Selon la règle en usage à la Cour des comptes, le référé du 1er août 2012 dont je vous exposerai la teneur reflète une position collégiale. Dans ce référé, la Cour indique que, pour ce projet extrêmement ambitieux, les solutions techniques alternatives n'ont pas été assez explorées ou qu'elles ont été écartées, sans doute trop vite.
La première alternative est l'amélioration de la voie existante – le paradoxe étant que des travaux d'amélioration ont été conduits, et pour les accès et pour le tunnel lui-même, qui a été mis au gabarit G1 pour permettre le fonctionnement de l'autoroute ferroviaire alpine. Je n'ai pas à ce sujet de nouvelles très récentes ; les dernières que j'ai eues étaient que le tunnel rénové était techniquement prêt mais ne fonctionnait pas, les Italiens n'ayant pas donné l'autorisation d'exploiter ces infrastructures. Peut-être des faits nouveaux sont-ils intervenus entre-temps.
Une deuxième solution alternative était, dans le tunnel de base lui-même, de ne pas retenir la grande vitesse, ce qui modifiait un peu le coût. Une autre encore était de phaser les travaux ; on note une évolution sur ce point puisque, en janvier 2012, l'idée du phasage a effectivement été retenue, le percement du tunnel de l'Orsiera, du côté italien, étant reporté à une deuxième période. Un autre élément de phasage possible consistait à construire un premier tube, et un second à terme, comme le font les Suisses pour le tunnel ferroviaire du Lötschberg.
À propos du pilotage du projet, la Cour observe que l'on passe insensiblement des études préliminaires à la réalisation sans que l'on sache vraiment à quel moment on change de phase et quand les décisions sont prises. L'accord qui va être ratifié clarifiera probablement les choses.
L'augmentation des coûts prévisionnels doit être soulignée. Il faut cependant se rappeler que la partie commune – c'est-à-dire la section transfrontalière franco-italienne – dont on parle n'est plus celle d'hier, le tronçon Saint-Jean-de-Maurienne–Montmélian qui était partie française étant devenu une partie commune. On compare donc des choses qui ne sont pas comparables, puisque les définitions ont changé. Ce n'est pas grave si les choses sont claires pour tous ; ce n'est pas toujours le cas.
Pour ce qui est des prévisions de trafic, il avait été logiquement affirmé, dès l'origine du projet, que le nouvel ouvrage devrait entrer en exploitation quand la voie « historique » serait saturée. Considérant qu'il faut de dix à treize ans pour construire le nouveau tunnel, il fallait anticiper suffisamment pour permettre qu'il en aille ainsi. Mais l'ancienne voie ayant été rénovée, sa capacité est passée à 20 millions de tonnes de marchandises par an – capacité quelque peu réduite depuis lors, pour différentes raisons – ce qui a rendu plus lointaine l'époque de la saturation. Outre cela, la prévision de trafic est un exercice singulièrement difficile : il faut avoir une idée du trafic global de marchandises à travers les Alpes, savoir quelle part reviendra au train et aussi quelle part du trafic ferroviaire utilisera cet itinéraire-là et non le Brenner, le Saint-Gothard ou le Lötschberg. Il est particulièrement complexe de déterminer quel sera le comportement des transporteurs face à l'offre de tunnels ferroviaires en train de se constituer – car si le nouveau tunnel du Saint-Gothard est déjà percé, il n'entrera en exploitation qu'en 2016, et l'on ignore quelle sera sa capacité d'absorption.
La rentabilité du projet est faible, Mme la Présidente l'a souligné.
Enfin, l'accord à venir clarifiera le financement du projet. Vous avez donné les chiffres, madame la présidente ; cependant, Mme Anne Houtman a évoqué « de nouveaux instruments financiers » et « des financements complémentaires », ce qui signifie qu'à ce jour le financement n'est pas encore bouclé.
Voilà, trop vite résumées, les grandes lignes du référé de la Cour des comptes.