que les observatoires ne seraient pas financés : ils sont financés à la même hauteur que l'an dernier, à savoir 5 millions d'euros. Il s'agit d'apporter, sur certains territoires, une aide aux collectivités locales. Le choix que nous avons fait n'est pas de créer un nouveau dispositif, mais de nous appuyer sur les dispositifs existants, ce qui passe par une aide financière à certaines collectivités, sous l'égide d'un comité scientifique travaillant, avec des statisticiens, à l'homogénéisation des données entre observatoires.

La question de l'application automatique des incitations fiscales aux zones D2 a posé des problèmes dans le cadre du précédent dispositif, notamment celui de la construction de logements dans des zones qui n'en avaient pas besoin, à des fins exclusives de défiscalisation, avec des effets secondaires néfastes. Nous avons donc choisi de mettre en place un dispositif resserré, plus contraint, mais supportant des exceptions si les caractéristiques du territoire le justifient, après instruction des dossiers et décision prise par le préfet.

Monsieur Rogemont, vous avez également évoqué la question des zonages, à laquelle nous travaillons de manière plus globale. Je sais que l'un des problèmes qui se posent est celui du zonage qui ne recoupe pas les limites d'une intercommunalité. Théoriquement, les zonages reposent sur un certain nombre de critères qui sont liés non au périmètre des intercommunalités, mais aux caractéristiques de la commune. La multiplication des opérateurs devrait nous permettre de résoudre ce problème assez rapidement.

S'agissant des centres-villes et des dispositifs de type ANRU qui pourraient s'y appliquer, le ministère travaille actuellement, pour les bourgs ruraux, à l'élaboration de dispositifs d'appui aux collectivités faisant face à une désertification et à une nécrose de leurs centres-bourgs, en particulier en zones rurales, où le patrimoine bâti se révèle parfois inadapté aux nouveaux besoins de logement, ce qui entraîne l'abandon de petits immeubles. Nous devons chercher des solutions financières, mais aussi techniques et architecturales, pour reconquérir les centres-bourgs, dont la déprise n'est pas sans poser certaines difficultés aux élus et aux habitants.

Monsieur Martin, vous avez évoqué le haut débit. Ma collègue Fleur Pellerin travaille actuellement à ce que l'ensemble du territoire soit couvert par le très haut débit dans les dix ans qui viennent. Cet objectif, qui devra néanmoins être atteint, se heurte à certaines difficultés dans les négociations avec les opérateurs. Parallèlement, le ministère de l'égalité des territoires travaille à la question des futurs usages destinés aux professionnels ou relevant du service public, en anticipant la couverture par le réseau à très haut débit.

J'aurai l'occasion de revenir longuement sur ce point demain, ainsi que de répondre à Mme Rohfritsch sur la fonction du Commissariat général à l'égalité des territoires – qui, je le répète, n'est pas une nouvelle structure, mais résulte de la fusion de trois organismes, dans le respect des fondamentaux et missions préexistants, avec un pilier « ville » dirigé par un commissaire général délégué à cette fonction. Il s'agit de réinventer la manière de tisser des relations entre l'État et les collectivités locales, non plus dans la logique des années 1960 et 1970, quand l'État décidait à la place des territoires, mais plutôt dans celle d'un accompagnement des initiatives et des potentialités de développement des territoires.

Monsieur Chevrollier, vous avez évoqué la proposition de généraliser la TVA à taux réduit à tout le secteur de la construction. Je rappelle que, dans l'hypothèse où 500 000 logements seraient construits chaque année, cela représenterait pour l'État une moins-value de 9 milliards d'euros, impossible à envisager tant sur le plan financier qu'en raison des effets d'aubaine, non corrélés à une baisse des prix, qu'elle entraînerait. Au lieu de cela, nous permettons aux opérateurs du logement social de déployer leurs fonds propres de manière plus efficace, sur davantage d'opérations.

Madame Abeille, vous avez bien résumé l'esprit du Commissariat général à l'égalité des territoires, dont nous aurons sans doute l'occasion de parler plus longuement demain, dans le cadre de l'examen du volet « Égalité des territoires ». Au-delà des questions financières, c'est une illustration de la façon dont l'État va désormais devoir travailler avec les collectivités locales.

Monsieur Tahuaitu, vous avez évoqué la redynamisation des zones de défense en Polynésie française. Ce sujet important, relevant du programme qui sera étudié demain, pose des questions juridiques actuellement étudiées avec le ministère des collectivités locales, étant donné le statut particulier du territoire. Je vous propose de vous mettre en relation avec mon cabinet afin d'étudier cette question de manière plus approfondie : du fait du statut des patrimoines de l'État et de la Polynésie, la situation est très spécifique.

Monsieur Goua, je crois vous avoir répondu sur l'APL. J'assume devant vous le budget de cette mission, qui constitue une partie du budget général porté par l'ensemble du Gouvernement, qui a nécessité des efforts de la part de tous les ministres. En dépit des contraintes, ce budget demeure toutefois un budget prioritaire, bénéficiant d'une augmentation de 100 millions d'euros.

Je crois, madame Dalloz, que M. Lamy pourra vous répondre utilement sur les crédits relatifs à la politique de la ville, qui ne sont pas en baisse, mais bénéficient d'une sanctuarisation. Par ailleurs, il est inexact d'affirmer que les appareils de chauffage sont exclus du crédit d'impôt « développement durable » – le CIDD –, puisque les chaudières performantes bénéficient toujours du dispositif de ce dispositif, comme toutes les dépenses liées à l'isolation.

Enfin, Mme Orphé a évoqué la question du foncier et des établissements publics fonciers. Nous avons souhaité harmoniser le statut de ces établissements, ainsi que leur articulation avec les EPF locaux, qui devrait permettre un meilleur fonctionnement, mais ne résout évidemment pas les questions de pression foncière. Comme je l'ai dit lors de plusieurs débats parlementaires, la question de la maîtrise du foncier et de l'évaluation du coût et de l'anticipation d'un certain nombre de programmes d'aménagement ou de construction de logements est loin d'être réglée : nous aurons donc à y réfléchir encore.

Madame la vice-présidente de la commission des affaires sociales, je suis très sensible à la question de l'accès au logement des personnes en perte d'autonomie ou en situation de handicap. Comme vous le savez, une mission a été créée dans le cadre de la loi de 2005. Le Gouvernement, qui attache une grande importance au fait que l'accès au logement se fasse sans aucune discrimination, a ouvert une grande réflexion, notamment dans le cadre du logement social, sur le rôle que pourront jouer les opérateurs dans l'adaptation des logements aux besoins des personnes concernées, qui disposent souvent de revenus limités. En 2014, les crédits de l'ANAH financeront l'adaptation de 15 000 logements aux besoins de personnes âgées ou en situation de handicap.

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