Intervention de Hubert du Mesnil

Réunion du 22 octobre 2013 à 17h15
Commission des affaires européennes

Hubert du Mesnil, président du conseil d'administration de Lyon Turin Ferroviaire :

La société Lyon Turin Ferroviaire (LTF) que je préside est chargée par la Commission intergouvernementale franco-italienne pour la nouvelle liaison ferroviaire transalpine Lyon-Turin de conduire les études pour la section transfrontalière – le tunnel –, ainsi que les travaux de reconnaissance. LTF se limite à exécuter les décisions prises par les deux États ; c'est pourquoi je ne pourrai apporter de réponse à certaines questions qui relèvent exclusivement des responsables italiens et français.

LTF, qui conduit ces études depuis une dizaine d'années, a mis au point le tracé de part et d'autre de la frontière. Nous sommes parvenus au terme de cette partie de l'étude et nous avons aussi réalisé des travaux de reconnaissance du sol. À ce stade, nous sommes en mesure d'estimer le coût du projet à 8,5 milliards d'euros environ pour le tunnel proprement dit. Je précise que cette estimation n'a pas sensiblement évolué ces dernières années. Pour répondre à la question de savoir s'il y a eu dérapage ou sous-évaluation, il faut être très précis et distinguer la partie qui est sous la responsabilité de LTF, c'est-à-dire le tunnel, pour lequel le montant n'a pas évolué, et les accès, c'est-à-dire des sections côté France et côté Italie qui ont fait l'objet d'études sous la responsabilité des deux gestionnaires de réseaux, Réseau ferré de France (RFF) et Rete ferroviaria italiana (RFI). On peut s'interroger sur l'assemblage de ces sous-projets, sur une section plus ou moins longue – de Lyon à Turin, ou au-delà, des deux côtés de la frontière mais, quoi qu'il en soit, une distinction nette doit être faite entre ce qui relève du tunnel proprement dit et ce qui a trait aux accès.

Par ailleurs, les capacités de la ligne existante dans la zone transfrontalière – le tunnel du Fréjus – et jusqu'à Lyon d'un côté et Turin de l'autre doivent faire l'objet d'une évaluation globale car si, en quelque lieu, un goulet d'étranglement se forme, la capacité d'ensemble s'en trouve affectée.

Permettez-moi aussi de souligner, en parlant d'expérience, qu'il faut tenir compte de l'évolution réglementaire européenne. La capacité disponible de la ligne existante est importante, c'est vrai. Le trafic des marchandises dans ce tunnel a beaucoup baissé ces dernières années parce que le fret a diminué globalement en France et aussi parce que les travaux d'amélioration du tunnel ont provoqué des perturbations. Il n'en demeure pas moins que la capacité de l'ouvrage dépasse l'usage qui en est fait aujourd'hui. Cependant, ses caractéristiques sont incompatibles avec le développement du trafic de marchandises, pour deux raisons. La première est l'altitude du tunnel : faire monter les trains à 1 300 mètres pose des problèmes difficiles de traction et de coût. La seconde raison, c'est qu'il s'agit d'un tunnel monotube dans lequel on fait passer aujourd'hui à la fois des trains de voyageurs et des trains de marchandises. Or, à la suite de plusieurs accidents, la réglementation européenne a évolué ; maintenant, les tunnels ferroviaires doivent prendre la forme de deux tubes séparés, permettant, pour des raisons de sécurité compréhensibles, que les trains ne se croisent pas dans un même tunnel. La référence « Eurotunnel » constitue désormais la norme européenne. En résumé, le tunnel historique, construit selon d'anciennes normes, a certes des capacités inutilisées, mais il sera impossible d'augmenter le transport de marchandises en le mêlant au transport de passagers dans cet ouvrage. Cette donnée ne peut être ignorée dans la réflexion sur la capacité du tunnel existant.

Enfin, parce que nous travaillons à un tronçon du corridor européen, le règlement européen correspondant s'impose à nous. Nous devons définir comment appliquer les décisions de l'Union européenne, c'est-à-dire comment mettre aux normes européennes l'ensemble de l'itinéraire par des améliorations progressives qui concernent aussi la signalisation. Nous devons aménager ce corridor à partir de la liaison existante. Cela peut se faire par étapes, mais il reste que les normes de la section transfrontalière sont actuellement incompatibles avec la réglementation européenne. C'est dans ce cadre qu'il faut parler du tunnel.

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